Trans Atlantic Way – Cu Chulainn 2024

Trans Atlantic Way – Cu Chulainn 2024

Préparatifs

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Pour la première fois depuis la Race Across France 2021, je me réaligne sur une épreuve de plus de 2 000km avec la TransAtlanticWay. Entre-temps, j’ai enchainé 3 années de suite les Traversées de France (Les Routes Blanches, Via Podiensis et In Vino Veritas) dans les délais BRM. Cela m’a permis de garder le rythme de ces grandes aventures en autonomie.

Ces différentes aventures m’ont permis d’affiner mon équipement avec quelques investissements matériel Ces équipements me permettront de gagner en confort lors des nuits à la belle étoile grâce à un bivy et un matelas pneumatique, ou sur la gestion de l’électronique avec 2 batteries 10 000mAh, de la connectique de secours, le tout dans une sacoche de cadre sur le tube horizontal.

La disposition a été également assez réfléchie. Les affaires pour la nuit (bivy, matelas pneumatique et sac à viande) dans la sacoche de guidon, avec le chargeur de ma batterie d’éclairage. J’ai également un sachet ziplock dans lequel j’ai mes adaptateurs et de la connectique pour charger le GPS et le téléphone la nuit. Ça rentre bien dans la sacoche, et surtout ça ne pèse pas très lourd. Donc ça ne tirera pas sur les épaules.

La batterie d’éclairage et les batteries, plus lourdes, sont dans la sacoche du tube horizontal. Les câbles pour charger le GPS et le téléphone sont là aussi. Dans une poche de la sacoche, j’ai aussi deux piles boutons et un stick de pommade pour les lèvres. Il y a aussi des gommes énergétiques en cas de fringale.

Le reste est dans ma sacoche de selle de 14L. J’ai une tenue de vélo de rechange, un short, un collant de compression et un t-shirt technique pour la nuit. Il y a également au fond de la sacoche, du ravitaillement. J’y ai aussi mis mes chaussure 5 fingers et une paire de chaussette en cas de pause nocturne dans un vrai hôtel / BnB.

L’ensemble a été validé sur la Traversée de France – In Vino Veritas de début juin. Le seul élément que je n’ai pas encore testé, c’est le porte-bidon qui tient la boite à outils sous le tube oblique. Et les pneus de 32 tous neufs que je viens de monter. Je roulais en pneu de 28 jusque là, mais je me suis dit que je gagnerais en confort en roulant avec une section plus large.

Le trajet jusqu’à Derry / Londonderry

Le vélo et toutes mes affaires ont fini par rentrer dans la caisse de transport. Il a fallu démonter les 2 roues, les prolongateurs, le cintre, le dérailleur. Ensuite, nous avons calé les sacoches dans le cadre. La partie de Tetris n’était pas évidente, mais tout est rentré. J’espère juste que je saurais remonter le puzzle une fois arrivé à Dublin.

La caisse de transport n’est pas en parfait état, il manque les roulettes à l’avant. Cela rendra le retour de la boutique jusqu’à chez moi et le trajet jusqu’à l’aéroport un peu laborieux. A l’enregistrement, on m’indique que normalement il faut prévenir quand on transporte un vélo. Je réponds que rien n’est indiqué sur le site (ils mentionnent les instruments de musique et les sacs de golf) et que mon mail posant la question est resté sans réponse. Et je comprends mieux pourquoi j’ai galéré à transporter la caisse, l’ensemble pèse 27,5kg…

Vol sans encombres jusqu’à Dublin, j’ai juste raté l’arrivée de l’épreuve de cyclisme sur route de JO. Le plus difficile aura été de rejoindre la navette de l’hôtel. Heureusement, le personnel de l’aéroport m’aura bien aidé à trouver le point de départ. Arrivé à l’hôtel, j’essaye de négocier pour laisser ma caisse de transport pour la durée de mon voyage, sans succès. J’avais déjà posé la question par téléphone, avec la même réponse. Vu le tarif de la consigne aéroport pour 2 semaines avec un bagage de ce gabarit, j’ai retenté ma chance.

La journée commence par un Irish breakfast, le premier d’une longue série. Le remontage du puzzle s’avère plus simple que prévu, même pour quelqu’un d’aussi peu mécanicien que moi. Avec les pneus en section de 32, même le gonflage se révèle aisé avec ma simple pompe. Plus la section du pneu est large, moins la pression nécessaire est élevée. Un aller-retour à l’aéroport pour déposer ma caisse de transport à la consigne et me voilà parti.

A peine ai-je parcouru quelques kilomètres que je me retrouve au milieu de plusieurs centaines de cyclo. Il y a une épreuve qui emprunte le même parcours que moi. Je laisse filer les premiers groupes pour ne pas gaspiller trop d’énergie. Je me retrouve finalement avec des groupes qui roulent à ma vitesse, et la discussion s’engage. Comme je suis le seul sans dossard et avec des sacoches, on me demande ce que je fais. J’explique donc que je vais rallier Londonderry en 3j pour ensuite participer à la Trans Atlantic Way. On me corrige sur le ton de l’humour : « Ici on dit Derry, tu pourras dire Londonderry une fois que tu auras passé la frontière avec l’Irlande du Nord. ». Je quitte ensuite l’itinéraire de l’épreuve pour continuer seul.

Le parcours n’est pas trop dur, même si je n’ai que peu de plat. Les montées ne sont jamais trop longues ni trop raides et les routes sont plutôt tranquilles. Le ciel s’est un peu couvert et quelques gouttes font leur apparition. Cette bruine commence à tomber au moment où je trouve une boulangerie/snack ouverte pour m’arrêter manger. Je choisis de manger à l’intérieur, un sandwich chaud, un dessert et une tasse de thé.

Je repars sous une pluie qui se fait plus forte. Il y a également plus de circulation à l’approche de Dundalk. La traversée de la ville en filant plein Nord est presque plus tranquille que l’approche. Une fois la ville derrière moi, je suis tranquille sur une ancienne route désormais réservée aux vélos. J’ai juste un peu de mal à retrouver la bonne route quand je rejoins la circulation. A partir de là, j’arrête de filer au Nord pour aller cherche un col à l’Est, le Windy Gap. Il y a un peu de vent, mais plus de pluie. Je rejoins ensuite la côte et reprend ma route au Nord. A nouveau, j’ai un peu de circulation à l’approche de Newry alors que je viens de passer la frontière nord irlandaise.

La pluie fait son retour, alors que je bifurque à nouveau à l’Est. Je ne roule pas souvent en Irlande, donc j’en profite pour chasser quelques cols. La première partie de la montée se passe bien, mais le final va être plus délicat. La vallée agit comme un tube venturi et le vent défavorable forcit considérablement. Comme la pente est devenue plus raide également, je dois m’employer pour sortir de cette zone. Le passage le plus délicat sera l’enchainement des 2 épingles pour rejoindre le barrage. Je dois vraiment faire attention pour ne pas me faire déporter par le vent quand je le prends de côté. Heureusement, la vallée s’élargit à l’approche du barrage, entrainant un affaiblissement du vent. Après ça, le final sur Spelga Pass est une simple formalité.

Je n’ai ensuite plus qu’à me laisser glisser jusqu’à mon hébergement du jour, un peu à l’écart de Kilcoo. Je repère un pub à 1km de mon gite, je sais où manger ce soir. Si le Spelga Pass aura été dur, la compréhension de Colm, mon hôte du jour, ne sera pas simple non plus (globalement, j’aurais eu un peu de mal avec les accents nord-irlandais). Heureusement, il est marié à une française ce qui simplifiera la communication. Ils sont d’une grande gentillesse, ils vont jusqu’à appeler le pub qui arrête de servir assez tôt pour me réserver une table et même m’y déposer en partant car ils passent devant. Colm m’accompagnera même à l’intérieur pour être sur que je pourrais manger.

Après une bonne nuit de sommeil, je reprends la route en direction du Nord. Une route barrée m’oblige à un détour de quelques kilomètres. Pas grave, le ciel est nuageux, mais le vent est favorable. Je m’offre un nouveau col sur le parcours, celui-ci aussi s’appelle Windy Gap. A croire que l’Irlande est un pays venté.

La suite est un peu moins agréable car je suis à hauteur de Belfast. Mon parcours passe à proximité de l’aéroport, j’emprunte des routes plus larges et plus passantes. Je bifurque parfois sur quelques chemins de traverse et les passages tranquilles alternent avec les zones où il y a plus de circulation.

La pluie finit par faire son apparition, je vais trouver un abri devant un supermarché pour ma pause de midi. Je profiterai de cette pause pour racheter un prise anglaise avec 2 sorties USB pour remplacer celle que j’ai bêtement oublié à l’hôtel le premier soir.

La pluie va finir par s’arrêter alors que je continue ma route au Nord. Je me rapproche de Ballycastle où je fais étape ce soir. J’y arriverai sous un ciel gris mais sans pluie, et toujours avec un vent favorable. Je réaliserai une fois couché que l’adaptateur que j’ai acheté ne suffira pas. Il m’en faut un sur lequel je puisse brancher une prise française pour recharger la batterie de mon éclairage. J’ai encore 2j pour trouver, ça suffira largement. Mais je suis pris d’un doute affreux, ai-je bien pris le chargeur pour la batterie de mon éclairage ? Il me semble que oui, j’avais commencé à préparer mes affaires suffisamment à l’avance pour essayer de penser à tout, mais je suis quand même pris d’un doute.

Le lendemain, une fois mes affaires préparées et mon Irish breakfast englouti, c’est la première chose que je vérifierai. Je me suis inquiété pour rien, le chargeur est bien dans ma sacoche. La localisation de mon gite me permet d’éviter une côte en restant sur les hauteurs de Ballycastle. Pas la peine de descendre dans le centre pour remonter sur la route qui file en direction de la Chaussée des Géants. Il fait grand beau aujourd’hui. Malheureusement, je ne verrais rien de la Chaussée des Géants qui est trop à l’écart de la route.

Malgré le soleil matinal, l’étape sera la moins plaisante du fait de la proportion de routes plus passantes que j’aurais à emprunter. Il n’y a pas non plus beaucoup de villages sur le tracé et je devrais me contenter d’une station service assez mal achalandée pour mon déjeuner. A cela se rajoute le vent qui s’est levé et souffle d’Ouest, donc je l’ai en pleine face.

Je réussis à quitter la route principale à l’approche de Londonderry. J’y arrive assez tôt et ai décidé de rallonger un peu le parcours pour aller chercher un col un peu au Nord de la ville. En traversant, je passe sur Liberty Bridge d’où sera donné le départ de la Trans Atlantic Way dans 2j (la journée de demain sera réservée au repos et aux formalités).

Je traverse la ville et repère approximativement où sera mon B&B de demain soir. Comme ma logistique a été un peu incertaine jusqu’à assez tard, je n’ai pas réussi à réserver 2 nuits de suite au même endroit. Je quitte la ville et attaque la montée du Granias Pass, une montée plus longue et plus difficile que les autres, excepté le Spelga Pass rendu compliqué par le vent.

En traversant la ville, une fresque rappelle la mémoire de Bobby Sands et des 9 autres grévistes de la faim, morts en 1981

Je peux ensuite rejoindre mon gite, idéalement placé juste à côté d’un parc qui domine le centre ville. La chambre est minimaliste, les dimensions d’une chambre en cité universitaire, mais je n’ai pas besoin de plus. En demandant des renseignements sur où je pourrais trouver l’adaptateur qui me manque, mon hôte m’en donne un en m’expliquant qu’il en a à ne plus savoir quoi à en faire avec tous les gens qui les oublient. Je le remercie et me mets en quête d’un restaurant. Alors que je suis table, je reçois un message de Guillaume, l’autre français qui participe. Il vient d’arriver et proposait de manger ensemble. Comme mon repas de midi à été assez léger, j’ai été manger assez tôt. On convient de se retrouver le lendemain pour les formalités.

Ces trois premières journées de vélo entre Dublin et Derry m’ont permis de me faire une première idée de ce qui m’attend sur les 2400km de la Trans Atlantic Way : du vent, des averses et un relief accidenté avec quelques bonnes rampes.

J-1 : les formalités et le briefing

Je finis de préparer mes affaires pour avoir le moins de changement à faire sur place entre mon sac à dos et mes sacoches. Je me suis assuré que mes vêtements de cyclo avaient bien finis de sécher après les avoir lavé la veille au soir. Tout est en ordre, je peux prendre la route pour rejoindre l’accueil de l’organisation.

Sur le chemin, je rejoins trois cyclistes avec sacoches et un équipement semblable au mien. Eux aussi sont là pour la TAW. La discussion s’engage et nous rallions tranquillement le Walled Garden derrière lequel se tient l’organisation. Les collègues se sont arrêtés prendre un café, je suis donc le premier à me présenter à l’accueil.

La discussion s’engage avec Adrian, le responsable et ses 2 acolytes, Lindsay et Jo. Je reçois le sac avec les goodies, dont une tasse faite main par un artisan local et un t-shirt de l’épreuve. Je range tout ça dans mon sac en prenant bien soin de protéger ce qui est fragile.

Au fil de la discussion, Adrian apprend que j’ai prévu de rajouter quelques cols supplémentaires qui sont à proximité du parcours. Apprenant cela, il me surnomme « The crazy French man ».

Les participants arrivent au fur et à mesure et les discussions s’engagent, on regarde le matériel des uns des autres. Je suis surpris par la proportion de vélos titane qu’il y a au départ.

Guillaume me rejoint en tout début d’après-midi et nous mangeons ensemble avant qu’il n’aille se manifester auprès d’Adrian aux inscription. Nous partageons la table avec Massimo, un concurrent italien engagé sur le 1 800km. Je profite de la présence d’un mécanicien pour lui emprunter sa pompe, effectivement, la pression de mes pneus était un peu basse, ce qui explique la sensation de piloter un tracteur que j’avais.

Je file ensuite rejoindre mon B&B du jour avant de revenir pour le briefing. J’avais expliqué lors de mes échanges avec eux que je partirais très tôt le matin. Comme il y a une petite cuisine à disposition des occupants, ils proposent de me laisser de quoi prendre un petit-déjeuner, c’est toujours appréciable. Ils me montrent aussi où je pourrais laisser mon vélo pour la nuit afin qu’il soit en sécurité et que je puisse y accéder demain matin.

Je retourne au Walled Garden où se tient le briefing. Adrian nous redonne les grandes règles qui figuraient déjà dans les mails qu’il nous avait envoyé, mais un rappel ne fait jamais de mal. D’autant que son propos est émaillé de nombreuses anecdotes des éditions précédentes. La plus savoureuse étant celle de la bénédiction des genoux qui a permis au concurrent qui pensait abandonner de repartir.

Après ce briefing, nous allons manger avec Guillaume et Ed. Ils se connaissent de la Trans Alba Race (encore une épreuve à rajouter à ma – longue – liste de choses à faire) qu’ils ont fait l’an passé. Ensuite, chacun rejoint son logement pour une nuit que l’on sait déjà trop courte… mais pourtant bien plus longue que les suivantes…

Derry – Dungloe (An Clochan Liath)

Le réveil sonne à 3h30, la nuit n’a pas été trop mauvaise. Je vais prendre mon petit-déjeuner à la cuisine, je fais ma vaisselle et me voilà parti direction Liberty Bridge. Je préfère les départs dans l’après-midi pour pouvoir faire une nuit blanche sur le vélo. Mon plan prévoit quand même une courte nuit, le règlement impose des arrêts de 3 heures au minimum chaque nuit, sauf deux nuits sur l’ensemble de l’épreuve, ces deux nuits ne pouvant pas être consécutives. J’ai prévu d’utiliser un des ces joker le premier jour, pour le second on verra en fonction du déroulement.

Je retrouve les autres participants et les organisateurs vers 5h30 à Liberty Bridge. Adrian procède à quelques rappels de dernière minute et nous rassemble tous pour une photo. Un des participants, Bent, prend la parole pour nous expliquer qu’il a du abandonner l’an passé, mais que cela lui a donné l’idée d’adapter un traditionnel irlandais chanté par les Dubliners (il me semble que c’est « Sweet Molly Malone », mais je n’en suis pas sûr). Il n’a pu adapter que le premier couplet et le refrain, mais les 10j à venir devraient lui laisser le temps de trouver l’inspiration pour le reste des paroles. Le refrain de sa version est « But forget, I’ll make it ! Or I’ll die in a tent ! » (traduction : « Oublie, je vais le faire ! Ou je mourrai dans une tente ! ») qu’il nous fait chanter en chœur avec lui.

Une dernière photo, et nous voilà parti groupés, le mécanicien d’hier nous guide sur les premiers kilomètres. La météo semble bien meilleure que ce que laissaient présager les prévisions des jours précédents que nous avons tous scrutés avec un certaine appréhension. Le ciel est rose ce matin et le pont de la rocade marque la séparation entre les nuages et le ciel dégagé.

Dès que notre guide s’écarte, l’allure s’emballe et les avions partent devant. Je me cale à mon allure, les jambes sont un peu dures ce matin. Des petits groupes se font et se défont au fil des kilomètres le long de la côte, et les discussions s’engagent. Forcément, ça parle vélo, ce que chacun a déjà fait comme longues distances, le temps qu’il pense mettre, les autres épreuves en cours (notamment la TCR où l’aventure de Victor Bosoni ne laisse pas indifférent). Au fil des discussions, j’apprends par un des participants irlandais qu’il y a peu de vent annoncé. Cela devrait rendre la traversée du Donegal beaucoup plus facile que l’an passé. C’est plutôt une bonne nouvelle.

Jusque-là, nous étions sur une route d’une certaine importance. La bifurcation à gauche nous envoie sur une petite route tranquille comme nous allons beaucoup en avoir sur le parcours. La première bosse va disperser un peu tout le monde. Comme je m’y attendais, c’est parfois assez raide, mais au moins nous n’avons pas de pluie et les températures sont tout à fait correctes. Je joue sur l’ouverture de mon Gore-Tex et de mon maillot pour réguler ma température. Je retrouve Guillaume vers le sommet de la première bosse, lors d’une pause photo. Nous allons ensuite passer rouler ensemble pendant un bon moment, rejoints un peu plus tard par Ed.

Le parcours longe la côte pour nous emmener au point le plus au Nord d’Irlande. Nous croisons des concurrents qui ont déjà fait cette boucle. C’est une des particularités du parcours, il y a un certain nombre de boucles ou d’aller retours qui donnent l’occasion de croiser d’autres concurrents. Et la conception du parcours de 2400km, en grande partie commun avec le 1800km sur lequel se rajoutent des boucles permet aux concurrents des 2 distances de se voir tout au long de l’épreuve.

Le ciel semble se couvrir à mesure que nous nous rapprochons de Buncrana où nous devons prendre le ferry. Pour l’instant, pas de pluie à l’horizon, c’est juste gris. La chose la plus inquiétante que je puisse voir est sur l’écran de mon GPS, une bosse annoncée à plus de 12% de moyenne sur environ 1km.

A mesure que nous approchons, l’obstacle se voit et se dresse clairement devant nous, une route droite passant entre 2 collines, environ 200m de dénivelé à franchir en 1,5km. J’espère juste que je n’aurais pas le même vent que 4 jours plus tôt dans le Spelga Pass. On met tout à gauche et c’est parti, il faut appuyer fort et prendre son mal en patience, mais ça passe. Le GPS aura affiché jusqu’à 19% au plus fort de la pente. Je ne regrette pas d’avoir opté pour un 33*33 sur ce vélo.

Nous sommes toujours sur des routes tranquille, c’est agréable de ne pas avoir de circulation, et assez rassurant car le croisement entre un vélo et une voiture n’est pas forcément évident vu l’étroitesse de la chaussée. Nous distinguons clairement la côte de l’autre côté du fjord, on plaisante en se disant qu’on pourrait traverser en pédalo pour gagner du temps et des kilomètres. Le ferry se rapproche, malgré des jambes un peu dures, je suis aligné avec mon horaire optimiste pour la traversée. Guillaume ne pensait pas non plus pouvoir prendre ce ferry. Ed s’arrête dans une station service pour acheter à manger tandis que Guillaume et moi continuons.

Nous sommes largement en avance pour le ferry. D’autres concurrents sont là et attendent comme nous. Il y a un café qui vend de quoi grignoter mais le service est assez lent, je renonce donc, je me dis que je trouverai de l’autre côté. Ici, j’aurais pu manger sans perdre de temps puisque je devais attendre le ferry, mais tant pis. Comme la veille, je regarde un peu les vélos des autres concurrents, je compte 9 vélos en Titane sur les 11 vélos qui sont ici.

Une fois embarqué, je me livre à un autre comparatif, sur les pneus cette fois-ci. Là encore, il y a une large majorité pour le Continental GP5000, en différentes sections. Nous avons été rejoints par Adrian et Adrian C (le photographe officiel a le même prénom que l’organisateur). On discute entre participants pour passer le temps sur les 5km que dure cette traversée.

Une fois débarqué, je cherche de quoi manger, mais je ne trouve rien qui me convainque, c’est aussi le cas de James, un autre concurrent. Je rejoins puis dépasse Guillaume, Ed, Sanjay (retenez bien les prénoms, vous allez en entendre parler jusqu’à l’arrivée). Curieusement, les jambes sont bien meilleures qu’avant la traversée. Je me cale à un bon rythme pour rejoindre Fanad Head et le premier point de contrôle. Là encore, c’est un aller-retour, je crois donc quelques concurrents avant d’y arriver. Il va falloir que je trouve à manger et que je remplisse mes bidons car depuis ce matin je tiens avec mes provisions de poche. Je prends en général toujours beaucoup trop de barres, compotes et purées de fruits à coques, donc autant piocher dedans.

Arrivée au contrôle, je retrouve Lindsay et Jo qui pointent mon carnet de route. Je suis arrivé en même temps que Shane, un concurrent irlandais qui fait mine de vouloir les soudoyer pour avoir le tampon du deuxième contrôle tout de suite. Bref, ça rigole pas mal malgré la pluie qui arrive doucement mais sûrement. J’achète 2 portions de brownie et une tasse de thé, ce sera mon déjeuner du jour car je n’ai pas trouvé de salé dans la boutique. Je remplis mes bidons et me voilà reparti, sous la pluie.

Malgré la pluie, les paysages restent agréables, c’est toujours très sauvage. Je mets la musique pour passer le temps et faire abstraction de la pluie et c’est parti ! Les kilomètres défilent et je vois le ciel s’éclaircir devant moi, j’espère sortir de la pluie assez rapidement. C’est bien ce qui se produit, comme lors de ma première journée de vélo, j’aurais essuyé environ 1h30 à 2h de pluie.

A peine sortie de la pluie, je quitte le parcours pour aller chercher un col supplémentaire, le Barnes Gap, seulement distant d’un peu plus de 2km du parcours. Peu de temps après avoir rejoints de parcours, je retrouve un concurrent arrêté au bord de la route. Il a subit une crevaison et n’arrive pas à regonfler, il a des jantes hautes et son prolongateur de valve est cassé. Malheureusement, je ne peux rien faire pour lui, mes chambres à air n’ont pas de valves assez longues et je n’ai pas de prolongateur de valve non plus.

Le parcours part pour une boucle en direction du Sud et nous renvoie droit sur les nuages et la pluie dont nous étions sortis. Nous revoilà donc dans la bruine sur ce plateau. Hormis le ruban de la route, il n’y a aucune trace de civilisation, j’ai l’impression d’être seul au monde. Enfin, nous arrivons sur la montée qui va nous conduire dans le Glenveagh National Park, que nous longeons depuis quelques kilomètres.

J’aperçois le veste de pluie blanche d’un autre participant devant moi. C’est Shane que je rejoins au sommet alors qu’il cherche le début de la piste que nous devons redescendre jusqu’à Glenveagh Castle. La trace indiquait la bifurcation un peu plus tôt qu’elle n’est en réalité. Nous voilà parti dans la descente sur ce sentier, je suis bien content d’avoir monté des pneus de section 32 qui me procurent plus de confort et d’adhérence dans cette descente. Shane est un peu moins à l’aise et m’a laissé filer devant. Il y a deux passages où je vais déchausser par sécurité, mais avec un peu d’habitude du gravel, ça doit passer sans problèmes.

Guillaume me rejoint dans le bas de la descente, il a plus l’habitude du gravel que moi. Comme Adrian nous l’a demandé, nous restons sur la piste pour les piétons et vélos afin de ne pas gêner les navettes qui relient les parkings au château, même si à cette heure-ci (et avec cette météo) il n’y a personne. En passant, nous voyons quelques beaux emplacements pour le bivouac, mais il est beaucoup trop tôt pour envisager s’arrêter.

Nous avons été rejoints par Shane et un autre concurrent, nous voilà parti pour la montée de Muckish Gap, mais nous ne sommes plus que trois, le quatrième est engagé sur le 1800km qui évite cette côte. Il pleut toujours et la descente sur Falcarragh (An Falcarrach) nous refroidit bien. Heureusement, nous allons pouvoir nous arrêter manger et nous réchauffer un peu. Shane nous indique que le supermarché Centra propose des plates chauds. « Centra is good food » nous a-t-il dit. Malheureusement, tout a été vendu, il faut dire qu’il est presque l’heure de la fermeture. Heureusement, il y a un restaurant asiatique un peu plus loin, il faudra juste que nous ressortions braver la pluie pour trouver un distributeur de billets car ils ne prennent pas la carte. Nous mangeons assis par terre, car ils font essentiellement de la vente à emporter.

Il pleut toujours, mais il va bien falloir repartir. On regarde les applications météo, Ed nous a rejoint, et chacun discute de ses plans pour nuit. Je veux continuer à rouler car ils semblent annoncer un arrêt de la pluie, et il est encore trop tôt pour s’arrêter. Par contre, après la pluie prise en fin de journée, l’idée d’une courte nuit dehors n’est peut-être pas une bonne idée. Guillaume est dans la même optique, nous repartons ensemble. La pluie s’arrête quand nous repartons, Philipo et son équipière arrivent à ce moment là.

Il n’y a plus de grosses difficultés sur le parcours aujourd’hui et nous avançons bien dans la nuit qui est maintenant tombée. La pluie à beau s’être arrêtée, nos vêtements restent humides. Une nuit à l’abri nous permettrait de les sécher. Nous ne trouvons pas d’hébergements sur les bords de la route. Nous continuons notre route jusqu’à Dungloe / An Clochan Liath, où nous demandons des renseignements auprès de deux personnes sur un ponton au bord de Dunglow Lough. Ils nous indiquent un hôtel dont nous trouverons pas l’entrée, mais nous finissons par trouver un B&B encore ouvert. Guillaume réussi à négocier 30% de remise sur le tarif initial de la chambre familial. Le propriétaire indique la chambre, mais oublie de nous indiquer où mettre nos vélos. Nous rentrons et les laissons dans la salle à manger, comme nous partons très tôt, cela ne dérangera personne.

On met l’électronique à charger, puis douche et enfin dodo avant un nouveau réveil matinal.

Dungloe (An Clochan Liath) – Sligo (Ballysadare)

Le réveil sonne à 4h30, le temps de sauter dans nos affaires de vélo et nous voilà parti, ce matin encore, j’ai pioché dans mes poches pour ne pas partir le ventre vide. Les paysages le long de la côte sont toujours aussi sauvages.

Quelques kilomètres plus loin, nous avons droit à une courte portion gravel pour rejoindre une route côtière. Je n’avais pas repéré cette section gravel sur les cartes, et je n’ai pas le souvenir qu’Adrian nous en ait parlé au briefing. C’est plus mauvais qu’hier, je décide d’en faire une partie à pied. Encore une fois, Guillaume est plus à l’aise et passe tout sur son vélo.

Les kilomètres passent et les paysages évoluent. Je vois au loin apparaitre des falaises au lieux des collines et des plages. Je guette également s’il n’y a pas un pub ou un supermarché ouvert, mais il est un peu tôt, tout est encore fermé. Il faudra que je patiente jusqu’à Ardara pour trouver une supérette qui venait d’ouvrir, je me suis rappelé de la phrase de Shane hier soir : « Centra is good food ».

J’achète du pain, des œufs brouillés, des saucisses et voilà mon petit-déjeuner que j’avale devant le magasin. Je jette un coup d’œil à mon téléphone car j’ai des amis qui font l’Irlande du Sud au Nord (en voiture) et m’ont envoyé un message hier en me disant qu’ils essaieraient de me croiser aujourd’hui. Je repars et bifurque à gauche à la sortie de la ville pour aller chercher un nouveau col bonus, le Neck of the Ballagh.

De retour sur l’itinéraire, la route s’engage dans un genre de gorges le long de la Glengesh river, et je commence à m’inquiéter en voyant où passe la route. J’ai beau savoir que les effets d’optiques sont parfois trompeurs sur les pentes, il va falloir s’accrocher pour passer cette montée. D’autant que le vent commence à s’en mêler. Je met tout à gauche et c’est parti pour un kilomètre à plus de 10%, heureusement, une courbe fait que le vent n’est pas totalement défavorable. Qu’est-ce que c’est bien le 33*33. A l’approche du sommet du Glengesh Pass, il y a une caravane qui propose du café et des gâteaux. Je continue ma route en essayant de situer Kilgoly sur le parcours. J’ai eu un message de mes amis m’indiquant qu’ils allaient essayer de me retrouver là.

J’espérais arriver sur un plateau, mais non, la route bascule assez rapidement et une nouvelle bosse s’offre à moi. Heureusement, celle-ci est moins sévère. Dans la descente, au niveau d’une intersection, il y a une voiture arrêtée, ce sont mes amis. Je m’arrête discuter avec eux, très content de les voir. Nous nous étions aperçu complètement par hasard que nous serions en Irlande aux mêmes dates et sur des parcours qui allaient se croiser.

Après une petite discussion et un échange de nos impressions sur l’Irlande, nous repartons. Ils me dépassent quelques instants plus tard alors que j’approche de Cashel (An Caiseal). La pluie va faire son apparition quelques instants après. En passant, je vois un vélo contre la façade du Village Cafe. Je décide de faire une pause, je retrouve Sanjay qui est à table devant un Irish breakfast. Je décide de faire pareil le temps que la pluie passe. On discute un peu, vélo forcément. On constate que nous étions tous les deux sur Paris-Brest-Paris l’an passé.

Je repars sous une pluie fine qui va rapidement s’arrêter, sans regrets. J’ai un message de mes amis qui me disent qu’il ne pleut plus à Malin Beg, ma prochaine destination. Le ciel bleu a fait son retour et je profite de la vue sur les falaises avant de monter sur Malin Beg. Pour rejoindre Malin Beg, il y a encore une bosse à franchir pour y arriver, mais beaucoup plus facile que les deux dernières que j’ai pu franchir. Par contre, il y a toujours ce vent, je repense à ce que m’a dit le cycliste irlandais hier. Même les autochtones se font avoir par la météo…

Arrivé à Malin Beg, je retrouve mes amis ainsi que Guillaume qui m’avait dépassé lors de ma pause Irish Breakfast. Nous repartons ensemble en direction de Donegal. Chacun se cale à son allure et affronte le vent comme il peut. Je rejoins un autre concurrent, lui aussi souffre du vent. Il espérait rejoindre Sligo ce soir, mais vu le kilométrage restant, il doute de pouvoir y arriver. Nous allons rouler de concert pendant plusieurs kilomètres, jusqu’à passer l’aller-retour sur la péninsule de Saint John’s Point. Une barrière nous interdit l’accès jusqu’au phare, nous n’osons pas la franchir.

Je croise Guillaume alors que je repars sur Donegal. Nous nous arrêtons quelques instants pour discuter et nous voyons passer Sanjay, de retour lui aussi de la péninsule. Je le rejoins un peu plus tard, lui a bravé la barrière pour aller jusqu’au bout de la péninsule.

L’approche de Donegal est un peu moins agréable, nous retrouvons des routes plus passantes. Après 36h dans les landes irlandaises, cela fait bizarre. Je fais quelques tentatives en prenant ce qui me semble être des pistes cyclables où des itinéraires secondaires parallèles à la route principale. Il faut passer la ville et attendre quelques kilomètres pour retrouver le réseau secondaire.

Sligo n’est plus très loin, du moins à vol d’oiseau. Le paysage change assez radicalement avec l’apparition de formations rocheuses et falaises qui dominent les paysages que 400 ou 500m. C’est assez surprenant.

Le parcours part ensuite pour une quasi boucle dont les 2 extrémités sont séparées de seulement 100m. Je me doute qu’il y a une bonne montée sur cette portion, ce que me confirme rapidement un examen du profil à venir sur le GPS. Mais il y a une autre surprise que je n’avais pas vue venir. La montée est parfois pentue, mais les paysages sont une belle récompense quand on monte Horseshoe Road. La route, passe au cœur de ce qui ressemble à un cirque. Les photos ne suffisent pas à rendre le côté majestueux des paysages.

Je continue à rouler en direction de Sligo, je projette de dormir là-bas. Les températures étaient bonnes, et il n’y a pas de risques de pluie annoncé, je projette donc de passer la nuit en bivouaquant. Il me faudra trouver un endroit adapté pour cela. J’anticipe la journée du lendemain où j’ai prévu un départ très matinal. Je ne sais pas si je trouverais de l’eau, donc je profite de croiser 3 agriculteurs discutant devant une ferme pour leur en demander. Le parcours fait une nouvelle boucle le long du Glencar Lough. La nuit fait son apparition dans le secteur. Une dernière bosse à passer et je redescendrai sur Sligo. Le vent s’est maintenant un peu calmé.

A l’approche de Sligo, nous empruntons une petite route en mauvais état, encore une fois, je suis content de mes pneus de 32 et le confort qu’ils me procurent. Je cherche un endroit pour dormir et trouve quelques coins dans l’agglomération, mais rien qui ne satisfasse vraiment. Je continue à la recherche du meilleur endroit possible. Idéalement, un endroit en retrait de la route d’où je ne serai pas visible. Je trouve le bon endroit quelques kilomètres après la ville. Un dégagement à l’intérieur d’une courbe, entre une forêt et un mur, avec de l’herbe au sol. Je préviens Guillaume qui a lui aussi prévu de bivouaquer de ma position et commence à installer mes affaires. Bivy, matelas pneumatique, sac à viande en soie. Je me change pour enfiler mon collant de récupération et règle mon réveil à 3h00.

Dans la nuit, j’entends un bruit, je reconnais une cale qui déclipse. Je sors un œil de mon bivy : c’est Guillaume qui arrive. Je me rendors tranquillement.

Sligo (Ballysadare) – Achill Sound (Gob an Choire)

Le réveil sonne à 3h. Pas de traces de Guillaume que j’avais pourtant entendu arriver hier soir. Je doute qu’il soit déjà reparti, d’après nos échanges, ce n’était pas son plan. Je me dis qu’il a dû aller bivouaquer ailleurs. Le temps de mettre ma tenue de cyclo, replier mon bivy, mon sac à viande et dégonfler et ranger le matelas pneumatique, je suis sur le vélo à 3h30. Je grignote quelque chose de mes réserves et me voilà parti. Je roule environ 2h avant d’avoir envie de dormir, j’ai essayé de lutter en prenant un bonbon à la menthe, mais sans effet, je m’arrête donc pour une petite sieste improvisée. L’emplacement est en retrait de la route, et il n’y a pas grand monde qui circule à cette heure très matinale.

Après cette petite sieste, je reprends la route, j’espère bien trouver un endroit où manger assez rapidement. Malheureusement, il me faudra patienter encore une trentaine de kilomètres pour trouver de quoi manger sur la route. Dans la traversée d’Inishstone, il y a une supérette Centra sur le bord de la route. A force de m’arrêter chez eux, je vais finir par demander s’ils ont un programme de fidélité.

Comme hier, pain, œufs brouillés et saucisses feront mon petit-déjeuner. Alors que je suis en train de manger, je suis rejoint par Jesse, le concurrent finlandais. Je le pensais loin devant car il roule sensiblement plus vite que moi, mais il s’arrête aussi plus longtemps la nuit. En outre, il a connu quelques mésaventures. Le premier jour, un dotwatcher (littéralement regardeur de points, les gens qui suivent les épreuves sur leur écran à partir des positions des balises) a repéré qu’il avait raté la bifurcation gravel qui nous emmenait dans le parc national et avait fait une boucle pour venir rejoindre le parcours. Il m’explique qu’il a connu 2 crevaisons, malgré des pneus pourtant réputés robustes (Continental GP5000, comme 80% des participants).

En regardant son pneu, nous notons de petites entailles sur son pneu. Je lui propose mon tube de Superglue pour les colmater. J’en profite pour faire de même. Tout cet échange s’est passé sans le moindre mot, il ne parle pas anglais, je ne sais pas s’il le comprend. Lors de la récupération de son dossard, j’avais repéré qu’il avait tout fait en passant par son smartphone. Il mange aussi plus vite que moi, puisqu’il reprend la route avant que je n’aie fini mon petit-déjeuner.

Les paysages ont considérablement évolué depuis la veille, nous sommes passés de routes vallonnées à un paysage beaucoup plus plat, et les côtes accidentées ont laissés place à des plages de sable. Effectivement, lorsque j’avais étudié le parcours, j’avais repéré que les 600 premiers et derniers kilomètres étaient les plus durs, la section intermédiaire étant plus facile. Ce qui ralentit notre progression, c’est le vent, toujours d’Ouest et donc souvent défavorable.

Le vent est vraiment le principal ennemi du cycliste aujourd’hui. Quand je pense qu’à une semaine du départ, l’organisateur avait posté un message humoristique indiquant qu’il n’y avait pas beaucoup de vent annoncé et qu’en conséquence il proposait d’annuler. Idem pour le concurrent local avec qui je roulais dans la première bosse et qui me disait que nous devrions avoir peu de vent. C’était il y a moins de 48h. Si même les autochtones se font surprendre par la météo…

Après un passage sur la côte, nous pénétrons à nouveau à l’intérieur des terres. Les plages avaient fait place à de nouvelles falaise. Malgré le vent (on pourrait appeler ça un courant d’Eire), je continue ma route. L’envie de dormir fait son retour, comme ce matin le recours aux bonbons à la menthe est insuffisant. Je décide donc de m’arrêter pour une nouvelle petite sieste. Un peu plus loin, il y a un dégagement sur le bord de la route pour me poser en sécurité. Je repars ensuite, mais doit à nouveau m’arrêter moins d’une heure plus tard, à nouveau pris par l’envie de dormir. Là encore, un dégagement m’offre un bon endroit pour une pause. Cette fois-ci, je sens en repartant que ça va mieux. Et mon plan pour la soirée est un arrêt plus précoce que ces deux derniers soirs, ce qui me convient mieux.

Finalement, nous rejoignons la Glenamoy river et la longeons jusqu’à son embouchure. Nous voilà de retour sur le bord de mer. Là encore, j’ai prévu un extra, avec le Barnacuille. Je bifurque à gauche en traversant Carnhill. Ma montée sera infructueuse, le col n’est pas routier mais muletier. J’opère un demi-tour pour rejoindre l’itinéraire là où je l’ai quitté. Les falaises ont été remplacées une nouvelle fois par des plages que je vais longer jusqu’à Belmullet (Beal an Muirthead).

Je traverse la ville en repérant les éventuels restaurants et supermarchés. Rien qui ne m’inspire, mais ça me semble être le bon endroit pour manger, il est encore un peu tôt, mais je dois faire un aller-retour jusqu’au bout de la péninsule de Fallmore et le phare de Blacksod, soit environ 40km. Des kilomètres qui ne seront pas de tout repos, non pas du fait du relief, mais toujours à cause du vent que je vais avoir défavorable pour y aller. Heureusement, il me poussera au retour. Déjà le deuxième jour avec le vent défavorable, et il commence à me taper sur le système. Vivement que le parcours reparte en direction de l’Est, normalement demain, pour l’avoir enfin dans le dos.

C’est long et fastidieux pour y arriver. A peine me suis-je engagé sur la route en aller-retour pour Blacksod que je croise Jesse, quand je vous disais qu’il roulait plus vite que moi. On se salue d’un geste de la main et d’un sourire. Déjà 70km que je prends le vent de face, encore 20km avant de profiter de l’avoir un peu de dos. Ce matin, je me suis fait avoir en regardant mon application de prévision météo, je n’avais pas noté que l’échelle ne commençait pas forcément à 0. Là, elle commence plutôt à 20km/h, et le vent s’établit autour de 35. Ils annoncent des rafales beaucoup plus fortes, mais nous n’en avons pas heureusement. Si nous avons l’habitude de voir le vent tomber la nuit dans nos contrées, ce n’est pas le cas ici, il peut souffler toute la nuit sans se fatiguer.

Enfin, j’arrive à Blacksod, ça aura été laborieux, mais j’y suis. Le lieu est historique, il y a un mémorial en hommage aux nombreux irlandais qui ont émigrés. Ce sont aussi les occupants du phare qui sont à l’origine du décalage du débarquement de 24h, ils ont été les premiers à observer un front froid qui aurait affecté la Manche le 5 juin 1944. Une plaque sur le phare rappelle succinctement cet évènement.

Je repars en direction de Belmullet. C’est plus facile avec le vent dans le dos ! A l’approche de la ville, je croise Guillaume. On s’arrête un peu pour discuter et prendre des nouvelles. Comme tout le monde, il a souffert du vent. Je lui souhaite bon courage en lui confirmant que le retour de Blacksod sera plus facile. De mon côté, je vais faire une pause repas dans la ville.

Je croise Sanjay qui s’apprête à repartir, il a fait une pause dans un restaurant indien, mais ne me le conseille pas vraiment. Après avoir tourné dans la ville, sans rien trouver de satisfaisant. Je me rabats finalement sur ce restaurant indien. Je commande du riz, une viande au curry et un nan ainsi qu’un soda et de l’eau. Le serveur a l’air un peu surpris que je prenne autant à manger.

Quand je récupère ma commande 20 minutes plus tard, je comprends mieux, le nan fait 30cm de diamètre. Ça pourrait presque faire un repas pour un petit mangeur. Je me demande si je vais réussir à tout manger, au pire, le nan étant dans un carton à pizza, je sais que je pourrais le garder pour plus tard.

En pleine digestion (oui, j’ai réussi à tout manger), je reprends ma route. Le vent est toujours défavorable puisque je continue à filer au Sud. Le parcours laisse la route principale pour une petite boucle avant de la rejoindre, ça permet de rouler en direction de l’Est pendant quelques kilomètres et donc d’avoir le vent favorable. Il commence à faiblir, je ne vais pas me plaindre car je file maintenant plein Sud sous le jour qui décline.

Le parcours est toujours plat, et avec le vent qui se calme, je peux enfin avancer à des allures plus rapides jusqu’aux abords de Mulranny. Je pensais longer un immense lac, mais en réalité, c’est la mer qui est là.
Le parcours fait une petite boucle pour nous faire quitter la route et emprunter une piste cyclable qui est parallèle à la route. Il y a une barrière à l’entrée avec la tombée de la nuit, et sûrement aussi la fatigue, je ne vois pas tout de suite le passage à gauche de la barrière.

Je mets en marche mon éclairage et je trace sur cette piste cyclable. Il y a quelques endroits où il faut être prudent du fait des barrières. Il y a aussi des moutons aux abords, et parfois sur la piste cyclable.

Je quitte la piste cyclable pour rejoindre la route. L’heure est avancée, je commence à chercher un point pour bivouaquer. Ceux que je trouve sont trop proches de la route. Je continue donc ma route. J’arrive finalement à Achill Sound, toujours en quête d’un endroit où dormir. Je tourne dans la ville sans rien trouver. Éventuellement, il y aurait peut-être derrière l’église, mais je ne trouve pas le coin suffisamment abrité, je suis toujours visible d’une route. En passant devant un pub, je repère le vélo d’un participant.

J’essaye de voir si en sortant je trouve un meilleur point, mais sans succès. Je reviens finalement dans la ville, je croise le propriétaire du vélo, James, en terrasse avec une pinte de bière. La discussion s’engage. Il m’indique un BnB qui fait camping, c’est là qu’il dort. On discute un peu de notre progression respective, évidemment il est question du vent à un moment.

Il est parti sur le 1800km, ce qui lui permet de boire tranquillement une pinte en terrasse le soir comme il me dit en plaisantant. Il m’indique que si je n’ai pas mangé, ils ont des bonnes pizzas dans ce pub. Je décline, j’ai déjà mangé et je file au camping, mais il n’y a personne qui répond quand je frappe à la porte. Je redescends, il me conseille de dormir là comme lui et de laisser mon règlement dans la boite aux lettres (15€) en partant. Il m’indique qu’il finit sa bière et va remonter. Je remonte au camping, je vais pouvoir prendre une douche. Je vais vite déchanter car je n’aurais pas d’eau chaude, malgré toutes mes tentatives pour activer le mécanisme de chauffage de l’eau. Tant pis.

Je me pose dehors, heureusement que j’ai mon matelas pneumatique car le sol est plutôt rocailleux. Je vois passer quelques lumières des autres occupants des campings cars qui sont stationnés là, mais ça ne m’empêchera pas de dormir assez rapidement.

Achill Sound (Gob an Choire) – Letterfrack

Le réveil sonne à 3h30. Je replie mes affaires et me prépare à partir, avec la lumière du camping, c’est plus facile de tout replier. Je rentre dans le local qui sert de cuisine et salle à manger du camping pour récupérer mes sacoches. J’allume, ce qui réveille James qui s’était posé au chaud pour la nuit. J’éteins tout de suite et m’excuse de l’avoir réveillé si brutalement. Je récupère mes affaires et sors rapidement.

La première partie du parcours est un aller-retour au bout de la péninsule / l’île. Comme celle-ci s’élargit, le tracé fait aussi deux boucles, une au Nord à l’aller, une au Sud au retour. Le début est assez facile, quelques petites bosses mais rien de très méchant. Alors que j’approche de l’extrémité de la péninsule, je croise Jesse qui en revient.

Cet aller-retour offre quand même une belle bosse pour atteindre l’extrémité de la péninsule. Comme souvent, ce n’est pas très long mais la pente dépasse allègrement les 10%. C’est un peu copieux comme petit-déjeuner, heureusement la lumière du soleil levant magnifie les paysages.

La descente qui m’amène vers la plage n’est pas moins raide, je sais ce qui m’attend au retour. Il y a quelques obstacles qui incitent à la prudence sur cette portion, ce sont les moutons qui sont installés sur la route. Adrian nous avait prévenu, la journée ils sont dans les prairies et viennent dormir sur le bitume, attirés par la chaleur que celui-ci a accumulé. J’arrive sur le parking qui domine la plage, il y a un camion qui vent du café, mais il est trop tôt pour qu’il soit ouvert.

Je ne m’attarde pas et repart monter ce que je viens de descendre. Arrivé à Keel, je vois la route par laquelle je suis arrivé, je la laisse à ma gauche pour boucler la partie Nord de la péninsule. J’ai à nouveau un tronçon commun à l’aller et au retour, mais cette fois-ci je ne croiserai personne.

Je bifurque à droite pour partir sur la boucle Sud. La colline que je longe et qui est à ma droite doit être celle que je voyais de la plage de Keem. Elle me domine de 400m. Au fur et à mesure du jour qui se lève, je note le vent qui refait son apparition. Nous roulons maintenant majoritairement vers l’Est, contrairement aux jours précédents où nous roulions souvent en direction de l’Ouest. Et mauvaise nouvelle, contre toute attente, le vent a décidé lui aussi de tourner et souffle d’Est aujourd’hui. Je sens que la journée va être longue.

La boucle Sud sur la péninsule est également moins facile que la boucle Nord. Mon GPS m’indiquait une bonne bosse (comprendre raide), en voyant la route faire deux épingles à flanc de colline, je comprends ce qui m’attend. Les pourcentages étaient déjà bien suffisants, heureusement qu’ils n’ont pas atteints ceux que m’indiquaient le GPS. Une petite erreur dans la trace le faisait tirer tout droit et faussait donc son estimation des pentes restantes. Les 15% me suffisaient, pas besoin de 200m à 20%.

Une deuxième bosse s’enchaine derrière, à peine moins raide. J’en ai bientôt fini avec la boucle Sud sur la péninsule et vais revenir à Achill Sound. Je commence à avoir faim, mais il est peut-être un peu tôt pour le petit-déjeuner. Je traverse la ville mais tout est fermé. J’aperçois 2 concurrents arrêtés de l’autre côté de la route, je vais les saluer et leur demander s’ils savent où je pourrais trouver à manger.

Je n’avais pas fait attention, eux si, mais nous sommes juste devant un supermarché qui vient d’ouvrir. Ce n’est pas un Centra, mais comme je n’ai pas pris ma carte de fidélité, je n’y attache pas d’importance. Nous discutons en allant faire nos courses puis en prenant le petit-déjeuner. Eux sont sur le 1800km, et Jörg doute de pouvoir aller au bout car il commence à avoir mal aux genoux. Je lui indique que la boucle n’est globalement pas trop dure (et j’avais oublié qu’eux n’allaient pas jusqu’à la plage de Keem). Nous repartons en nous souhaitant bonne route et nous donnant rendez-vous à Kinsale.

Le parcours continue en longeant la côte de Clew Bay pour nous emmener à Newport. Nous rejoignons la piste cyclable que nous avons emprunté hier. Cela permet d’éviter la grande route qui rejoint Westport. J’ai quelques hésitations par moment avec la trace, mais le plus gênant reste le vent qui est bien d’Est, aucun doute. Nous continuons sur cette piste jusqu’à Westport. Le vent est un peu moins gênant entre ces deux villes car nous roulons en direction du Sud.

Je voulais m’arrêter à Westport, mais il y a beaucoup de monde, après 3j et demi en pleine nature, on perd vite l’habitude de voir du monde. Je me contente d’un flapjack qui me restait de mon arrêt au supermarché ce matin. En même temps que je le mange, je savoure l’idée d’avoir enfin un peu de vent favorable jusqu’à Louisbourgh. Un coup d’œil vers le ciel me fait craindre de prendre la pluie une fois que j’aurais passé la ville.

L’envie de dormir me reprend et je dois faire une pause un peu avant Louisburgh. Une ou deux voitures vont ralentir pour me demander si tout va bien en me voyant assis somnolent contre un mur. Après cette sieste salvatrice, je reprends ma route. Les cieux sont avec moi pour le moment, la pluie que je redoutais n’étais pas là.

Pour ce soir, j’ai réservé un hébergement à Letterfrack, en plein cœur du Connemara. Au fil des kilomètres, j’essaye d’affiner mes prévisions de mon heure d’arrivée. Il me reste encore environ 100km et le tronçon qui me sépare de Letterfrack s’annonce plus vallonnée. J’ai déjà prévenu que je ne pourrais pas y être pour 18h, mais cela ne pose pas de problème.

La pluie me cueille quand je suis dans mes calculs, je suis en train de monter au-dessus de Louisburgh. Ça tombe dru, mais je ne m’arrête pas, si ce n’est pour fermer mon maillot et ma veste de pluie. Je bascule dans une courte descente qui m’emmène vers un lac, Glencullin Lough, c’est magnifique, mais avec la pluie je n’ai pas envie de m’arrêter prendre une photo. Je suis encouragé par un couple au bord de la route qui m’applaudit et me crie des encouragements.

La route fait un replat le long du Doo Lough, et la camionnette des supporters improvisés me dépasse avec de nouveaux encouragements. Je les remercie à nouveau d’un geste de la main. Le parcours bifurque ensuite à gauche pour monter le Barnaderg, un col que je n’ai pas eu besoin de rajouter à mon tracé.

La première partie n’est pas très dure et permet de profiter des paysages à nouveau sauvage, avec une belle cascade sur la gauche de la route. La seconde est un peu plus pentue, mais rien d’aussi raide que ce que j’ai eu au petit-déjeuner. Je bascule au sommet et la pluie s’arrête. Je coupe ensuite la route qui relie Leenaun à Westport, route empruntée il y a deux ans lors de mon parcours touristique au Connemara. J’arrive ensuite dans une grande portion rectiligne. Je distingue un gilet orange fluo au loin. Je suis un peu surpris de voir des travaux sur cette minuscule route. Il faudra que j’arrive assez prêt pour comprendre qu’il s’agit d’Adrian, Lindsay et du photographe Adrian.

Je m’arrête pour discuter quelques instants. Adrian me demande 3 mots pour mon ressenti : wind, wind and pleasure. Malgré la météo plutôt défavorable, j’ai un grand plaisir à rouler sur ce parcours et profiter des paysages. Adrian me dit que j’ai l’air plutôt en forme à ce stade de l’épreuve. Je reprends ma route en direction de Tourmakeady / Tuar Mhic Eadaigh.

Pour y arriver, il y a une belle bosse à gravir. Le ciel est toujours gris, mais plus menaçant, c’est déjà ça. La route est minuscule, pas une seule habitation à l’horizon, j’ai vraiment l’impression d’être seul au monde.

Les prévisions horaires s’affinent, j’estime qu’il me faudra environ 3h pour rejoindre Letterfrack, mais comme je sais qu’il y a encore quelques bosses, je décide d’attendre un peu avant d’envoyer le message confirmant mon heure d’arrivée.

Je passe une première bosse à la sortie de Tourmakeady / Tuar Mhic Eadaigh, les deux suivantes sont plus anodines. Je connais celle qui est après le Lough Nafooey, souvenir d’il y a 2 ans. En revanche, je ne pensais pas en avoir une autre pour arriver jusqu’à Leenaun. En fin de parcours, ce sont des surprises dont on se passerai. Je profite de cette montée pour répondre à quelques messages sur mon téléphone.

Enfin, je vois des indications kilométriques pour Letterfrack. Entretemps, j’ai averti le gite de mon heure d’arrivée, je suis pris d’un espoir d’être en avance en lisant le kilométrage restant. Ça, c’était avant la bifurcation qui m’enverra sur la côte, par une route plus longue que celle qui passe devant Kylemore Abbey. Mais je ne regrette pas, car le passage le long du Lough Fee puis le long de la côte est, une nouvelle fois, très beau. Kylemore Abbey mérite le détour également, mais je connaissais déjà.

Je suis à contre-sens de la route que nous avions prise il y a deux ans pour arriver à Letterfrack, je reconnais le village où nous avions diné. Letterfrack n’est plus très loin, et j’y arrive enfin. Je prends mon téléphone pour avoir les indications pour rejoindre à mon hébergement.

Arrivé sur place, je demande aux personnes présentes s’il y a un responsable, mais il n’y a personne, je les appelle donc. Je suis au milieu de français, au moins, je n’ai pas de problème d’accents difficiles à comprendre. Stephen, le responsable, arrive et m’indique où je peux laisser mon vélo, me montre le dortoir où je dors. Je lui demande une serviette de bain, ils ont fait le choix de ne pas les fournir par défaut. Il me demande si j’ai ma brosse à dents, je pense qu’il fait là une allusion au « Guide du voyageur galactique » de Douglas Adams (en anglais « The Hitchhiker’s Guide to the Galaxy » parfois abrégé en H2G2), mais je n’ai pas le temps de lui demander.

Je m’apprête à prévenir les Français qui partagent le dortoir avec moi que je vais me lever très tôt demain matin. Stephen reconnait à mon ton que je vais dire quelque chose qui pourrait être un désagrément pour eux et m’interrompt et dit, en anglais : « He will tell you he snores. » (Il va vous dire qu’il ronfle). Oui, aussi, mais je voulais surtout les prévenir que j’allais me lever très tôt demain matin.
Je mets mon électronique à charger et file prendre ma douche. Pas de chance, elle sera froide comme celle d’hier soir. Vivement le jour où j’aurais droit à une vraie douche chaude. Je file ensuite me coucher.

Letterfrack – Fanore

Après 2 nuits de bivouac, j’ai savouré de dormir dans un vrai lit, surtout que je me suis offert une nuit de presque 6h. Accessoirement, j’ai aussi évité des fortes pluies cette nuit. Je démarre à 4h45, je n’aurais pas besoin de mes lumières très longtemps ce matin, le jour commence à poindre quand je quitte Letterfrack.

Je suis en parti sur des routes que je connais déjà depuis ma balade dans le Connemara d’il y a 2 ans. Le parcours n’est pas exactement le même puisque nous passons par l’intérieur des terres pour rejoindre Cleggan, cela rajoute une petite côte sur le parcours, c’est sans importance car cette étape s’annonce très plate jusqu’au passage au deuxième point de contrôle que j’espère atteindre dans l’après-midi. 250km m’en séparent, j’espère juste qu’aujourd’hui le vent aura la bonne idée de revenir à sa direction habituelle, souffler d’Ouest en Est.

Je longe un bras de mer, sur l’autre rive, je devine la montée sur Skyroad qui me conduira à Clifden. J’échange quelques messages avec Guillaume. Il a dormi à la belle étoile, heureusement à l’abri car il est tombé de fortes pluies cette nuit. Il m’indique qu’il a quelques petits soucis avec sa roue arrière.

Je monte Skyroad, c’est moins dur que ce à quoi je m’attendais. Je marque une petite pause au sommet pour une photo au sommet avant de redescendre sur Clifden. Mon ami Vincent m’a conseillé un bon restaurant à Clifden, mais je doute qu’ils servent à l’heure à laquelle je passe. Je ne suis pas sûr de trouver quoi que soit d’ouvert pour manger, il est un peu tôt.

Je traverse Clifden, rien n’est encore ouvert, en revanche, je repère une boutique de cycle. J’envoie un message à Guillaume pour le prévenir qu’il aura peut-être une possibilité de réparer ici. Je continue ma route, je sais que le prochain lieu où je pourrai trouver à manger, c’est Roundstone, dans une vingtaine de kilomètres. Avant, il y a bien Ballyconneelly, mais c’est trop petit pour espérer trouver de quoi manger à cette heure-là (5 maisons, 1 pub, 1 église, 1 terrain de foot gaélique et 1 restaurant végan).

Les kilomètres défilent assez rapidement, le parcours est plat et le vent s’est bien remis dans le bon sens. Je jette un œil en traversant le village, mais tout est encore fermé comme je le pensais.
Une petite bosse à franchir et me voilà à Roundstone où une supérette est ouverte. Je m’achète mon petit déjeuner et me pause sur le trottoir pour le manger. Je discute rapidement avec une touriste française qui cherchait un endroit où prendre un café. Elle arrive d’Oughterard où il y a eu des coupures d’électricité après la tempête de la nuit.

Après cette pause, je reprends ma route à travers le Connemara. Si vous ne connaissez pas, imaginez des terres brulées au vent, des landes de landes de pierre ; autour des lacs c’est pour les vivants, un peu d’enfer, le Connemara, des nuages noirs qui viennent du Nord colorent la terre, les lacs, les rivières. C’est le décor du Connemara. Vous avez bien l’air dans la tête, ne me remerciez pas, c’est cadeau.

Pendant un bon moment, je suis à rebours de ma balade d’il y a deux ans, à quelques exceptions près, comme le passage par Letterard et Moyrus que je ne connaissais pas. Nous avions coupé par les terres au niveau de Carna.

La route longe la côte tout le long, je ressens le besoin de faire une pause. Ça tombe bien, j’ai un paquet de biscuits McVities à finir. J’ai des nouvelles de Guillaume, sa roue libre est morte, elle a lâché définitivement dans la montée sur Skyroad. Coup de chance, Clifden n’est vraiment pas loin. De mon côté, j’examine la suite du parcours, ça ne va pas être évident de trouver à manger avant Cong. Il faudra que j’ouvre l’œil afin de ne pas rater les opportunités de me ravitailler.

Je reprends ma route en direction du Nord pour finir par rejoindre Maam Cross. J’ai à nouveau un petit tronçon inédit avant d’y arriver. Ce croisement apparait sur toutes les cartes, j’en déduis qu’il devait être important autrefois car ce n’est pas une ville, aujourd’hui il n’y a qu’un hôtel et un food-truck, fermé à l’heure où je passe.

J’ai dû remonter sur le plateau où se situe Maam Cross, et je sais que la montée va continuer et se faire plus pentue, toujours mes souvenirs d’il y a deux ans. Au bas de la descente qui m’aura emmené au Nord du Lough Corrib, je trouve une supérette. Je décide de m’y arrêter pour manger. Je trouve du pain, du fromage, du chocolat (important pour le moral) et des boissons. Pas de la grande cuisine, mais de quoi tenir un petit moment.

Je suis encore à plus de 100km du second point de contrôle, il ne faudra pas trainer si je ne veux pas arriver trop tard. Les prévisions météo semblent bonnes, j’envisage donc de passer une bonne partie de la nuit sur le vélo. Je vois passer Gemma et Timo qui sont engagés en couple sur le 1800km. Eux aussi cherchent un endroit où manger, mais cette supérette n’est pas à leur goût et ils repartent donc. Je regarde mes messages, Guillaume a pu repartir avec une roue neuve, exactement comme j’avais pu le faire lors de la Traversée de France In Vino Veritas cette année. Quelle chance !

Je ne tarde pas à le faire non plus. Quelques kilomètres plus loin, je revois Gemma et Timo qui entrent dans une épicerie, nous nous saluons d’un geste de la main et d’un sourire. La route continue, toujours à contourner l’immense Lough Corrib (2ème plus grand loch d’Irlande avec 44km de long et 16km de large). Cet itinéraire est le seul qui permette au parcours d’éviter Galway.

Je traverse Cong rapidement, mais ce n’est pas très grand, et continue ma route en direction du Sud-Est. Qu’est ce que c’est bon quand le vent est favorable, on en avait perdu l’habitude. Je vois quelques directions de villes dont les noms me parlent (Galway, Tuam, Athenry…) à force d’écouter du folklore irlandais…

Nous sommes toujours sur des petites routes tranquilles, c’est assez sinueux. Je trouve que les kilomètres ne passent pas très vite. J’essaye de calculer la distance qui me sépare du deuxième point de contrôle mais je me perds dans mes calculs. Je les refaits plusieurs fois, sans aucune certitude quand au résultat, mais au moins ça passe le temps.

Après des kilomètres de petites routes et de fermes isolées, je finis par traverser une ville. A force de refaire mes calculs, je sais que je ne suis plus très loin de la ferme du contrôle. Je joue avec le zoom sur le GPS pour regarder où je me situe, c’est bon, je m’en approche. Je rétablis le réglage habituel de navigation. Enfin l’icône apparait sur mon écran, il me reste 300m pour y arriver.

Je retrouve toute l’équipe : Adrian, Lindsay, Jo, Adrian C le photographe et Anne, la cousine d’Adrian dont la ferme sert de point de contrôle. Il y a également le fils d’Adrian qui a abandonné à cause de douleurs aux genoux. Adrian me donne une accolade (c’est compris dans le tarif à l’inscription). Je plaisante sur le vent qui fait n’importe quoi puisqu’il est favorable. Adrian me répond qu’il en touchera un mot au gars là-haut en montrant le ciel du doigt. Je plaisante en lui disant qu’il ne faut pas tenir compte de ce que je dis sur le vent, les Français ont la réputation de n’être jamais contents. Il me précise qu’aux trois mots pour décrire l’épreuve, le mot vent était revenu souvent.

Adrian et Lindsay repartent peu après pour aller prendre des photos des autres concurrents. Anne est au petit soin pour les concurrents tout en vacant à ses activités. J’ai droit à du thé, des scones, une petite assiette de ravitaillement. Elle repasse régulièrement s’assurer que je n’ai besoin de rien. En mangeant et buvant du thé, je discute avec Adrian C, Jo et le fils d’Adrian. Outre l’accueil et le ravitaillement, ça fait du bien de voir du monde.

Je vais aussi profiter de cette pause pour faire un peu de mécanique et changer mes plaquettes avant. J’ai fait ce que l’on déconseille généralement, partir avec du matériel non éprouvé avant puisque j’essayais une nouvelle marque de plaquettes à l’arrière. En réalité, ce n’est pas tout à fait vrai puisque j’avais déjà fait 300km pour rejoindre Derry et ainsi les tester. Et j’avais deux jeux de plaquettes de ma marque habituelle dans mes affaires si besoin.

Après une dernière tasse de thé, me voilà reparti. Non sans avoir remercié tout le monde sur le contrôle. Anne me dit qu’une de ses voisines attend le passage de concurrent pour les encourager mais que ce n’est pas la peine de m’arrêter. De toutes manières, je ne verrais personne au bord de la route, mis à part Adrian C qui est reparti avec Jo pour prendre quelques photos.

Je suis resté plus longtemps que je ne le pensais et la lumière du jour décline rapidement. Je m’aperçois que j’ai oublié de regarder les prévisions météorologiques pour cette nuit. Mon téléphone fixé sur les prolongateurs me permet de le faire en roulant, ce que je vois me conforte dans mon idée de passer la nuit à rouler : vent d’Ouest, et pas de pluie annoncée, mis à part une période de 2h avec une probabilité estimée à 20%. Même si cette probabilité est à 100%, je vais essayer de faire coïncider ça avec ma pause nocturne. Avec la fatigue accumulée depuis le départ, je sais que je ne tiendrai pas une nuit blanche et qu’il me faudra une pause pour dormir au moins 30 minutes.

Le relief fait son retour sur le parcours avec une première bosse qui se présente dès que l’on bifurque sur une route secondaire. Nous allons y rester un bon moment, le réseau est même tellement secondaire qu’après une seconde montée, appelée Francis Gap d’après la carte, je trouve une chaussée très dégradée. C’est toujours plus gênant à la descente, heureusement, j’ai des plaquettes neuves à l’avant.

Au bout de quelques kilomètres, une barrière barre la route. Je vérifie à deux fois pour m’assurer que je ne me suis pas trompé, mais non, je suis bien toujours sur le parcours. Je franchis la barrière destinée aux troupeaux en prenant soin de bien la refermer et j’avertis Guillaume sur le passage avec la chaussée dégradée, même s’il est plus à l’aise que moi en gravel, je lui dis aussi qu’une fois la barrière franchie, la route redevient bonne.

Et puis, la pluie fait son apparition, pas grave, ça ne devrait pas durer plus de deux heures selon les prévisions. Oui, malgré les expériences fâcheuses des premiers jours avec le vent, j’ai encore foi en mon application météo. Le vent fait aussi son retour, il faut dire que nous étions un peu abrités à l’intérieur des terres. La fatigue commence à se manifester et je commence à guetter les endroits abrités où je pourrais me poser pour une petite sieste.

Je finis par trouver un abri, l’entrée de service d’un pub, à la sortie de Fanore. Il y a un mur pour appuyer mon vélo, je suis en retrait de la route. Il y a un genre de minuscule auvent qui s’avance d’un mètre devant la porte et me protège de la pluie, coup de chance que le vent ne soit pas du Nord-Ouest, car dans ces conditions-là, j’aurais été en pleine pluie. Je me roule en boule et essaye de somnoler.

Fanore – Camp

Inutile de préciser que ce n’est pas la meilleure nuit que j’ai passée. Au moins j’ai pu somnoler un peu pendant cette heure et demie de pause. J’ai profité de cette pause pour réserver un billet pour le ferry qui est à une centaine de kilomètres. Cependant, mes prévisions météo sont compléments erronés. L’application annonce toujours 2h avec une probabilité de pluie à 20% pour dans 1h. Et je le vois bien qu’il pleut et qu’il va falloir repartir, en espérant que ça ne dure pas trop.

Je continue ma route plein Sud le long de la côte. Il pleut, j’ai le vent en plein face. Oui, j’avais oublié de regarder le vent sur mon application météorologique, je faisais une fixation sur la pluie. Malgré la météo hostile je continue ma progression en direction des falaises de Moher, progression rendue plus compliquée par une mauvaise blague de mon GPS dont le guidage a décidé de me faire prendre un autre itinéraire que la trace. Je vais donc devoir faire sans ces indications qui me simplifient bien la navigation. Là, il faut que je regarde à chaque intersection que je garde bien la flèche qui indique ma position sur le trait de la trace. La nuit, le contraste de l’écran sans rétro éclairage n’est pas suffisant pour m’en assurer sans toucher l’écran, action qui le fait augmenter la luminosité pour quelques secondes.

Malgré la musique qui aide bien à faire abstraction de la pluie, la progression est compliquée. Je distingue la silhouette de Doonagore Castle sur ma gauche, la route le contourne. La nuit commence enfin à se lever, ce n’est pas le cas du vent ni de la pluie. Pour le moment, ce qui m’inquiète, c’est que je vois une lumière rouge sur ma lampe avant. C’est le signal que j’arrive au bout ma batterie. En faisant un rapide calcul, je ne pense pas avoir utilisé tant mon éclairage que ça, je pensais pour faire encore au moins 1j avec.

Le jour finit par se lever avant que mon éclairage ne coupe. La pluie s’est arrêtée elle aussi, il ne reste que le vent. Je retrouve un autre participant à l’approche de Quilty. Nous avions déjà affronté le vent ensemble le deuxième jour après Donegal. A Quilty, un commerce ouvert nous permet de prendre un petit-déjeuner. Une boisson chaude et des McVities pour moi, la nourriture chaude que j’ai vu à l’intérieur ne m’inspirait pas. Nous sommes rejoints par Bent qui nous raconte son histoire : il a abandonné avant même le premier CP, a filé à Galway en train pour ensuite rejoindre Kinsale. Puis comme il se sentait mieux a décidé de repartir à vélo. Comme il a quasiment repris là où il avait abandonné l’an passé, il se dit qu’il aura finalement bouclé son aventure en 2 ans.

Il me tarde d’arriver au ferry, mais comme souvent sur ce genre d’épreuve, il y a quelques crochets à faire avant d’arriver à son objectif. Ici, nous bifurquons vers Kilkee avant de rejoindre Kilrush puis Kilimer. Un rapide coup d’œil sur les horaires des ferries me convainc de forcer un peu l’allure pour ne pas rater le prochain. J’arrive quelques instants avant l’embarquement. Il y a déjà un autre concurrent qui attend.

Nous posons nos vélos pour la traversée et discutons un peu et maudissons la météo. En débarquant du ferry, nous cherchons un endroit où nous alimenter et trouvons une supérette. Pour moi ce sera pain et fromage, comme la veille. Lui étant sur le 1800km, nous repartons ensuite chacun de notre côté.

Je trouve un parc pour manger au soleil. Avec ce souci d’éclairage, pas question de rouler la nuit, il va donc falloir que je m’arrête assez tôt. Je commence à regarder où je pense être ce soir. Je devrais avoir passé Tralee, mais la portion pour Dingle étant accidentée, je ne pourrais pas aller beaucoup plus loin.

Après le déjeuner, je repars, toujours avec vent défavorable, il va falloir s’y faire. Avant de rentrer à l’intérieur des terres, la route offre quelques beaux points de vue sur la péninsule de Carrigaholt, de l’autre côté de l’estuaire de Shannon.

L’après-midi passe et les kilomètres défilent. J’ai enfin localisé un hébergement peu après Tralee, quelques kilomètres à l’écart du parcours, mais surtout avant la montée qui permet de basculer sur Dingle, et à un tarif abordable. En revanche, impossible de réserver, ça fait plusieurs fois que j’essaye, mais en vain, pourtant selon la plateforme de réservation, il y a 2 places disponibles. J’ai demandé à une amie, Anne-Fred qui m’avait proposé son aide, mais elle non plus n’arrive pas à réserver. Il faudrait pourtant que je recharge ma batterie pour pouvoir à nouveau rouler de nuit. Pour résumer, ça sent le nouveau bivouac, heureusement, celui-ci devrait se passer dans des meilleures conditions que celui de la nuit dernière.

Je me rapproche de Tralee, avec une vue sur la péninsule de Dingle. Le ciel n’est pas menaçant mais un nuage de pluie semble accroché sur les collines qui la dominent. Je commence à m’inquiéter pour le bivouac.

Je verrai bien sur place, il faut que je continue à avancer. Dans Tralee, je décide de trouver un restaurant pour faire un vrai repas chaud, le dernier remonte à trop longtemps (72h de mémoire). Je trouve un restaurant, ils me laissent même rentrer mon vélo avec ceux de leurs employés pour qu’il ne reste pas dans la rue. J’en ai profité pour essayer de recharger ma batterie d’éclairage, mais trop peu pour pouvoir espérer rouler de nuit. D’autant que je ne suis pas sûr que ça ait été efficace. Une lumière rouge s’allume sur le chargeur, c’est rarement bon signe. Il semble y avoir un peu d’humidité dans le boitier convertisseur.

Je repars en direction de Dingle, la journée est déjà bien avancée, le soleil décline, il faut que je trouve un point pour bivouaquer sans trop tarder. Une idée me vient en roulant alors que je ne pas d’emplacement satisfaisant en bord de route. Je repense à la deuxième nuit où j’avais trouvé un terrain de camping. Coup de chance, il y en a un à 1km du parcours dans ma direction, je tente ma chance. J’arrive devant, c’est fermé, mais il y a des gens qui me renseignent.

On commence en anglais puis quand on constate que nous sommes français, on change de langue. Ils me donnent un numéro pour contacter l’accueil par Whatsapp. Réponse négative, c’est complet. Le plus embêtant, c’est que je ne pourrais pas charger la batterie de mon éclairage, pour le reste, il y a une église juste en face qui va faire un très bon point pour bivouaquer.

Je laisse passer un peu de temps pour m’installer à la faveur de l’obscurité. Le seul inconvénient, c’est que je ne suis pas à l’abri, reste donc à espérer que la pluie ne revienne pas. Je me couche au terme d’une journée frustrante. J’ai fait une bêtise avec mon éclairage qui a conduit à vider la batterie plus vite que prévue, et je n’ai pas pris les crochets pour fixer la frontale sur mon casque. A cela se rajoute le coup de poker perdant de la nuit sur le vélo où j’ai dépensé pas mal d’énergie avec le vent et la pluie. Mais demain est un autre jour.

Camp – Killeenleagh (An Chillin Liath)

Le bivy, c’est parfait pour une courte nuit, parce que ce n’est pas très respirant et qu’au fil de la nuit l’humidité condense à l’intérieur. Bref, je suis réveillé vers 2h du matin, et je sais que je ne pourrais pas rouler avant 6h, bref, pas question de me lever avant 5h.

J’essaye de me rendormir, j’y parviens plus ou moins. Je finis par entendre une petite pluie qui tombe sur mon bivy. Je croise les doigts pour que ça ne dure pas. Ouf, ce sera bien le cas. De toutes manières, il est l’heure de se lever. Vu l’obscurité, j’ai le temps de préparer tranquillement mes affaires. Il est presque 6h quand je pars.

Je roule un peu et fait rapidement une pause pour éteindre mon éclairage et scotcher ma guidoline qui est train de se défaire du côté droit de mon guidon. Je franchis une première bosse, la suivante sera le fameux Connor pass qui me fera basculer sur Dingle.

Le ciel est nuageux, mais on devine que le soleil n’est pas si loin. Je profite des paysages dans cette montée. Le coup de pédale est un peu mou, surtout qu’il y a quelques passages à 10%, je suis impatient d’atteindre Dingle pour prendre mon petit-déjeuner.

Je fais une petite pause au sommet avant de basculer sur Dingle. Arrivé en ville, je trouve un supermarché ouvert. Parfait pour mon petit-déjeuner : pain, saucisses et œufs, comme à mon habitude des derniers jours.

En repartant, je dois faire attention à ne pas me perdre dans les traces sur l’écran du GPS car le parcours fait une boucle pour revenir en ville. Il ne s’agirait pas de la shunter ni de partir dans le mauvais sens.

Quelques kilomètres après le petit-déjeuner, je suis à nouveau pris par des envies de dormir. Je fais donc une pause. J’avais prévu quelques cols supplémentaires sur cette boucle, mais vu mes soucis d’éclairage qui vont limiter mon temps de roulage, je préfère renoncer. Et puis ça me fera un prétexte pour revenir, mais en avais-je réellement besoin ?

J’ai échangé quelques messages avec Guillaume, que je pensais voir me rejoindre, sachant qu’il s ‘était arrêté plus tard que moi la veille au soir et qu’il était également reparti plus tôt ce matin. Nous continuons d’échanger des messages au fil de notre progression. Lui racontant mes soucis d’éclairage, il me propose de laisser sa lampe de secours à Dingle au restaurant où il est arrêté pour son Irish breakfast. Sympa de sa part et ça va bien me dépanner. Il me donne le nom du restaurant et m’envoie une photo de la façade.

La boucle n’est pas très difficile, même si elle n’est pas plate. Je vais partager quelques instants avec un VTT qui fait sa sortie. Voyant mon équipement, il me demande ce que je fais. Je lui explique et nous discutons quelques minutes avant qu’il ne bifurque.

J’arrive à nouveau à Dingle et retrouve le restaurant indiqué par Guillaume. Je rentre, récupère la lampe et me pose pour un Irish breakfast. Il est presque midi, mais ça me fera un repas complet. Je discute avec mon voisin de table qui me demande d’où je viens et où je vais. Guillaume me rejoint alors que je n’ai pas fini de manger, lui prends une bricole à grignoter et finalement nous repartons ensemble.

Je lui explique mon souci d’éclairage : j’ai laissé ma lampe branchée en permanence, en conséquence, elle s’est mise en mode veille. Ce mode permet de pouvoir la rallumer ou changer la puissance d’éclairage avec un bouton de télécommande. J’avais complètement oublié cela, si sur 2ou 3j ça n’a pas trop d’importance, sur le double de la durée, c’est beaucoup plus gênant. Et en plus de ça, mon chargeur de batterie a pris l’eau sans que je ne comprenne vraiment pourquoi, la sacoche sous mes prolongateurs est habituellement bien étanche.

Les kilomètres passent au fil de la discussion. On commence à estimer où l’on pourra être ce soir pour dormir. Pas question pour moi de bivouaquer, je souhaite passer la nuit au chaud dans un lit, cela me permettra aussi de pouvoir essayer de recharger ma batterie. En espérant que l’humidité qui était rentrée dans le boitier convertisseur partira.

A la pause, nous faisons une première estimation qui nous amène avant Waterford, je pense être capable d’aller plus loin, même s’il y a quelques bosses à passer. Nous décidons finalement de chercher après Waterford.

Nous faisons alors appel à une amie, ma pote Anne-Fred qui m’avait déjà filé un coup de main hier nous trouve un hébergement à Killeenleagh / An Chillin Liath, encore 120km. Le seul problème est que nous sommes censés arriver avant 22h, il ne faudra pas trop trainer.

Cette partie du parcours n’est pas la plus intéressante, nous avons longé la mer un long moment après Dingle avant de rentrer dans les terres pour repartir au Sud. Nous nous dirigeons vers un parc national que nous allons longer. Ça devrait être plus sympa niveau paysage.

Effectivement, les routes deviennent plus petites et le paysage plus sauvage. Nous avons l’impression de voyager dans le temps en voyant des calèches au bord de la route. C’est un lieu assez touristique, il y a quelques cafés au bord de la route et des gens se promènent à pied.

Guillaume fait une pause et je continue ma route. La route louvoie entre les lacs (Coosaun Lough, puis Black Lake). Je devine au loin la route qui rejoint le Gap of Dunloe. Nous n’avons pas eu beaucoup de vent aujourd’hui, mais la configuration du terrain fait que nous le sentons bien dans cette zone-là, le fameux effet venturi dont j’ai déjà parlé.

Ça souffle assez fort et c’est irrégulier avec des passages assez raides, il faut appuyer fort pour arriver au sommet. Heureusement que ça ne dure pas et qu’il y a des zones de répits. Au sommet, un panneau nous souhaite la bienvenue dans la Black Valley.

Nous sommes à nouveau dans un coin sauvage et reculé d’Irlande, comme vers Tourmakeady, j’ai l’impression à nouveau d’être seul au monde. Les routes sont minuscules, mis à part le fermier qui manœuvrait son tracteur, je ne vois personne. Comme le laissais manœuvrer, il m’a donné quelques indications sur l’état des routes. Je devine une route sur le versant qui me fait face, assez proche de la crête. J’imagine que je vais passer par là, ce que me confirme mon GPS.

Il y a deux bosses à franchir avant d’arriver à sortir de la Black Valley pour aujourd’hui. Je laisse la route que j’avais aperçu sur ma gauche. J’avais oublié qu’ici le parcours faisait une assez grande boucle. Pour le moment nous filons au Sud pour rejoindre le bord de mer.

Si ce matin j’avais pu apercevoir par moment un peu de ciel bleu, ce n’est plus qu’un lointain souvenir. Le ciel ne s’est jamais levé et pendant que je m’élevais pour sortir de la Black Valley, la pluie a fait son retour.

Je me demande où est Guillaume, je pensais qu’il me rejoindrait. Je regarde sur l’application de suivi et m’aperçoit qu’il est plusieurs kilomètres derrière. Un rapide calcul m’indique que ça va être très compliqué d’arriver avant 22h à notre hébergement. Je décide donc de forcer l’allure pour arriver le moins tard possible. D’autant que je n’ai aucune idée de l’autonomie de l’éclairage que m’a gentiment prêté Guillaume.

Le relief est propice à un contre-la-montre, je passe un bon moment les mains sur les prolongateurs, ne les quittant que pour changer de vitesse. Il faudra que j’investisse dans des commandes déportées pour mon dérailleur électrique. Le compteur indique des vitesses que je ne pensais pas encore capable d’attendre après plus de 6j d’épreuve.

Guillaume a fait une pause sur le trajet, profitant du passage d’un un village pour acheter à manger. La nuit finit par arriver, j’ai un peu de mal à régler la lampe pour avoir un éclairage satisfaisant. Il me faudra un bon moment pour y comprendre comment elle fonctionne. Je finis par y arriver dans la bosse qui suit Waterford. Juste à temps, car la descente aurait été compliquée avec un éclairage clignotant.

La fatigue commence à se faire sentir, elle s’accompagne de la lassitude de la pluie. L’arrivée sur Killeenleagh / An Chillin Liath me parait interminable. Je passe mon temps à regarder sur le GPS où j’en suis, à sortir mon téléphone de ma poche pour confirmer ce que je vois sur le GPS.

Enfin, j’y arrive, je trouve l’hébergement sans problème. C’est encore ouvert même s’il est plus près de 23h que de 22h. C’est un genre d’auberge de jeunesse, les occupants qui sont là sont encore debout. Ils me montrent les sanitaires, le dortoir, m’expliquent la cuisine avec ce qui est en libre accès.

J’ai un Irlandais qui a force de boisson est très bavard et dont je n’arrive pas à me défaire. J’aimerai bien aller me coucher maintenant que j’ai mis toute mon électronique à charger et que j’ai bu un thé chaud. Guillaume finit par arriver. J’ai le temps de prendre une douche, chaude cette fois-ci, avant d’aller dormir.

Killeenleagh (An Chillin Liath) – Bantry

La nuit a été courte, on commence à en avoir l’habitude. Je m’habille, mes vêtements n’ont pas vraiment eu le temps de sécher, même en les ayant mis dans le lit à côté de moi. Cette technique est pourtant assez efficace d’habitude.

Une tasse de thé ne suffit à me convaincre à partir, il m’en faut une deuxième. Ma batterie d’éclairage n’a pas rechargé cette nuit, le boitier convertisseur doit être hors-service. Les prévisions nous annoncent de la pluie toute la matinée.

C’est sans grand enthousiasme que je remonte sur mon vélo. Comme à chaque fois dans ces cas-là, je mets la musique pour faire diversion de la pluie. Le départ se fait sur le même faux-plat qui nous a amené jusqu’à Killeenleagh / An Chillin Liath.

Le faux-plat laisse rapidement place à une vrai cote, pas très longue, mais raide. C’est le Ballaghisheen Pass. Même sous la pluie, c’est très beau ces routes minuscules au milieu du vert et des roche sombres noircies par la pluie.

Une deuxième montée suit la première, le Ballaghbeama Gap. Le final est assez rude. Intérieurement, je peste un peu contre la voiture qui me dépasse au plus fort de la pente. Vu la largeur de la route, les distances de sécurité ne sont pas respectées. D’un autre côté, vu ma vitesse, je comprends qu’il n’ait pas voulu rester derrière moi.

Au fil des kilomètres, j’ai refait mes calculs sur l’heure de fin de la pluie. Je pensais en avoir pour 6h de pluie, mais c’était basé sur la vitesse moyenne sur la journée. Comme je n’ai pas fait de pause, j’espère en sortir plus vite qu’espérer.

Je me dis que l’amélioration pourrait venir dès le bord de mer. Il ne me reste plus que le Moll’s Gap à franchir pour basculer sur Kenmare. C’est une montée plus régulière que les précédentes. C’est la route que je devais apercevoir hier depuis la Black valley, mais j’avoue ne pas y penser, ma seule idée c’est de basculer sur Kenmare dans l’espoir que la pluie s’arrête.

La pluie se calme et le ciel s’éclaircit, enfin ! Près de 3h sous la pluie, je suis trempé. J’arrive dans Kenmare alors que la pluie vient de s’arrêter. Il y a un marché dans la ville. Des barrières barrent l’entrée de la ville et la police est là. Je descends de mon fier destrier et demande au policier de faction s’il sait où je peux avoir un bon Irish breakfast. Il m’indique un pub vers lequel je me dirige et je rentre me mettre au chaud.

J’avertis Guillaume que la pluie s’est enfin arrêtée en attendant mon Irish breakfast. Je suis en train de manger quand Guillaume me rejoint, trempé lui aussi. On reparle des heures qui viennent de s’écouler, pas les plus faciles de l’épreuve et des paysages qu’on a apprécié malgré tout.

Nous repartons en ayant laissé une flaque d’eau sous notre table. Le soleil n’est pas encore là, mais la pluie semble définitivement derrière nous, du moins pour le moment. Nous repartons en longeant le bord de mer un long moment avant de repiquer à l’intérieur des terres. Une nouvelle montée nous attend, le Healy pass.

Cette montée n’est pas la plus difficile que nous ayons eu à affronter. Je fais une pause au sommet pour profiter des paysages. Nos heures sous la pluie sont récompensées par ce point de vue.

La descente nous conduit en bord de mer, au nord de la baie de Bantry. Je commence à ressentir le besoin de faire une pause pour m’alimenter à nouveau. L’Irish breakfast a servi à compenser les heures à rouler sous la pluie avec seulement deux tasses de thé dans le ventre. Je trouve une station-service où je peux acheter de quoi manger. Guillaume me rejoint à nouveau et après cette pause nous repartons.

Comme souvent, nous sommes sur une péninsule dont il faut aller au bout. Nous traversons vers le Nord pour quitter la côte Sud. Un bon raidard me scie les jambes, mais je passe sans mettre pied à terre. La route longe la mer puis se glisse entre les collines dès qu’elle s’en écarte. Je passe le Bealbarnish gap juste avant de partir pour l’aller-retour qui me conduira à l’extrémité de la péninsule. Un copain me dit dans un message que certaines scènes de Star Wars ont été tournées sur les iles au large. Il faut croire que l’Empire n’a pas tout à fait fini ses actions et brouille les communications car le réseau téléphonique passe très mal.

J’ai presque fini mon aller-retour quand je croise Guillaume. Cet aller-retour m’a permis de franchir le Firkeel gap par ses deux versants. La difficulté venait de la route qui était en travaux, pour l’altitude c’était raisonnable (50m). Je continue ma route en cherchant 2 choses : un endroit où je pourrais dormir ce soir et un endroit où manger. Pour la deuxième partie de la question, je sais que j’ai la station-service puisque je repasse devant. La première partie est plus délicate car le réseau toujours aussi mauvais.

Je refais une halte dans la station-service où je cherche du réseau et à manger. Je me résous à demander à une vendeuse s’il y a du wifi en lui expliquant que je cherche un hébergement pour cette nuit. Elle me propose un des B&B gérés par la station-service. Je décline la proposition, il est trop tôt pour s’arrêter, je voudrais encore faire au moins 50 ou 60km avant de m’arrêter. Elle me partage la connexion de son téléphone que je puisse effectuer mes recherches. Je trouve un camping à qui j’envoie un mail.

Je pensais que Guillaume me rejoindrait mais ce n’est pas le cas. Il a dû s’arrêter ailleurs, je repars sur la route qui longe la mer autour de Bantry Bay. Il n’y a pas de grandes difficultés sur ce tronçon que nous avons déjà parcouru dans l’autre sens en fin de matinée.

Je laisse la route par laquelle nous sommes arrivés ce matin sur la gauche pour continuer le long du bord de mer. La route pénètre ensuite dans les terres et le relief se fait un peu plus accidenté. Je n’ai toujours pas de réseau, même si je vois apparaitre des barres de signal sur mon téléphone. J’en arrive à me demander s’il n’est pas cassé. J’essaye d’appeler ma mère et mes frangins à plusieurs reprises. Un seul coup de fil aboutira, les autres aboutiront à un message sur l’écran « Appel impossible ».

J’arrive à Glengarrif, je jette un coup d’œil à mes mails en me disant qu’ils ont peut-être pu se synchroniser quand j’ai eu un peu de réseau. C’est bien le cas, le camping me répond qu’il sera fermé à mon arrivée et me suggère de trouver une autre solution. Sans réseau, ça ne va pas être simple.

Une longue montée m’attend, celle du Caha pass, elle est assez douce et régulière. Un tunnel marque le sommet. La route est assez large mais peu passante, contrairement à ce que je craignais. Je bascule dans la descente, j’ai bien repéré que j’ai une autre bosse à franchir avant d’arriver dans la zone où je projette de dormir, entre Ballilickey et Bantry.

En bas de la descente, l’itinéraire quitte la route principale et rapidement un panneau nous averti que nous sommes sur une route qui ne va pas être une partie de plaisir.

On est rapidement dans le vif du sujet, des pentes comme on en a eu à plusieurs reprises depuis le départ : irrégulières et passant sans transition de douces à raides (12 à 15%). Je constate dans la montée que j’ai retrouvé du réseau. En échangeant des messages, Guillaume me dit que lui aussi a eu des soucis de réseau, le problème ne vient donc pas de mon téléphone.

Le panneau ne mentait pas, c’est étroit et pentu, et effectivement, ce n’est pas la route principale. Enfin j’arrive au sommet, marqué par une pierre qui célèbre les 400 ans de l’appellation Priest’s Leap, il aura fallu s’arracher pour l’atteindre. Comme je ne connais pas la légende locale à l’origine du nom du lieu, je ne pense pas à sauter de mon vélo pour voir si j’atterris plus proche de l’arrivée. La légende raconte qu’un prêtre irlandais poursuivi par des soldats anglais ait sauté de son cheval au passage du col et qu’il ait atterri à Knockboy (35km de là à vol d’oiseau).

Je me lance prudemment dans la descente, la route est dans le même état sur ses deux versants : étroite, pentue et le revêtement dégradé. A cela se rajoute la nuit qui tombe, et rapidement des obstacles d’une nouvelle nature font leur apparition. Des tâches blanches sur la route, de loin, on pourrait penser à des trous, mais comme certains se déplacent à mon approche, ça ressemble plus à des moutons. Il y en a partout, et ils sont chez eux sur la route. La descente sera à peine moins longue que la montée.

Arrivé en bas je passe devant le camping que j’avais contacté, il est fermé, mais j’ai la satisfaction de voir que mon estimation horaire était plutôt correcte. Je guette voir si je ne trouve pas un B&B qui serait ouvert mais ne trouve rien.

J’ai besoin de faire une pause. J’ingurgite les barres chocolatées que j’avais gardé en réserve pour la nuit. Ce n’est pas bon signe, ça veut dire que je commence à manquer d’énergie. Je repars quand un bruit d’un objet qui chute m’arrête. J’ai oublié de refermer ma sacoche de selle et une partie de mes affaires sont tombées sur la route. Deuxième signe que j’ai besoin d’une pause.

Après la nuit dernière, je n’ai pas très envie d’un bivouac. Après avoir tout rangé et fermé ma sacoche, je repas l’œil aux aguets pour trouver un B&B mais rien à l’horizon. Je passe devant une station-service et repense à celle de tout à l’heure. Peut-être qu’eux aussi gèrent des B&B ? Je tente le coup. Ce n’est pas le cas, mais la vendeuse m’en indique un juste à côté, elle sort même pour voir si elle arrive à voir s’il y a le panneau complet ou pas à l’entrée, mais sans succès.

Je la remercie et monte voir. Le panneau à l’entrée indique « No vacancy ». Je redescends, il faut que je trouve où dormir. C’est plus facile avec du réseau, mais encore faut-il trouver ce qu’indique les applications. En entrant dans Bantry, je ne trouve pas un hébergement pourtant indiqué. Je continue à avancer tout en gardant un œil sur mon application. Je trouve un hôtel un peu plus loin sur la trace, c’est cher, mais j’ai besoin de faire une pause assez rapidement.

Enfin, j’arrive à l’hôtel, c’est assez classieux mais on ne me pose pas de question en me voyant rentrer avec mon vélo. Le personnel est très accueillant et sympathique. On plaisante pendant que je demande les tarifs des chambres. J’ai envoyé un message à Guillaume pour lui dire que je m’arrêtais à l’hôtel. Vu la faible différence de prix, j’ai pris une chambre double au cas où il aurait envie de s’arrêter lui aussi.

Alors que je suis en train de faire les formalités (paiement, passeport…) il me répond qu’il me rejoint. Lui aussi a besoin de faire une vraie nuit au sec dans un lit. Comme moi, il voulait initialement faire un court bivouac. La météo d’hier soir et ce matin a laissé des traces au physique et au mental. Il arrive alors que je viens de confier mon vélo au personnel pour qu’ils le mettent à l’abri.

La chambre est luxueuse, dire que nous n’allons en profiter que 4h. J’ai une pensée pour Stéph à vélo avec qui j’ai roulé l’an passé sur la traversée de France. Il avait bivouaqué toutes les nuits sauf la dernière où il a partagé un hôtel avec nous. Cela aura été sa plus courte nuit de toute la Traversée. Encore ce soir, le sommeil n’est pas dur à trouver après cette nouvelle journée de vélo.

Bantry – Kinsale

Il est un peu moins de 5h quand Guillaume et moi reprenons la route pour cette dernière journée de vélo. Lui comme moi espérions avancer plus hier pour qu’il nous reste moins de 200km aujourd’hui, mais la fatigue en a décidé autrement.

Assez rapidement, alors que nous roulons sur la rive Sud de la baie de Bantry, un bruit se fait entendre sur mon vélo. Il faut quelques kilomètres pour réussir à le localiser. Après avoir envisagé et écarté les hypothèses roue arrière et pédalier, on arrive à la conclusion que ça vient de la roue avant. Pas si surprenant, mon vélociste m’avait dit qu’à la prochaine révision il faudrait s’occuper des roulements. Et puis j’avais déjà eu un problème de pédalier l’année dernière et cassé une roue libre cette année. Je varie les plaisirs.

Nous faisons un premier aller-retour au bout d’une péninsule, après avoir franchi une côte. La pointe s’appelle Sheep’s head, bien nommée puisque de nombreux moutons sont au bord de la route. Nous y retrouvons Padraig, un concurrent engagé sur le 1800km. On grignote, on discute un peu et on traine avant de partir avant de reprendre notre route. On espère trouver un restaurant ou un pub pour un Irish breakfast à Kilcrohane, sans succès. Il nous faudra attendre Durrus pour trouver de quoi nous ravitailler. Il y a une supérette ouverte, mais pas de quoi trouver un Irish breakfast.

Après avoir repris des forces, nous voilà reparti pour un nouvel aller-retour sur une péninsule, Mizen head. Le parcours ne présente pas de grande difficulté, juste le bruit de ma roue avant qui s’est accentué.

Nous marquons une nouvelle pause arrivé à Mizen head. Sur la route, je réfléchis à ma roue avant. Vue le montage, peu de risque que ça casse, mais j’envoie quand même un message à Carole, une copine qui a été technicienne cycle. Elle me confirme que ça ne craint rien.

La situation s’est quand même aggravée, ma roue bouge et ça doit commencer à frotter un peu. On prend des nouvelles des copains sur l’application, et on voit que Sanjay et Ed sont environ 1h30 derrière nous.

Nous retrouvons Padraig en traversant Schull où il s’est arrêté manger et nous le rejoignons. On discute pendant le repas, et la météo arrive rapidement parmi les sujets évoqués. Il nous indique qu’il a trouvé la météo plus difficile cette année que l’an passé. Ça nous rassure, car nous non plus ne l’avons pas trouvée facile cette météo. Il nous félicite pour notre belle progression et le fait que nous ne paraissions pas épuisés après plus de 8j de vélo.

Il repart un peu avant nous et nous finissons tranquillement notre repas. Au moment de repartir, nous constatons que Sanjay et Ed ne se sont pas arrêtés et ne sont plus que 10km derrière nous. Maintenant, nous partons pour faire la course. On en avait discuté entre nous auparavant durant l’épreuve. Nous nous étions dit que si nous étions ensemble sur le final, nous ferions la course. Il nous reste un peu plus de 100km à faire.

Nous voilà parti pour le final. Je fais le calcul sur les provisions qu’il me reste dans les poches pour calculer les moments où je dois m’alimenter. Le parcours longe la côte Sud de l’Irlande mais je vais surtout regarder mon GPS et l’application de suivi sur mon téléphone.

Le problème de roulement de ma roue avant s’est aggravé. La roue n’est plus droite, le pneu frotte sur la fourche, le disque frotte contre les plaquettes. Ça me coute pas mal d’énergie pour avancer. Et comme la roue est de travers, je dois aussi faire attention quand j’utilise mon frein avant. En effet, les plaquettes se serrant viennent déformer le disque pour redresser la roue. Ça peut avoir pour effet de bloquer la roue, voir de casser le disque, si je ne fais pas attention et freine trop brusquement. Heureusement, il n’y a pas de grandes montées.

Dans ces conditions-là, impossible de suivre Guillaume. Au fil des kilomètres, j’observe également que Sanjey et Ed se rapprochent. Il reste maintenant moins de 10km mais vu les problèmes que me pose ma roue avant je sais que je vais me faire rejoindre.

Effectivement, alors que je traverse Kinsale, Sanjay me rejoint et me dépasse, sous l’objectif d’Adrian le photographe. Il restait 2km d’après mon GPS. Une dernière montée, assez sévère, et me voilà au village vacances où est jugée l’arrivée.

Outre les organisateurs, Adrian, Lindsay, Jo, je retrouve Padraig, Guillaume, Sanjay ainsi que Jesse, James qui sont arrivés un peu plus tôt dans la journée. Ed arrive quelques instants plus tard. Malgré la fatigue, tout le monde a le sourire. La soirée n’est pas très longue, mais riche en discussion où chacun raconte ses anecdotes et ce qu’il a apprécié sur le parcours. Tout ça autour de pizzas et de bière.

Fin de cette belle aventure que fut la TransAtlanticWay 2024, comme à chaque fois, le retour à la vie normale va être un peu difficile. Malgré la météo qui n’a pas vraiment été simple, je me suis régalé sur cette épreuve, et n’ai qu’une envie, y retourner !

Bilan

L’erreur fatale concerne l’éclairage. C’était la 5ème saison de longues distances avec ma Lupine Wilma, j’en suis toujours aussi satisfait, mais j’ai fait une erreur dans son utilisation. J’avais oublié qu’elle se mettait dans un mode veille permettant de l’allumer à partir de la télécommande. Cela consomme un peu d’énergie, sur 3 ou 4j, c’est négligeable. Sur 8j, ça ne l’est plus, ce qui explique que la batterie ait duré moins longtemps que ce que je pensais.

Je n’avais également pas fait attention à la fixation de mon téléphone sur les prolongateurs qui appuyait sur la sacoche. Cela a occasionné de la rétention d’eau dans le creux de la face supérieur de la sacoche. A force, l’eau a fini par s’infiltrer dans la sacoche et a endommagé le chargeur que j’avais pris et qui était au fond ma sacoche. Confiant dans l’étanchéité de ma sacoche, je n’avais pas pensé à le mettre dans un sachet ZipLock.

En outre, j’avais bien pris une frontale, mais juste en cas d’intervention mécanique en nocturne, je n’avais pas pris les crochets pour la fixer su mon casque. Heureusement, j’ai pu profiter de l’éclairage de secours de Guillaume à partir de Dingle (encore merci Guillaume), et avec la fatigue sur le dernier quart de l’épreuve, j’ai aussi moins roulé de nuit.

J’ai aussi une frustration, liée à la météo. J’apprécie quand je profiter de la météo pour tenter des coups. Cette fois-ci, ce fut un échec complet lors de la nuit passée sur le vélo. J’ai pris 6h de pluie là où les différentes prévisions annonçaient au pire des averses éparses, au mieux une faible probabilité de pluie durant 2h. J’avais l’impression d’avoir joué une partie de poker contre un adversaire qui connaissait mon jeu. Maigre consolation, même les autochtones se font surprendre par la météo, comme en atteste la discussion avec un concurrent de Sligo qui nous annonçait, à tort, peu de vent dans le Donnegal que nous traverserions le lendemain.

Étant donné la météo, difficile de l’aveu même de certains participants de l’édition précédente, l’objectif des 8j aurait été difficile à atteindre. Le problème d’éclairage me coute quelques heures sur la péninsule de Dingle, certainement 4h du fait de mon arrêt plus précoce que prévu et mon départ plus tardif le lendemain matin. Quelques heures perdues aussi par-ci par-là quand on roule à plusieurs, mais ce n’est pas grand-chose sur la durée de l’épreuve.

La mécanique a aussi joué contre moi avec ce roulement de ma roue avant cassé à 150km de l’arrivée. Je pense avoir perdu entre 45 et 60 minutes sur le final de l’épreuve. Ça fait 3 épreuves de suite que je casse du matériel (jeu dans la pédalier en revenant de la Via Podiensis, roue libre sur In Vino Veritas, et roulement cette fois-ci), mais à chaque fois sans conséquence sur le fait de finir l’épreuve (sur le chemin du retour chez moi après la Via Podiensis, à l’étape et à 500m d’un vélociste sur In Vino Veritas), donc je ne vais pas me plaindre.

Concernant les roues, il doit y avoir une part de malchance. Cela fait plusieurs années que je n’avais pas entendu parler de problèmes de roues libres. Sur In Vino Veritas nous sommes 3 à avoir rencontré ce type de problèmes et ici Guillaume. Mais le fait que mes deux roues aient été concernées par ces problèmes, je m’interroge et envisage de changer, auquel cas je partirai certainement sur des « hookless ». Et un dernier petit détail qui pourrait être amélioré, ce sont les commandes de dérailleur déportées sur les prolongateurs car le parcours comportait des sections roulantes. Mais là, c’est vraiment de l’ajustement mineur.

Pour le reste, c’est une grande satisfaction. La préparation avait été bonne (merci Yoann !), même si j’ai laissé quelques plumes avec mes 3j de vélo pour rejoindre Derry dans des conditions météo irlandaises. D’un autre côté, cela m’a donné un bon aperçu de ce qui m’attendrait les 8j suivant. Ce voyage avec mon petit sac à dos m’avait occasionné une petite blessure sur un appui, mais cela n’a pas prêté à conséquences. J’avais du adapter ma position pour ne pas aggraver cette petite blessure, de ce fait, j’ai eu une petite gêne sur le genou gauche, mais rien de très grave et surtout pas gênant pendant l’épreuve.

Des belles rencontres pendant l’épreuve avec les autres concurrents : Guillaume, Sanjay, Ed, Shane, Philippo… Et une équipe d’organisation vraiment sympa et qu’on retrouve avec grand plaisir sur les contrôles et les points où ils se posent pour les photos : Adrian, Lindsay, Jo, ainsi qu’Adrian C le photographe et Anne qui nous accueille chez elle au CP2.

Et puis l’Irlande, malgré la pluie est le vent, c’est vraiment magnifique. A peine l’épreuve finie, j’ai déjà envie d’y retourner. Ne serait-ce que pour découvrir le plateau de Buren et les falaises de Moher où je suis passé de nuit (et sous la pluie) où retraverser le Ring of Kerry et la Black Valley, le Connemara ou le Donnegal…