Race Across France 2021 (2500km)
En route pour la RAF (aléas inside)
Après une préparation intensive de début mai à fin juin, me voilà prêt pour la Race Across France, mon objectif de l’année, et accessoirement la plus longue épreuve à laquelle je me sois jamais inscrit. Pas de soucis de genou cette année, contrairement à la Route du Diable l’an passé. Les dernières sorties se sont bien passées et j’ai coupé quelques jours pour avoir faim de vélo. 2600km à boucler en moins de 10j, et surtout un énorme dénivelé (20 000m) sur les 1000 premiers kilomètres, l’équivalent de ce que j’ai déjà fait sur le 1000 du Sud 2018. L’expérience acquise à cette occasion m’est bien utile dans la préparation de mon découpage. Il m’avait fallu environ 88h pour boucler cette distance et j’avais fini avec un bon déficit de sommeil. Je me suis donc fixé comme objectif de sortir des Alpes en 4j en limitant mon déficit de sommeil pour pouvoir enchainer avec les 5j restant. Vous avez donc compris que mon objectif temps est de 9j.
La descente à Cannes va être une aventure à elle seule. Le train que je devais prendre est annulé à la dernière minute du fait d’une panne d’aiguillage. Sur le quai, j’ai rencontré 2 autres RAFeurs, Guillaume inscrit sur le 1000km, et Pauline inscrite sur le 300km. Le train suivant est dans 4h, en espérant que la panne soit réparée d’ici là… Pas question d’attendre 4h à la gare, comme ils habitent un peu loin de la gare, je leur propose de venir patienter chez moi. Nous allons passer l’après-midi en discutant vélo et en stressant sur la reprise du trafic. On en est déjà à envisager des plans B, C, D… pour nous rendre à Cannes si le trafic ne reprenait pas aujourd’hui. Finalement, le trafic reprend, il n’y a plus moyen de rejoindre Cannes, mais on a réussi à trouver une chambre d’hôtel juste à côté de la gare à Marseille pour ce soir. Nous finirons le trajet jusqu’à Cannes demain. La nuit sera un peu courte, nous arrivons à Marseille vers 22h, le temps de prendre possession de la chambre manger, il est près de minuit quand on s’endort enfin. Le réveil est matinal pour prendre l’un des premiers train pour Cannes.
Arrivé à Cannes, nous nous séparons, le temps que chacun aille récupérer son logement tandis que je rejoins la zone départ pour déposer mes sacs à destination des bases de vie (Saint-Jean-en-Royans au km 500 et Doussard au km 1100) et faire inspecter mon vélo. Je croise quelques visages connus Eric Leblacher, Omar Di Felice, Arnaud Manzanini… J’en profite également pour passer sur le stand HolyFat demander quelques conseils sur l’utilisation des barres qui étaient dans le kit nutrition que j’avais acheté. L’occasion d’un échange très sympathique avec son responsable (je le reverrai d’ailleurs en cours d’épreuve sur son vélo).
Je vais retrouver les copains du team Cyclosportissimo déjà arrivé sur place pour déjeuner (Patrick engagé sur le 2500, Fabrizio et Aurélie engagés en duo sur le 1000 et Eric engagé sur le 1000km). Je propose à Pauline et Guillaume de se joindre à nous. Reste à occuper l’après-midi avant la pasta party et le départ. L’hôtel Ibis où logent un certain nombre de participants et où j’aurai du dormir la veille au soir me laisse squatter une banquette dans l’entrée. Comme la nuit a été courte, je veux essayer de dormir. On sent qu’il fait déjà chaud et je sais qu’avec la conjonction manque de sommeil et chaleur je risque d’avoir des problèmes pour m’alimenter. Pauline m’accompagne car son hébergement est un peu loin et elle ne veut assister au départ ce soir sans multiplier les trajets.
Je vais passer l’après-midi tranquillement, mais sans dormir, entre discussion, raisons sociaux, messages avec la famille et les amis qui me suivent et aussi rencontres avec les maillots Cyclosportissimo que je vois passer dans le hall (Patrick et Frédérik). La fin d’après-midi est là et je sors de ma léthargie et de la fraicheur du hall de l’hôtel pour me rendre dans la zone de départ. Pendant la pasta-party, je retrouve Sabrina, une collègue qui était dans le secteur, l’occasion de discuter un peu et de ne pas penser à la course, même si on ne parle que de ça (on n’allait quand même pas parler boulot, non ?).
Je discute un peu avec Gilles que je ne connaissais que par ses excellents comptes-rendus sur internet. Nous nous retrouvons ensuite entre membre du team Cyclosportissimo pour la photo des 4 mousquetaires qui sont engagés sur le 2500km. Ensuite, nous allons nous mettre chacun dans notre bulle à l’approche du départ. Patrick et Gilles partent avant moi, je sais que, sauf incident, je ne les reverrai pas. Je discute avec Hervé qui lui part 1h après moi. On a un découpage assez comparable, il est donc possible qu’on se revoit, même si a priori, je suis un peu plus rapide que lui.
Après avoir encouragé Patrick et Gilles lors de leur départ, c’est maintenant mon tour de me diriger vers la rampe de départ. Je profite d’une pompe pour vérifier la pression des pneus. Je prends ma place dans la file à l’appel, l’heure H approche. Je monte sur la rampe de départ, Arnaud Manzanini me voit rire (un moyen comme un autre d’évacuer la tension avant le départ) et me chambre gentiment d’un : « Et il se marre ! ». Quelques mots échangés avec Fergus, le speaker qui officiait comme lanterne rouge quand j’avais fait la Haute-Route. Compte à rebours…
Cannes – Vaison-la-Romaine
… c’est parti ! Départ comme un contre-la-montre du Tour de France. Pour l’ambiance (encouragements, applaudissements, …), pas pour l’allure. Sergio et Michel (qui font le 1000km en duo) m’ont averti, les 70 premiers km ça grimpe tout le temps. C’est ce que j’avais vu sur le profil, je pars donc sans m’affoler, me calant à un rythme qui me parait raisonnable sans me préoccuper des cyclos partis avant moi, ni de ceux partis derrière moi et dont certains vont rapidement me dépasser à (très) vive allure. Rapidement, la route se met à grimper, je continue à mon rythme, je dépasse moins que je ne me fais dépasser, mais c’est sans importance, avec toujours un petit mot d’encouragement pour les autres cyclos.
Il fait chaud, je pense à boire régulièrement. Mes bidons sont un peu trop dosés en poudre pour la chaleur qu’il fait et c’est écœurant. La montée n’est pas trop raide, mais je sais que ça va durer. Dans les cyclos que je double, il y a Thierry, (alerte divulgachage) nous ne le savons pas encore mais nous allons nous suivre tout au long de l’épreuve. La vue sur Cannes et la mer alors que nous montons sur Grasse est agréable à regarder.
Je dois mettre pied à terre pour traverser un village, il y a une fête nocturne et la maréchaussée veille. Même si nous prenons de l’altitude, il fait toujours aussi chaud, la nuit n’apporte pas encore sa fraicheur. Je roule avec le maillot ouvert, je regrette ne pas en avoir pris un plus léger et surtout qui s’ouvre intégralement. Le contenu de mes bidons me semble de plus en plus écœurant, heureusement que j’ai prévu des compotes de fruit plutôt que des barres énergétiques pour passer la nuit.
La montée est parfois entrecoupé de descentes qui permettent de couper son effort et de récupérer un peu. Enfin, moi je récupère mais certains poussent à fond sur les pédales, tel l’avion qui me double à ce moment- là. La luminosité apportée par la pleine lune est agréable.
La forêt vers le col de Bleine n’apporte pas la fraicheur que je souhaitais. Je n’arrive plus à boire ce qu’il y a dans mes bidons, trop sucré… L’oreille aux aguets je guette le bruit d’eau d’une éventuelle fontaine, mais rien. Je finis par regarder sur mon téléphone sur mes applications (FreeTap et Chateau la Pompe) s’il y a une fontaine proche. La prochaine est annoncée à Soleilhas, encore quelques kilomètres à tenir. Passé le sommet du col, je décide manger une compote, mauvaise idée, écœuré je vais la rendre quelques mètres plus loin. Il devient vraiment urgent que je trouve de l’eau, mais je ne m’affole pas. Je sais que les grosses chaleurs et la fatigue peuvent me causer ce genre de problème. Je suis plus inquiet pour le manque de sommeil et craint de devoir m’arrêter dès cette nuit, alors que j’avais prévu une nuit blanche.
Je continue à tracer ma route, enfin Soleilhas et sa fontaine, je vide le bidon que j’avais commencé à boire pour le remplir d’eau. Je bois autant que je peux pour me réhydrater. Un cyclo me rejoint et profite lui aussi de la fontaine et nous repartons ensemble pour la montée du col de Saint-Barnabé. Je vais perdre sa roue dans la descente sur Castellane qui est assez cahoteuse et que je vais faire prudemment. J’avais regardé cette section du parcours un peu vite et pensais que nous descendions par le barrage de Castillon alors que dans Demandolx nous tournons à gauche. Pendant que nous descendons sur le Verdon, je pense à mon frangin et sa famille qui terminent leurs vacances et vont passer à quelques kilomètres de là dans la journée sur le chemin du retour. Le départ aurait eu lieu à un autre moment, on aurait presque pu se voir, comme on l’avait fait lors de ma dernière grosse sortie d’entrainement quand nous nous sommes retrouvés au sommet du col des Champs (un Cayolle – Champs – Allos devenu Cayolle – Champs – Cayolle du fait de la fermeture de la route du col d’Allos consécutif à un éboulement). Enfin, nous descendons, je peux avancer sans dépenser trop d’énergie, car je n’ai toujours rien pu manger depuis le départ.
Nous nous dirigeons maintenant vers les gorges du Verdon. J’aperçois de temps en temps une lumière devant moi en fonction des virages. C’est la nuit, nous ne pouvons pas profiter pleinement des paysages, mais la luminosité de la pleine a quelque chose de magique en ces lieux. Malgré une certaine obscurité, c’est magnifique. Il faut néanmoins faire attention car il y a quelques pierres sur la route. Je vais d’ailleurs me faire une petite frayeur en en touchant une, heureusement sans conséquence.
Je continue à descendre les gorges, la lumière que j’apercevais derrière moi a disparue, et j’ai été rejoint par un autre concurrent. Il m’indique une fontaine un peu à l’écart de la route dans un village, La Palud-sur-Verdon. J’en profite pour refaire boire et remplir mes bidons.
Nous sommes en pleine nuit et je n’ai toujours pas froid, les températures sont agréables pour rouler, le concurrent avec qui j’étais a filé devant, je continue à mon allure profitant de la clarté de la pleine lune dans ces paysages majestueux. Nous sortons des gorges et arrivons au bord du lac de Sainte-Croix puis passons Moustiers-Sainte-Marie, alors qu’il y a une petite chapelle sur la droite j’aperçois une tente sarcophage le long de celle-ci. Un peu plus loin, il y a une table de pique-nique en bois avec un cyclo qui dort dessus. Apparemment, c’est l’heure de repartir car son réveil est en train de sonner. Avec le départ en fin de journée, je ne m’attendais pas voir des cyclos dormir cette nuit.
Il n’y a toujours pas de plat, mais le relief n’est pas trop méchant non plus. Avec les soucis d’alimentation, je sens que je n’avance pas comme je veux mais j’avance. Je suis en train de calculer que je devrais arriver à Oraison à une heure où la boulangerie de la place et le bar en face seront ouverts, ce qui me permettra de prendre un petit-déjeuner. Je vois un paquet de lumière derrière moi alors que j’approche de Puymoisson. Je suis repris par ce groupe dans lequel figure Hervé qui s’étonne de me rattraper, on discute un peu et je lui explique ma situation. Il continue à son rythme et moi au mien.
Un peu plus loin, je suis rejoint par Eric Leblacher. Il me dit que ma sacoche ballotte beaucoup, je le remercie et m’arrête pour vérifier le serrage de celle-ci. Tout est bien fixé, même si c’est vrai qu’elle ballotte beaucoup par rapport à la plupart des autres concurrents. Enfin arrive Oraison, j’ai été rejoint par un autre concurrent qui cherche une fontaine, on en trouve une fontaine, l’eau est chaude, mais il n’y a que ça. Pour moi, pas besoin, je vais m’arrêter un peu plus loin au café après un passage à la boulangerie. Je commence ma journée par une part de pizza, une eau gazeuse et un Coca, normal pour un petit-déjeuner. Je discute avec un autre concurrent qui s’est arrêté au même bar que moi. Je prends mon temps, je suis content de pouvoir enfin manger, en 200km je n’ai quasiment rien pu avaler à part de l’eau… En s’alimentant, la suite sera plus simple.
La suite n’est pas des plus faciles, même s’il n’y a pas de grosses difficultés dans l’immédiat, il n’y a pas beaucoup de plat non plus. Je file sur Forcalquier et la suite est une longue montée jusque Céreste. J’ai retrouvé un meilleur rythme, les effets de mon petit-déjeuner diététique, malgré le vent défavorable. Il ne souffle pas si fort que ça, mais on sent bien qu’il est contre nous. Dommage de ne pas pouvoir se laisser glisser sans effort sur Apt une fois passé Céreste. Quelques bosses nous amènent au pied de Gordes, une belle montée mais le village en vaut la peine et les points de vue dans la montée sont agréables. Je vais rejoindre Thierry au pied de la montée et en faire une partie avec lui, il me laisse filer et je vais finir la montée avec Sylvain et continuer avec lui en direction de Murs. Nous allons suivre le final de la course cycliste homme des jeux olympiques en finissant la montée. On rigole devant la quantité de publicités que diffuse la radio en question, on a même eu peur qu’ils ne diffusent pas l’arrivée en direct devant la longueur de leurs coupures publicitaires.
Je profite d’une fontaine vers Murs pour boire un coup et refaire mes bidons. Un cyclo anglais s’arrête aussi et, voyant ma sacoche et ma plaque de cadre commence à me poser quelques questions. La base de vie de Venasque n’est plus très loin, et c’est majoritairement de le descente, le col de Murs. Je me laisse glisser jusqu’à Bed & Bike où je sais que je pourrais manger un morceau, prendre une douche et faire une sieste si j’en ai envie. Et j’ai envie de tout ça. Je salue Sébastien qui est aussi sur la base de vie, tout comme Hervé. J’ai un peu de mal à manger mon plat de pâtes, mais j’ai besoin d’énergie. Je refais les niveaux de mes bidons, cette fois-ci, le dosage en poudre est bien meilleur. La douche m’a fait beaucoup de bien. La sieste sera assez courte, mais c’est toujours un peu d’énergie pour ce qui m’attend d’ici la fin de la journée.
Je repars avec un petit groupe, les jambes répondent enfin comme je le souhaite sur le relief accidenté qui nous conduit au pied du Mont Ventoux. Au fil des kilomètres, nous nous retrouvons à 2, avec un cyclo belge, Anthony si je me trompe pas de prénom. On discute et les kilomètres défilent, à force de relance, on finit par se dire qu’il faudrait que nous calmions un peu l’allure pour ne pas nous cramer avant le pied de la montée. Je me dis que si je garde le rythme, j’ai peut-être une chance de rejoindre Hervé, parti de Bed & Bike un peu avant moi, d’ici le sommet, et de retrouver Marco qui avait prévu de venir au-devant de lui.
Nous sommes à Bédouin vers 14h, la meilleure heure pour gravir le Ventoux, c’est bien connu. Les pentes forcissent petit à petit jusqu’à Sainte-Estève et sa fameuse épingle. Anthony est plus à l’aise que moi et nous prenons chacun notre rythme. Le soleil tape fort, le regain d’énergie que j’avais au pied s’amenuise petit à petit et au bout de quelques kilomètres, je me retrouve planté dans la montée. Une première pause, puis une deuxième, puis je décide de faire quelques mètres à pied à côté du vélo, puis de continuer à pied. Nous sommes nombreux dans ce cas-là. J’ai l’impression qu’il n’y a pas grand monde à part des concurrents de la RAF sur cette montée. Finalement, dans l’enchainement, assez raide et serré droite gauche, je décide de faire une pause à l’ombre pour récupérer et retrouver un peu d’énergie. Il doit me rester une dizaine de kilomètres, ça va être long…
Je vois passer les concurrents, parfois à pied, parfois à vélo, mais toujours au ralenti. Les randonneurs garés là me demandent si ça va en me voyant assis à l’ombre. Les messages d’encouragements reçus font plaisir. J’apprends par le Whatsapp de Cyclosportissimo que le Ventoux a fait mal à tout le monde. L’idée d’abandonner m’a traversé l’esprit, mais je l’ai vite chassée, moins de 24h et moins de 300km après le départ, ce serait ridicule, d’autant que je sais ce dont j’ai besoin pour repartir du bon pied : moins de chaleur, et ça tombe bien on monte vers le Nord et qu’on va traverser la montagne, un repas un peu copieux, pour remettre de l’essence dans les réservoirs, et une bonne nuit de sommeil pour éliminer la fatigue de la veille du départ. Je suis en train de me motiver pour repartir quand je vois un petit groupe, parmi lequel je reconnais les maillots verts de le Team de Lux de deux copains belges, Miguel et Alain. Quelques encouragements de leurs parts et me voilà avec eux sur le vélo.
Les kilomètres jusqu’au chalet Reynard se passent bien, comme si on m’avait changé mes jambes pendant ma pause. Nous faisons une pause pour boire un coup et manger un morceau. 3 cannettes de sodas et une glace pour moi. On mange et on boit assis par terre sur la terrasse, l’équipe des photographes de l’organisation vient nous tirer le portrait. Je reconnais aussi le gars d’HolyFat qui est monté en vélo. Après cette pause, nous voilà reparti pour le final. Il va passer sans encombres, c’est une bonne nouvelle, du coup, je prends mon temps au sommet, je discute un peu avec des touristes et d’autres cyclos. Je réfléchis à la suite, malgré les difficultés, je suis à peu près aligné sur mon plan de marche. Je devrais donc pouvoir dormir du côté de Mirabel-aux-Barronies. Je poste un message sur le Whatsapp de Cyclosportissimo pour les informer que je suis bien sorti de ce maudit Ventoux et que je continue ma route.
Il m’aura fallu quand même 4h pour gravir le mont Ventoux, je dois avoir établi un nouveau record de lenteur pour mon club cyclotouriste. Je mettrai un temps normal à le descendre, je retrouve Miguel et Alain à Malaucène. Toutes les terrasses sont complètes, ils ont été cherché à manger dans une supérette et pique-niquent sur la place. Je décide de continuer, j’espère pouvoir arriver pas trop tard sur Mirabel et trouver un hôtel et un restaurant là-bas. Je repars donc direction Vaison-la-Romaine. Les sensations sont revenues et j’avance à bonne allure les mains sur les prolongateurs. C’est ainsi que je rentre dans Vaison, je vois un cyclo de l’autre côté de la route. Il hèle mon prénom quand je passe à sa hauteur, c’est Marco. Il me rejoint et me propose de passer la nuit chez eux, il y a déjà Hervé qui est là. J’accepte volontiers. Et nous voilà parti…
Après avoir été au fond du trou dans la montée du Ventoux, ça fait du bien au moral de retrouver des copains, Marco et Mamie-Thé et Hervé. La douche fait beaucoup de bien, le repas et les discussions aussi. J’apprends qu’Hervé a abandonné. Il me propose de récupérer l’hébergement qu’il a réservé à Bourg-Saint-Maurice (je vous avais dit que nous avions des découpages assez proches). C’est dans 2j, et il y a quelques bosses d’ici là (une double montée sur le Vercors, Sarenne par l’Alpe d’Huez, le Galibier et l’Iseran), je préfère décliner n’étant pas sûr à 100% de pouvoir respecter mon découpage. Maintenant, il est l’heure de dormir…
Vaison-la-Romaine – Bourg-d’Oisans
La nuit a été bonne, même si un peu courte car je ne veux pas partir trop tard pour pouvoir rallier Bourg-Saint-Maurice ou L’Alpe d’Huez ce soir. Mamie-Thé et Marco se sont levés pour me préparer le petit-déjeuner, je leur avais dit que ce n’était pas la peine, mais ils y ont tenu. Thé, pain, confiture, parfait pour tenir un bon moment avant d’attaquer une boulangerie. Merci Marco et Mamie-Thé ! Je connais le relief qui m’attend jusqu’à la base de vie de Saint-Jean-en-Royans, pas de plat, mais pas de quoi s’affoler non plus. Quelques kilomètres après le départ, il y a des inscriptions encourageant les concurrents de la RAF sur la route, ça fait toujours plaisir. Je vais rejoindre Christian que j’avais déjà vu la veille sur le parcours.
Je me sens bien mieux qu’hier, je peux boire et manger régulièrement sans le moindre soucis, c’est plus facile pour bien avancer. Les kilomètres défilent assez vite sur ce tronçon sans difficultés majeures. Il y a bien la montée du col d’Aleyrac qui est un peu longue, mais elle se passe bien, l’absence vent nous aide bien. C’est bien le vent qui m’inquiète pour la suite, notamment dans la remontée de la vallée de la Drôme, pourvu qu’il soit dans le bon sens. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là, il faut déjà arriver sur Crest, de l’autre côté de la colline. Je m’attendais traverser Puy-Saint-Martin, mais le parcours l’évite pour prendre la grande route. Passer par le village eut été plus agréable selon moi, mais on suit la trace.
Arrivé au sommet de la colline, je suis rejoint par Frédérik, de Cyclosportissimo, engagé sur le 1000km, accompagné par un copain à lui. Ils connaissent une bonne boulangerie dans Crest, je vais donc le suivre et partager la pause avec eux. Ils repartent un peu avant moi, me voilà donc seul pour remonter la vallée de la Drôme. Le vent souffle dans le bon sens, en voilà une bonne nouvelle ! La remontée jusqu’à Die va passer assez rapidement, juste une petite pause auprès d’une fontaine pour remplir mes bidons. Je me rappelle que dans un fil de discussion, certains avaient parlé d’une pizzeria juste à la bifurcation pour le col du Rousset, comme j’ai prévu large à la boulangerie de Crest, j’ai de quoi tenir, mais je fais quand même une pause avant d’attaquer la montée.
C’est encore une belle journée et même si je n’ai pas fait beaucoup de kilomètres depuis mon dernier remplissage de bidon, j’ai pas mal bu pendant mon déjeuner, je vais donc profiter de la première fontaine que je vois pour remplir à nouveau mes bidons. Et c’est parti pour la montée. Je sais qu’elle est un peu longue, mais pas très difficile. Je fais la montée à mon rythme, un peu surpris de ne pas me faire dépasser, je suis avec des concurrents engagés sur le 500km et le 1000km et même d’en dépasser régulièrement.
Les épingles s’enchainent et le sommet approche doucement. Les jambes sont toujours bonnes, je sais qu’une fois là-haut, il ne me restera plus que le col de La Chau comme bonne difficulté à franchir, on peut oublier le col de Saint-Alexis, qui enchaine quasiment avec le col du Rousset, et l’arrivée sur le col de la Machine, majoritairement descendante. Dans la descente de Saint-Alexis, je rejoins un concurrent du 500km qui me dit être en difficulté, je le réconforte un peu en lui disant qu’il avance encore pas mal et qu’il est presque arrivée. Je le mets néanmoins en garde à propos du col de La Chau. On traverse Vassieux, pas le temps de m’arrêter acheter une Pangée à la boulangerie, ce sera pour une prochaine fois. Une fois passée la nécropole, le Vercors a été un haut-lieu de la résistance et Vassieux a été la cible d’un assaut sanglant de l’armée allemande en juillet 1944, me voilà dans la montée du col de La Chau.
C’est raide mais ça passe plutôt bien malgré tout. J’atteins l’épingle, il fait chaud et la route à flanc de falaise est bien exposée, une fois arrivé au mémorial je sais que le sommet n’est plus très loin. Je sais que ça continue à monter jusqu’à un second col, avant de basculer sur le plateau. Il y a pas mal de monde sur ce plateau, principalement des marcheurs, les parkings des stations de ski de fond sont bien remplis. Malgré ça, pas grand-monde sur la route, surtout des concurrents de la RAF sur leur vélo. Je vais discuter avec 2 d’entre eux qui ne connaissent pas la Combe Laval, je leur indique que ça mérite bien une photo. Effectivement, ils découvrent ce magnifique paysage et s’arrêtent quelques instants. Moi, je file sur Saint-Jean-en-Royans et la deuxième base de vie où m’attend mon premier sac de délestage. Enfin, tranquillement parce que La Combe Laval, c’est vraiment beau.
Arrivé à la base de vie, je me restaure et vais chercher mon sac. J’en profite également pour prendre une douche. Je croise un maillot de l’Omomarto, mais ce n’est pas Jean-Yves, engagé sur le 1000km et qui doit être sur la base de vie également, mais je ne le croiserai pas. Par contre, je vais croiser Bertrand qui arrive. Je vois également Guillaume, avec qui j’étais descendu en train, on discute un peu et on se réjouit pour Pauline, la 3ème de notre galère de train, qui a bien bouclé son 300km. Frédérik est là également, mais en pleine galère, pas moyen de retrouver son sac, apparemment, il a été expédié directement à Doussard.
Je réalise les transferts dont j’ai besoin entre mon sac et ma sacoche, j’ai rechargé mon GPS et mon téléphone, je suis prêt à repartir à l’assaut du Vercors. On le longe quelques kilomètres avant d’arriver à Pont-en-Royans et remonter les Gorges de la Bourne, c’est très beau, mais en fin d’après-midi, il y a pas mal de circulation. Heureusement, la cohabitation se passe bien. La montée est plutôt douce, comme dans mon souvenir, et puis les paysages agréables. Il fait encore bon, mais la remontée apporte un peu de fraicheur. Arrivée à La-Balme-de-Rencurel, j’aperçois la direction du col de Romeyère, il me semble qu’un des concurrents a posté un message sur la messagerie pour prévenir qu’il quittait la trace pour aller le chercher en aller-retour.
J’ai fini la montée avec un concurrent engagé sur le 1000km, Phil je crois. Nous sommes surpris de croiser un autre concurrent entre Villard-de-Lans et Lans-en-Vercors. D’ailleurs, lui aussi est surpris car il passe au ralenti en nous demandant la route. Ludovic nous rejoint et nous explique que son GPS a eu un petit soucis. Phil a un peu de mal à suivre sur le plateau et nous continuons à deux avec Ludovic, qui est également engagé sur le 2500km. Nous allons passer la bosse de Saint-Nizier-du-Moucherotte ensemble pour basculer sur l’agglomération grenobloise. Dans la descente, il me semble reconnaitre Sylvère, un copain de Cyclosportissimo, qui montait sur le Vercors. Nous faisons un peu de jardinage dans Seyssins avant de repartir dans la bonne direction. Le col de Comboire va rapidement nous remettre les idées en place, il n’est pas long, mais pentu. Nous traversons ensuite Claix Pour partir sur Vizille puis le Bourg d’Oisans.
Ce n’est pas la plus belle partie du parcours, il faut le reconnaitre, la vallée de la Romanche ne nous laissera pas un souvenir impérissable. Ce que nous ne sommes pas près d’oublier, c’est le passage sur la 2 fois 2 voies de Vizille. Je m’attendais à ce que nous traversions la ville pour rejoindre à la sortie, mais non, la trace emprunte la grande route. Nous allons nous arrêter pour vérifier que nous ne nous sommes pas trompés et pour enfiler nos chasubles réfléchissantes afin d’être mieux vus sur les 3km problématiques, tant pis pour le château de Vizille…
Passé la ville, nous continuons notre remontée de la vallée de la Romanche qui n’est pas la plus belle vallée des Alpes, il faut le reconnaitre. Nous avons la chance d’y passer en fin de journée, il ne fait plus trop chaud, mais c’est un peu sinistre. On pense à ce qui y sont passés entre 14h et 18h, ça devait être une véritable fournaise. Un cyclo est arrêté sous une halle, nous lui demandons si ça va. Son « ça va » hésitant ne nous convainc pas, nous nous arrêtons donc pour prendre de ses nouvelles. Il nous confirme que le moral n’est pas au beau fixe et qu’il a eu un coup de moins bien. Après discussion, il repart avec nous et nous voilà en trio pour finir de remonter la vallée. Au bout de quelques kilomètres, notre compagnon de route se met à nous passer des relais monstrueux qu’on a du mal à suivre, il n’y a bien que le moral qui a était touché, physiquement il va bien.
Au long de la remontée, nous avons discuté de la suite, Ludovic veut pousser jusqu’à l’Alpe d’Huez, vu l’heure tardive, j’opte pour un arrêt à Bourg d’Oisans. J’espérais arriver plus tôt, mais j’ai commis une grossière erreur dans mes estimations kilométriques… Il va être 22h quand je laisse mes compagnons aborder la montée de l’Alpe d’Huez, pour moi ce sera hôtel. J’arrive peu de temps avant la fermeture de la réception, et après la fermeture de la cuisine. Je n’aurais rien à manger, tant pis, et vu mon heure de départ pas de petit-déjeuner non plus. Une bonne douche plus tard, me voilà au lit. J’avais anticipé cette situation et ai pu ne pas m’endormir le ventre vide grâce à une flasque silicone de 60mL remplie de purée de fruits à coques de chez HolyFat. Je me dis que demain matin, je trouverai une boulangerie à L’Alpe d’Huez.
Bourg d’Oisans – Bourg-Saint-Maurice
Le réveil sonne, je m’habille, descend récupérer mon vélo, et me voilà parti pour faire l’Alpe d’Huez et Sarenne au petit-déjeuner. C’est copieux, à l’image de la journée qui s’annonce. J’ai la chance que mon hôtel soit à l’entrée de Bourg d’Oisans, ça me laisse quelques kilomètres pour m’échauffer avant de partir dans la montée. Pour ceux qui ne connaissent pas l’Alpe d’Huez, c’est vraiment le pied le plus terrible, la suite est un peu moins dure passé le village de La Garde. Dès le pied de la montée, j’aperçois une lumière rouge devant moi, je suis content de ne pas être seul pour cette montée. Je regarde mon GPS, le rythme semble bon, j’espère donc revenir sur cette lumière. Je suis doublé par un autre cyclo sans sacoche. Je le laisse passer et continue à mon rythme, je vois les 2 lumières qui s’éloignent. Tant pis, je ferai la montée tout seul. Les virages défilent, j’arrive à relancer dans les épingles, j’ai bien récupéré de ma première journée compliquée, même si je suis surpris de ne pas avoir pu rejoindre le cyclo que j’ai aperçu au pied, le moral est bon.
J’arrive dans la station en suivant la trace, l’œil aux aguets pour trouver une boulangerie ouverte mais je ne vois rien d’ouvert, il est encore trop tôt. Je pars donc en direction du col de Sarenne. Il y a longtemps que je ne l’ai pas empruntée dans ce sens-là. Je sais que c’est un peu long, pas forcément dur, mais il faut être patient. Après une première partie descendante, j’amorce la remontée sur le col. Je continue à mon rythme pour rejoindre le sommet où une voiture est stationnée. Je retrouve les deux cyclos, ils sont avec assistance, ce qui explique que je n’ai pas pu les suivre / rejoindre. Je discute avec le conducteur de la voiture, il me parle de Cyclosportissimo et qu’il en a fait parti, mais je ne me rappelle pas de lui. Je réaliserai quelques heures plus tard qu’il doit s’agir de Jean-Paul qui était là la première année et que j’ai du croiser une fois.
Le jour s’est levée pendant la montée et il fait parfaitement clair pour la descente, tant mieux car la route n’est pas très large et il y a souvent des pierres sur la route dans le haut. Je descends donc prudemment, et vais finir par rejoindre un groupe qui a bivouaqué à Clavans , par contre toujours pas de boulangerie. Dans le groupe, il y a le cyclo que nous avions retrouvé dans la remontée de la vallée de la Romanche, mais aussi Guillaume, Anthony, Clément que je vais retrouver régulièrement tout au long de la journée (et parfois plus loin aussi).
On traverse Mizoën, mais toujours pas de boulangerie ouverte, pourtant il y a un certain nombre d’yeux aux aguets pour trouver de quoi prendre un petit-déjeuner. On longe le lac du Chambon et nous voilà parti pour la montée Lautaret. Ce n’est pas trop raide, c’est juste long, et le besoin de boulangerie commence à se faire sentir. Chacun a pris son rythme dans la montée et nous allons nous regrouper à La Grave où se trouve, enfin, la boulangerie tant attendu. Je m’achète de quoi tenir jusqu’à Valloire au moins et je mange, nous ne sommes pas tous sur les mêmes stratégies d’alimentation et je reste avec Anthony alors que le reste du groupe repart petit à petit. On discute avec un vacancier qui est intrigué par nos sacoches, il est cycliste lui-aussi et la discussion s’engage pendant que nous prenons notre repas. Les sandwiches avalés, il est l’heure de repartir, Anthony a quelques soucis digestifs et doit parfois faire des pauses, je me retrouve donc à nouveau seul dans la montée, c’est long, mais finalement ça passe plus vite que je ne le pensais. Je m’accorde une pause au sommet du Lautaret où je vais retrouver Pascal qui est en train de finir sa pause. Je profite de cette pause pour faire un passage aux toilettes, c’était même le but premier de cet arrêt.
Le Galibier est une autre paire de manche, mais les jambes ne sont pas trop mauvaises donc j’en profite. Je guette de le ciel depuis ce matin et la météo est bien meilleure que celle-ci que nous craignions d’avoir (orage / pluie annoncé), tant mieux car la pluie n’est jamais agréable, mais à 2000m et au-delà, ça peut vite être problématique. Il y a quelques nuages, mais rien de menaçant pour le moment. Je discute dans la montée avec un cyclo, me voyant avec la sacoche, il me demande ce que je fais. Quelques minutes qui font passer le temps et oublier la pente jusqu’à ce qu’il me laisse filer pour atteindre le copain avec qui il roule. J’arrive au niveau du tunnel, il n’y a plus qu’un km jusqu’au sommet, mais ce n’est pas le plus facile, loin de là. Je suis tout à gauche depuis un moment déjà, mais ça passe même dans les pentes les plus raides. Je ne traine pas au sommet, juste le temps d’enfiler ma veste et je bascule dans la descente.
Ça descend bien, pas trop de vent non plus, tant mieux, ça aurait été dommage de devoir pédaler entre Plan-Lachat et Valloire. Je vais retrouver Clément et nous franchirons le col du Télégraphe ensemble. C’est d’ailleurs là que nous déciderons de prendre le déjeuner, il est l’heure et il y a une pizzeria. Julien, un triathlète aux multiples IronMan que Clément connait, nous rejoindra peu après et partagera le repas avec nous. C’est Clément qui paiera pour moi car je n’ai plus d’argent liquide et le restaurant ne prend pas la carte bleue. Il faut donc que je reste avec lui jusqu’au prochain distributeur de billets.
On bascule dans la vallée de la Maurienne pour partir en direction de l’Iseran. La signalisation routière essaye de nous saper le moral annonçant le col de l’Iseran à 70km, j’ai prévu de le passer aujourd’hui, il y a encore de la distance à parcourir. Nous allons faire un petit groupe dont je vais perdre les roues en faisant une pause pour satisfaire un besoin naturel. Dommage, même si le vent n’était pas défavorable, ça aidait bien ce petit groupe dans la vallée qui n’est pas très agréable à remonter jusqu’à Modane. Je n’ai pas tout perdu, une voiture d’assistance d’un concurrent s’est arrêtée au même endroit que moi et m’a proposé de ma ravitailler en eau. A l’entrée de Modane, je trouve un distributeur de billets et retire de l’argent, plus qu’à retrouver Clément pour acquitter de mes dettes. De là, nous montons sur Aussois, je me rappelle de cette route pour l’avoir déjà empruntée sur un BRM400 montagneux au départ de Grenoble. Nous allons passer sur la même plage horaire, sauf que là, nous sommes fin juillet, le BRM en question avait lieu début octobre, les températures ne vont pas être les mêmes. Ça se confirme, il fait chaud, très chaud, je réussis à rejoindre Anthony et Guillaume. On aperçoit un autre cyclo devant, on va rapidement identifier Pascal qui n’est pas vraiment ami avec les grosses chaleurs.
Cette chaleur va bien nous user et nous accueillerons avec soulagement le passage à Aussois et la bascule pour rejoindre la vallée. On est d’autant plus content qu’on sait qu’il y a une mini base de vie dans le siège d’une société de guide. Il y a déjà quelques cyclos qui sont en pause au moment où nous arrivons. Je retrouve Clément et j’en profite pour rembourser mes dettes. Certains vont faire la sieste, pour d’autre ce sera une douche et pour autres, un peu de ravitaillement solide ou liquide proposé par nos hôtes. Les discussions tournent autour de la suite de la journée et franchir ou non l’Iseran. On a vu quelques nuages sur la Vanoise et la météo n’est pas forcément très encourageant sans être catastrophique non plus. Échapper aux averses semble néanmoins illusoire, mais nous reprenons la route, on a jusqu’à Bonneval-sur-Arc pour se décider.
Il va falloir se décider car Bonneval approche doucement, une première bosse après Termignon, le raide col à la sortie de Val-Cenis et nous voilà dans la vallée qui nous y amène. Je suis avec Anthony et Guillaume, Julien et Clément ont filé un peu devant. Arrivé à Bonneval, la question n’a toujours pas de réponse. Je tergiverse un peu. Anthony et Guillaume décident de faire la pause diner ici en passant à la boulangerie et à la fromagerie. Moi je réfléchis, les prévisions sont plutôt bonnes, mais le ciel n’est pas très engageant. Mon frangin Yoann m’a envoyé un message m’incitant à passer maintenant. Je l’appelle, il finit de me convaincre d’y aller maintenant, je vais saluer Guillaume et Anthony et je repars. Il va falloir que je trouve mon hébergement pour ce soir et que je règle le problème de mon repas car je vais arriver à Bourg-Saint-Maurice vers 22h. Il y a le MacDo, mais je n’en ai vraiment pas envie. A la question « pourquoi aller si loin ? » voilà la réponse : je ne veux pas m’arrêter à Val d’Isère afin de ne pas commencer la journée par 1h de descente glaciale.
Je repense soudainement à Hervé qui m’avait proposé de récupérer son hébergement à Bourg-Saint-Maurice, je l’appelle. Et voilà, j’ai les coordonnées de son hébergement, merci Hervé, il va les prévenir, plus qu’à les appeler, ce que je fait immédiatement. Quelques instants plus tard, j’ai un hébergement à Bourg-Saint-Maurice, même si j’ai senti mon hôte un peu gênée, elle a d’ailleurs conclu par un « on se débrouillera ». Reste le problème du repas, mais mes amis Damien et Isabelle vont m’être d’un précieux secours, ils sont de passage et ont prévu de m’attendre. Je les appelle pour me confirmer qu’ils seront bien là. La réponses est positive, ils auront un morceau de fromage et de pain pour me dépanner, merci Damien et Isa ! On a profité de l’appel pour caler le point de rendez-vous.
Une camionnette de l’organisation va me dépasser dans le bas de la montée. J’ai passé la première épingle après Bonneval-sur-Arc, j’ai donc le vent dans le dos. Arnaud Manzanini qui est dans le véhicule va me chambrer en me disant que j’ai le vent dans le dos, je lui répond que c’est trop facile mais je ne sais pas s’il l’a entendu. Je rentre dans la vallon pour profiter du premier replat. Le ciel est gris et la pluie va finir par arriver, j’ai du mal à croire que les nuages tiennent tout le long de la montée. Effectivement, rapidement, je prends de la pluie, de la vraie qui mouille. Enfilage du Gore-Tex en express et je repars. Je suis passé sur l’autre versant de la montagne et la pluie se calme, j’en aurai eu à peine 5 minutes, maintenant il bruine, c’est moins gênant. J’ai un petit instant d’inquiétude quand je vois le message d’Arnaud sur le Whatsapp annonçant la pluie au sommet du col. Moi j’ai fini par sortir de la bruine. La route est toujours mouillée, elle le restera jusque plus bas que Val d’Isère. Je monte plus vite que ce que je ne pensais, ce qui n’était pas gagné pour une troisième journée de vélo avec une Alpe d’Huez et un Galibier dans les jambes. Le final est toujours aussi dur, mais je n’ai pas de pluie. Arrivé au sommet, il fait froid, mais pas de pluie. Comme il ne pleuvait plus, j’avais ouvert ma veste et mon maillot, là je referme tout, remonte les manchette et c’est parti pour la descente. J’envoie juste un message sur le Whatsapp pour avertir que la pluie n’est plus au sommet.
C’est glacial, comme je m’y attendais, j’y vais doucement, le GPS indique 6°C, mais avec la vitesse et l’humidité, le ressenti est bien inférieur. J’espère retrouver des températures moins froides sur Val d’Isère, mais il va falloir que je sois plus patient, c’est vrai que la station est à 1800m d’altitude. Il fait toujours aussi froid, je grelotte un peu de temps en temps. Val d’Isère est derrière moi, pourvu que ça se réchauffe enfin. D’ici là, il va falloir passer par les tunnels, un copain y est passé il y a 48h et m’a qualifié ça de passage gravel dans un message. En fait, ça secoue un peu, mais le bitume n’est pas si mauvais que ce que je craignais suite au message. Il a prévu de venir me voir demain, je lui dirai que ce n’est pas ça le gravel.
Enfin je me réchauffe, il ne fait forcément beaucoup plus chaud, mais j’ai fini par sécher ce qui y fait beaucoup. J’arrive à l’entrée de Séez et retrouve mes amis Damien et Isabelle sur le parking comme prévu. Je suis super content de les voir (et pas que pour le pain et le fromage qu’ils me donnent). On discute un peu, je passe le message à Damien de remercier tous les copains de l’Arboteam pour les messages d’encouragements que je reçois depuis le départ. J’ai rappelé mon gite pour obtenir l’adresse, mes amis décident de m’y suivre en voiture.
J’arrive au gite et mes hôtes s’étonnent de ne pas voir Hervé avec moi. Il y a eu une petite incompréhension et pour eux, Hervé était toujours sur la route. Comme la chambre ne dispose que d’un lit, cela explique la petite gêne que j’avais perçu lors de mon appel. Je me pose à table et mange un bon morceau de pain et de fromage pendant que je discute avec Matthieu et Emmanuelle mes hôtes du jour. Ensuite, ce sera la douche et une bonne nuit de sommeil car l’étape a été exigeante…
Bourg-Saint-Maurice – Doussard
Après mon arrivée tardive d’hier soir, je m’offre une grasse matinée ce matin, départ à 7h20. J’ai prévu d’aller jusqu’à Doussard ce qui fait une étape plus courte qu’hier, mais également une étape avec moins de dénivelé. Ce ne sera pas plat pour autant, il y a quand même le Cormet de Roselend, le col des Saisies et le col de la Colombière pour finir. Je rediscute avec Matthieu et Emmanuelle en prenant mon petit-déjeuner (je finis mon pain et mon fromage, dont du bleu de Bonneval, c’est très bon), et je promets de les informer lorsque je serai arrivé au bout de mon aventure. Merci Matthieu et Emmanuelle !
Comme la veille, j’ai quelques kilomètres d’échauffement avant de commencer la montée du Cormet de Roselend. Je sais que la montée est longue, mais pas trop dure, je m’en rappelle du Tour du Mont-Blanc où elle est l’avant-dernière du parcours. Il faut sortir de la première partie en forêt pour profiter des paysages. Les jambes répondent encore présentes malgré l’accumulation des efforts. Je vais faire une partie de la montée avec un concurrent engagé sur le 1000km, les kilomètres passent plus vite quand on discute et le sommet arrive. Mon compagnon de route s’arrête auprès du commerçant qui vent de la charcuterie au sommet. Je décide de basculer dans la descente, je sais que nous ne traversons pas Beaufort avant de partir sur le col des Saisies, pour ne pas perdre de temps, je décide de faire une pause ravitaillement au refuge qui est un peu plus haut que le lac.
Je vois passer mon compagnon de route et une paire d’autres concurrents pendant que je déguste un chocolat chaud et une tarte aux noix. Cette pause m’a fait du bien et je continue ma descente vers le pied du col des Saisies. Nous montons par Hauteluce qui est une route secondaire plus tranquille mais que je trouve assez longue, c’est déjà l’impression que j’avais eu lors du Tour du Mont-Blanc. A nouveau je retrouve des concurrents et toujours en discutant, les kilomètres défilent. Arrivé au sommet, je trouve qu’il est un peu tôt pour m’arrêter déjeuner, je bascule donc dans la descente. Finalement, la faim va faire son apparition dans la descente, j’hésite à attendre Flumet et le pied de la remontée sur Megève. Finalement je vais me décider en apercevant un maillot du Team de Lux assis en terrasse alors que je traverse Notre-Dame-de-Bellecombe. C’est Miguel que je n’ai pas vu depuis Malaucène qui déjeune, je le rejoint et commande une omelette comme lui.
On discute de nos progressions respectives jour par jour, de nos sensations. Miguel repart quand mon omelette arrive, je vais ensuite prendre un dessert en prévision du col de la Colombière et de son approche qui est encore longue. Le ventre plein, la descente continue, mais il faut rapidement remonter en direction de Praz-sur-Arly. C’est une route que je connais bien pour l’avoir faite à plusieurs reprises, notamment sur Lyon – Mont-Blanc. Ce n’est pas trop dur, mais ça peur être usant, aujourd’hui ça passe bien, même s’il fait chaud et qu’il y a un peu de circulation. Petite inquiétude car j’ai un craquement qui est apparu au niveau de mon pédalier, à chaque tour de manivelle.
La chaleur et la circulation vont s’accentuer dans la descente sur Cluses. C’est l’entrée de la ville que je retrouve un copain, Sylvain. Il est venu me saluer et faire quelques kilomètres avec moi. Nous allons monter la Colombière par deux routes différentes, lui par Romme, moi par la route normale et nous retrouver entre Le Reposoir et le sommet, en fonction de nos progressions respectives. Nous nous tiendrons informés de nos progressions respectives par messages.
Dans le pied du col, je vais retrouver Phil avec qui j’avais fini la montée des gorges de la Bourne. Nous allons discuter et partager une pause auprès d’une fontaine. Ça tombe bien, je cherche à remplir mes bidons depuis Megève sans succès. Ça monte bien, mais je sais que ce n’est que le prélude. Les jambes se font lourdes, la montée va être longue. J’arrive au Reposoir et j’en informe Sylvain. Je trouve à nouveau une fontaine et remplis à nouveau mes bidons.
Le pire du col commence maintenant, ça va être un calvaire, pas au niveau du Ventoux, mais dur quand même. Les variations de pentes à la sortie du village finissent de me couper les jambes. J’avance, mais c’est dur, j’ai retrouvé un compagnon de route, nous allons faire quelques kilomètres ensemble, jusqu’à ce qu’on aperçoive le sommet. La vue sur le sommet, encore distant de quelques kilomètres, fini de m’achever moralement. Je fais une pause pour récupérer, j’informe Sylvain de la distance qu’il me reste à parcourir jusqu’au sommet, mais pas de réponse. Je suis surpris qu’il ne m’ait pas encore rejoint car je me traine.
Jusqu’au sommet, je vais faire une pause tous les kilomètres, Sylvain me rejoindra juste avant le sommet. J’aperçois Miguel qui déguste une glace et bois un coup, et comme ce midi, je vais l’imiter. Il reste un peu de distance jusqu’à Doussard, mais dans ma tête j’en ai fini avec les Alpes, parfaitement en ligne avec mon plan de route. J’en profite pour répondre à un message Whatsapp sur le groupe Cyclosportissimo. Bridou nous a dit qu’il était à Doussard avec quelques outils si nous avions un soucis mécanique et qu’il pourrai regarder. Je l’informe donc de mon craquement dans le pédalier.
Je suis en train de manger une glace et boire un soda avec Sylvain quand je vois arriver Sergio qui en duo avec Michel sur le 1000km. Ils sont à la lutte avec un duo italien pour la deuxième place. Sergio commande rapidement quelque chose pour Michel et lui. A peine Michel arrivé, il avale son soda et les voilà partis, quelques secondes derrière les italiens. Je me dis que si je peux les aider, je vais le faire. Avec Sylvain nous basculons dans la descente, mais les 30 secondes de retard au départ ne seront jamais bouchées.
Nous nous relevons et continuons à une allure plus tranquille. Sylvain connait le secteur comme sa poche et m’avertit à la moindre bosse. Nous finissons par rejoindre les bords du lac et la piste cyclable, Doussard n’est plus très loin. Nous y arrivons quelques instants après Sergio et Michel qui ont réussi à accrocher la deuxième place. Il y a d’autres finishers du 1000km qui en terminent également. Bridou est là parmi les bénévoles et prends des photos des arrivants quand il n’est pas occupé ailleurs.
Il a le temps de jeter un œil à mon pédalier, et me dit qu’il n’a pas les outils avec lui, mais que ce n’est rien de grave, je peux continuer sans craintes. Merci Bridou ! Vanessa et Miss Coco sont là parmi les bénévoles, ça fait plaisir de les voir. Vanessa me réchauffe mon assiette et me l’apporte, ça fait du bien de manger. Il n’est pas encore trop tard, mais dans ma tête, je m’en tiens à mon plan de route qui est de faire une coupure et de ne repartir que demain.
Il y a des lits de camps pour passer la nuit, par contre, rien pour prendre une douche c’est un peu dommage. Je vais retrouver Guillaume qui en termine avec le 1000km, bravo à lui ! Guillaume et Anthony vont arriver également et nous allons décider d’aller manger à la pizzeria du village.
On se raconte nos dernières 24h, comment chacun a passé l’Iseran, où on a dormi. Il s’avère que j’ai eu beaucoup de chances car nombreux sont ceux qui ont eu plus de pluie que moi, à la montée ou à la descente du point culminant du parcours. On se projette également sur demain, j’ai prévu de partir à 5h, à voir en fonction de la météo car la pluie est annoncée aux aurores. Eux espèrent partir un peu plus tôt, certainement 4h. Mon objectif sera d’atteindre Gueugnon pour dormir chez Bruno, ce qui va faire une grosse étape avec un final pas simple dans le Charolais. Mais ce sera pour demain, là il est temps de dormir.
Doussard – Gueugnon
Le réveil sonne pour un départ à 5h, mais je vais rapidement retourner me coucher, il pleut à seau, et l’accalmie est annoncée par toutes les applications vers 8h. Bon, ça ne m’arrange pas car l’étape du jour est longue, plus de 300km jusqu’à Gueugnon, et ça va me faire finir tard. Je préfère couper tôt le soir, entre 20h et 22h et repartir très tôt, vers 2h ou 3h, mais je m’adapte et retourne sur mon lit de camp pour prolonger ma nuit de quelques heures.
Je suis debout vers 7h à attendre l’accalmie, il ne s’agissait pas de la louper si elle arrivait en avance. Elle n’arrivera pas en avance, mais dès que la pluie faiblira, je serai sur mon vélo. Je pars donc vers 8h et le temps que je rejoigne le pied de la montée du col de Leschaux, la pluie s’est arrêtée.
J’ai dépassé un autre concurrent juste avant le pied de la montée et il me rejoint alors que je fais une courte pause pour vérifier quelque chose sur mon vélo. Je repars avec lui et nous discutons. Il n’a pas une grande expérience des ultra en vélo, mais beaucoup plus en trail puisqu’il a déjà bouclé le Marathon des Sables.
Le ciel est gris, la route humide, mais il ne pleut plus. On dirait que cette humidité à fait du bien à mon vélo car mon pédalier ne craque plus. Vu ce que m’avait dit Bridou, je n’étais pas inquiet, mais si j’avais du supporté ce craquement encore 5j, je pense que ça m’aurait profondément agacé.
La montée se passe bien, mais ceux qui ont dû passer au petit matin sous la pluie n’ont pas dû avoir chaud, je pense à Guillaume et Anthony. Après avoir discuté un moment avec Pierre, j’ai fini la montée à mon rythme qui était un peu plus rapide que le sien. Je bascule en direction d’Aix-les-Bains, la descente est fraiche, mais le ciel semble s’éclaircir. Je vais retrouver le soleil à l’approche de la ville. Je décide de faire une pause pour me ravitailler, ça tombe bien, il y a une boulangerie, et 2 vélos stationnés devant. C’est un duo engagés sur l’épreuve, sous le nom Les Cuiss’hards. Ils s’apprêtent à repartir quand moi je m’installe pour manger un morceau.
Une part de pizza et un dessert plus tard, me revoilà sur la route. Il faut contourner le Lac du Bourget pour ensuite gravir le col du chat. Je craignais la circulation dans ce secteur, mais c’est calme, tant mieux. J’attaque la montée du col du chat, tranquillement, à mon allure. Je me fais dépasser par un cyclo, mais en suivant l’itinéraire, je vais faire une montée plus courte que lui, et il va me dépasser une seconde fois. A l’approche du sommet, je rejoins 2 cyclos, je pensais que c’était mon duo de tout à l’heure, mais non, c’en est un autre Les Clébards de la route.
Nous allons rouler ensemble un moment, à partir de Yenne nous allons même nous retrouver à 4 puisque Alain est venu au-devant de moi. J’avais reconnu son allure avant que nous ne le rejoignions. Pierre est également avec nous et nous avançons tous les 5 pour traverser le Bugey. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la traversée n’est pas la plus simple qui soit car nous devons remonter au lac d’Ambléon. Il fait bon et l’heure défile, nous commençons à chercher un endroit où manger mais il n’y a pas grand-chose dans le secteur. Même les autochtones à qui nous posons la question ne sont pas en mesure de nous renseigner. Alors que nous sommes en train de chercher, nous croisons Anthony qui cherche d’urgence un champ de maïs.
Petite frayeur dans la descente où le parcours emprunte une route qui part droit dans un virage et que personne ne voit. On choisit de rester sur la route principale un peu plus longue. Passé le lac d’Ambléon, on bascule et je sais que je pourrais me ravitailler à Montalieu qui est un bourg d’une certain importance. Alors que nous nous résignions à patienter jusque-là, une terrasse de restaurant attire notre attention. Malheureusement, il est trop tard, ils ne servent plus. Pierre s’est déjà posé en terrasse et prend son temps pour repartir. Nous repartons sans trainer.
Nous avons maintenant Clément qui roule avec nous, et qui lui aussi cherche à manger. Il va filer tout droit, tout comme le duo tandis qu’Alain et moi optons pour un arrêt dans Montalieu. Nous trouvons une boulangerie et nous nous posons en terrasse pour manger un morceau. J’en profite également pour passer à la pharmacie acheter des pansements Compeed, je commence à avoir des irritations à la base de la paume de la main. Je ne vais pas me plaindre, de nombreux concurrents souffrent du même problème mais à la selle, ce qui est beaucoup plus gênant.
La pause repas terminée, je repars avec toujours Alain qui m’accompagne. Nous filons en direction de Lyon, mais là-aussi, l’approche n’est pas la plus aisée qui soit. Les kilomètres défilent et nous retrouvons Pierre. On se raconte nos pauses repas respectives. Effectivement, le restaurant où il s’était attablé ne servait plus, il a donc du repartir sans manger, jusqu’à ce qu’il croise un cyclo un peu plus loin et lui pose la question. Le cyclo en question venait de partir et lui a proposé de passer chez lui et l’a dépanné d’un morceau de pain et de quelques rondelles de saucisson.
Lyon approche maintenant à grand-pas, mais il reste encore pas mal de kilomètres à parcourir pour rejoindre Gueugnon. Nous avons rejoint Guillaume, il nous raconte que partir à 4h du matin n’était pas une bonne idée. Avec Anthony ils ont dû s’arrêter sous un abribus en montant le col de Leschaux et se blottir dans leurs couvertures de survie pour se réchauffer. Au niveau de Montluel, Alain continue sur Lyon en nous souhaitant bonne route. Pour nous, ça va être cap au Nord en longeant la Saône, mais nous allons commencer par une pause glace à Trévoux pour reprendre de l’énergie.
La remise en route est un peu difficile sur cette route plus vallonnée qu’il n’y parait, comme en témoigne le tracteur et sa remorque de ballots de paille qui nous ralentit dans les descentes et nous lâche dans les montées. Pierre a réussi à le dépasser, mais Guillaume et moi sommes coincés derrière. Au cours de la discussion, on se demande ce qui se passerai si un des ballots de paille se détachait… Finalement, l’itinéraire du tracteur et le nôtre se séparent, enfin.
Nous avons maintenant traversé la Saône et continuons à remonter au Nord au pied des vignobles. Chacun expose ses plans pour la nuit, pour moi l’objectif est clair : Gueugnon, pour Pierre et Guillaume, rien n’est décidé pour le moment. Au fil des kilomètres, l’idée de dormir dans du dur plutôt que bivouaquer fait son chemin dans leurs esprits. La fatigue commence à faire son effet et nos allures différent et les envie de pause sont fréquentes.
Une première pause pour nous regrouper et nous demander comment nous allons manger ce soir, puis une autre un peu plus loin, La Roche Vineuse, où nous retrouvons Thierry qui a profité d’un distributeur automatique pour s’alimenter. Nous repartons tous les 4 avec Gueugnon comme objectif commun. J’avais appelé Bruno peu avant pour l’informer que j’avançais moins vite que prévu et que j’allais donc arriver très tard. Et aussi que j’avais 2 copains avec moi qui profiteraient bien d’un bout de garage pour dormir.
Nous avons dû faire une troisième pause à cause d’un accident de la route. En arrivant sur place, nous avons craint qu’un autre participant n’en ait été victime, heureusement, ce n’est pas le cas. Les secours ont été prévenus, pas de personnes en danger, la zone est sécurisée, nous pouvons continuer notre route.
J’avais repéré ce tronçon au mois de mai, je savais qu’il était usant. C’est toujours le cas, une succession de bosses et de descentes, pas forcément trop longues pas trop raides non plus, mais ça n’arrête pas. Chacun roule à son rythme, on aperçoit les lumières des uns et des autres devant. Je passe un coup de téléphone à ma famille, ça me permet d’oublier que je dois pédaler, même si on ne parle que de vélo. Charolles est enfin là, un copain avait prévu d’être là pour nous encourager, mais un changement dans son emploi du temps l’a obligé à s’absenter. Tant pis, maintenant Gueugnon n’est plus si loin, mais qu’est-ce que ça va être long pour y arriver.
Le parcours est un peu moins usant, mais toujours pas plat, et surtout la route que nous prenons n’est pas la plus directe. La lumière de Thierry que nous apercevions devant nous avant Charolles a disparu, a-t-il pris du champ ou s’est-il arrêté ? A la place, nous apercevons deux autres lumières, on fait l’hypothèse que ce sont celles des Clébards de la route.
Une voiture ralenti en passant à notre hauteur et nous crie quelque-chose. On met un peu de temps à comprendre qu’il a prononcé le mot « Vache ». Effectivement, quelques hectomètres plus loin, des vaches sont sorties d’un champ et se promènent sur la route. Nous passons au ralenti pour ne pas les effrayer.
Enfin, les lumières de Gueugnon apparaissent au loin. Il était temps, l’envie de dormir commençait à nous rattraper. On jette un coup d’œil sur le téléphone pour nous guider jusque chez Bruno qui nous a attendu malgré les travaux en cours dans la maison. Le repas est copieux, il nous faut bien ça pour reprendre des forces, la douche fait beaucoup de bien également. Pierre et Guillaume pourront dormir sur un vrai matelas. Merci Bruno pour l’accueil !
Gueugnon – Blois
La nuit chez Bruno a fait du bien. Je retrouve Pierre et Guillaume pour le petit-déjeuner, eux aussi ont apprécié le confort d’un vrai lit plutôt qu’un bivouac. On prend des forces et on remercie Bruno, Guillaume plaisante en disant que le seul défaut, c’est qu’il ait habité à Gueugnon plutôt qu’à Charolles tant le final nous a paru long.
C’est parti pour une nouvelle journée de vélo, objectif Blois pour moi, mais déjà il va falloir sortir du Charollais, cette anomalie spatio-temporelle où les kilomètres sont plus longs qu’ailleurs et où le temps passe plus vite. Chacun roule à son rythme et je me retrouve tout seul, les bosses pour rejoindre la vallée de la Loire sont moins nombreuses et moins dures que ce que je ne craignais. Enfin, les kilomètres vont pouvoir défiler.
Je fais une pause dans une boulangerie à Gannay-sur-Loire pour quelques viennoiseries. J’indique à la boulangère qu’il y a certainement 2 autres cyclos qui vont passer peu après moi. Vu la configuration, la boulangerie est à une intersection et juste en face de la route par laquelle nous arrivons, impossible de la manquer et après environ 2h de vélo, c’est l’endroit parfait pour un ravitaillement.
Je profite de la pause pour me livrer à quelques calculs relatifs à ma progression. Avec un départ à 7h30 et en regardant l’allure à laquelle j’avance, je devrais être à Nevers vers midi, parfait pour la pause déjeuner.
Je reprends ma route, je pensais voir arriver Pierre et Guillaume, mais ils ont du avancer moins rapidement que ce que je ne pensais. Je passe à Décize, j’y ai quelque souvenirs de passages : une nuit en mode SDF dans un hall d’immeuble sur un BRM 600 en 2011 avec Valex et Cricri puis le pique-nique en face du supermarché lorsque nous avions remonté la Loire à vélo avec mon père en 2016. J’avais oublié que le parcours quittait la vallée de la Loire pour aller gravir quelques bosses avant de rejoindre le fleuve plus loin.
Ça tire dans les jambes, mais j’avance, c’est tout ce qui compte, d’autant qu’il fait beau et que le vent est plutôt favorable. Les quelques bosses passent et j’arrive enfin sur Nevers. Je guette si je vois un endroit où m’arrêter. Pas de boulangerie, rien qui ne m’inspire vraiment. Je revois la scène du BRM400 de 2018 où nous cherchions désespérément un café et une boulangerie le dimanche matin. Cela s’était fini piteusement au distributeur de la gare SNCF entre un individu dont nous ne savions pas s’il était agent SNCF ou SDF et une femme qui nous faisait penser à une prostituée.
Finalement, j’ai réussi à trouver un restaurant qui m’inspire sur la place et je suis en train de manger un burger quand Pierre me rejoint. Nous allons manger en repartir ensemble. En sortant de Nevers, il y a de nouveau quelques bosses. C’est dans l’une d’elle, du côté de Pougues-les-Eaux que nous allons retrouver Guillaume, il a profité d’une supérette pour s’acheter à manger. A nouveau, chacun va reprendre son rythme et je me retrouve à nouveau seul.
Je m’offre une petite séance de jardinage à Cosne-sur-Loire où la trace me renvoie sur un sens unique le long des quais. Nous nous sommes un peu écarté de la Loire et longeons le canal latéral à celle-ci. Je suis content de mon rythme de progression, même si je viens de me faire doubler par un cyclo revêtu de la tenue Saint-Michel-Auber, nous ne jouons pas dans la même catégorie.
A Bonny-sur-Loire, je retrouve ma mère, ma belle-sœur, mon neveu et ma nièce qui sont venus me faire la surprise. Auxerre n’étant qu’à 55km, ils ont fait le déplacement. Mon neveu est fasciné par les prolongateurs de mon vélo. La pause n’est pas très longue, mais ça fait du bien de les voir. D’autant que ma mère ne m’avait pas dit qu’elle ne viendrait pas seule.
En repartant, j’ai retrouvé Pierre le long de la Loire. Je me rappelle du BRM 600 de 2018 où nous étions sur le même itinéraire. Cette fois encore, pas le temps de faire une pause pour admirer le pont-canal de Briare, ni la ville de Gien. C’est d’ailleurs dans cette ville que nous avions une copieuse pause goûter en 2018, et Pierre s’arrête pour acheter du ravitaillement, moi je décide de continuer et m’arrêter un peu plus loin.
Il y a un espace sur le bord de la route, je décide de m’y arrêter. Je ne suis pas seul, je retrouve Thierry. Il porte toujours son impressionnant bandage qui lui maintient la tête. Il a des soucis de cervicale et ce bandage lui permet de continuer à rouler. Nous partageons la pause.
Le parcours s’écarte maintenant de la Loire pour couper à travers la Sologne. Quand on a les jambes, et un bon vent dans le dos, c’est parfait pour avancer à bonne allure. Mais la journée commence à être longue, et mon allure va faiblir au fur et à mesure.
Je roule seul dans la forêt quand une voiture arrive en face et ralenti à ma hauteur, le chauffeur me crie quelque-chose du genre : « Bravo, c’est super ce que vous faites ! ». Quand la forme décline, les encouragements, ça fait toujours du bien. Quelques instants après, la voiture se porte à ma hauteur et nous discutons quelques instants. Grace à l’application de suivi, ce cyclo du coin est venu nous encourager. Merci Christophe pour tes encouragements.
Avec mon allure qui décline, j’ai été rejoint par Thierry qui était un peu derrière. Il commence à regretter d’avoir demandé qu’on lui réserve une chambre à Blois, ça lui semble loin et nous venons de passer devant un hôtel qui lui faisait envie. Les longues lignes droites en forêt qui se succèdent depuis un moment sont assez dures pour le moral. Enfin, Chambord est là, je sais que nous ne sommes plus qu’à 15km de mon lit, et donc de Blois.
Qu’est-ce qu’ils vont être longs ces 15km, j’ai l’impression de ne plus avancer du tout. Thierry a d’ailleurs filé devant. Enfin j’arrive dans la ville, j’ai repéré un hôtel qui avait encore de le place via une application. Il faut que je trouve la gare, mais ne vois aucune indication. Je finis par demander, les jeunes qui me renseignent n’ont pas l’air de savoir mieux que moi où elle est tant je trouve leurs explications peu claires.
A force de tourner, de monter dans la ville (oui, surprise, il y a une ville haute à Blois), j’arrive devant l’hôtel. Je rentre pour apprendre qu’il est complet. Ils me disent qu’il reste de la place au Novotel, vu que c’est pour dormir 4h grand maximum j’écarte cette possibilité, ou à l’Ibis Budget mais il ne faut pas trainer, il ne reste plus qu’une chambre. Celui-là, je sais où il est, je suis passé devant en venant. J’arrive à temps pour la dernière chambre.
En montant dans ma chambre, je vois que l’hôtel propose des pizzas. Je redescends et demande au gardien qui m’a accueilli si c’est possible d’en avoir une. Pas de problème, il faut juste que je sois patient, les fours étant froid, il faut le temps qu’ils réchauffent. Je règle ma pizza et lui m’appelle dès qu’elle est prête.
Le temps de prendre ma douche, envoyer quelques messages, et ma pizza frappe à la porte. Merci au réceptionniste de nuit de me l’avoir montée jusque dans ma chambre. Plus qu’à manger et à dormir, il est déjà minuit, la nuit va encore être courte.
Blois – Fougères
Encore un réveil matinal, mais je commence à trouver le rythme qui me convient le mieux. Je préfère m’arrêter pas trop tard le soir et repartir le lendemain bien avant l’aurore. Ce matin ce sera départ à 5h30, je récupère mon vélo auprès du gardien et c’est parti. J’ai moins de problème pour retrouver la trace ce matin en partant qu’à trouver mon hôtel hier soir en arrivant.
L’étape s’annonce longue, une nouvelle fois, et surtout, nous devrions avoir le vent contre nous une bonne partie de la journée. A part ça, le temps est toujours au beau. Peu après la sortie de Blois, je vois un cycliste émerger d’un chemin forestier à gauche de la route. C’est Guillaume qui s’apprête à repartir après son bivouac. Comme souvent, il a préféré prolonger plus tard hier soir et repartir un peu plus tard ce matin.
Alors que nous nous racontons nos journées d’hier, les kilomètres défilent et l’appétit commence à se manifester. Il est l’heure de chasser la boulangerie, nous allons en trouver une quelques kilomètres plus loin, en traversant Saint-Amant-Longpré. On discute de la météo, lui comme moi espérons que le vent se lèvera le plus tard possible.
Depuis Blois, nous avons quitté la vallée de la Loire et longeons maintenant celle du Loir. Nous allons la suivre un bon moment en direction de l’Ouest avant de repartir en direction du Nord-Ouest. Nous apercevons 2 cyclos devant nous. Petit à petit, nous allons les rejoindre. Il s’agit de Pascal et d’un copain à lui. Pascal est sur ses terres, nous discutons un peu avant de continuer à notre allure.
Le vent a commencé à se lever et nous gêne dans notre progression. Nous espérons qu’il sera moins gênant quand nous aurons commencer à repiquer au Nord, mais pour l’instant nous devons apprendre à composer avec. Nous roulons souvent côte à côte, le règlement interdit à rouler ensemble et donc s’abriter dans la roue d’un autre concurrent. Nous faisons une pause dans un café à Vaas, on commence à se dire que la journée va être longue. Nous voyons passer Pascal et son collègue.
Nous repartons après avoir repris quelques forces. Le vent ne souffle pas si fort que ça, mais c’est en continu et très usant. En repartant, je dis en plaisantant que dans quelques kilomètres nous serons à l’abri dans la forêt. Ce qui va s’avérer exact par le plus grand des hasards.
Nous refaisons une pause un peu plus tard, en traversant Le Lude. Guillaume cherche une pharmacie, il souffre des genoux, une tendinopathie. Le conseil du pharmacien est de faire moins de vélo et de se reposer, ce qui n’est pas vraiment le programme qui nous attend pour, au moins, les prochaines 48h.
Nous avons maintenant quitté la vallée du Loir, mais le vent nous accompagne toujours. Nous avons bon espoir, car la trace va bientôt repiquer en direction du Nord. Le vent ne devrait plus être complètement défavorable, seulement de 3/4, c’est toujours ça de pris.
Le changement d’orientation du parcours a enfin lieu, mais le vent est toujours aussi défavorable. Enfin, les kilomètres défilent, c’est toujours ça. Nous avons rejoint Pascal et sommes tous les 3 en recherche d’un endroit pour nous arrêter le midi pour nous ravitailler. La boulangerie et la place de Bazouges-sur-le-Loir seront parfaites pour la pause déjeuner. On discute et on se plaint du vent, mais sinon, tout va bien.
Nous repartons pour continuer notre progression en direction de la côte que nous espérons atteindre ce soir. Guillaume et moi continuons à rouler ensemble. Le vent commence à toucher notre moral. Et je vais recevoir un autre coup au moral. Je regarde l’estimation du kilométrage restant jusqu’au Mont-Saint-Michel, le chiffre est encourageant. Sauf que Guillaume n’a pas du tout la même estimation, il y a 40km de plus pour lui.
Je ne comprends pas d’où viens cet écart, je recharge ma trace sur le GPS, toujours le même résultat chez moi. Pourtant, il semble sûr de son coup, et après un calcul de tête, il me semble avoir raison. Je commence à faire défiler ma trace sur l’écran pour essayer de comprendre. A un certain moment, le guidage utilisé pour calculer la distance ne suit plus la trace mais tire en ligne droite. Bizarre, c’est la première fois que je vois mon GPS me faire ça, pourtant je lui ai déjà fait charger des traces plus longues que ça.
Il me faut une pause pour digérer ce petit coup au moral. Ça tombe bien, il y a un petit parc à la sortie de Saint-Michel-de-Feins. Je commence à envisager un plan B, raccourcir l’étape du jour, repartir demain matin de bonne heure avant que le vent ne se lève. Rejoindre la côte au plus tôt pour ensuite profiter du vent quand il se lèvera. Je commence à regarder les hôtels sur Fougères.
Nous repartons en direction de Chateau-Gontier. C’est la grande ville pour aujourd’hui, nous avons été sur des routes tranquilles toute la journée et ne sommes passés que par des villages. On hésite un peu sur la route à suivre, ce qui agace la voiture qui nous suit qui commence à klaxonner. Avec la fatigue, je lui répondrai par un geste peu courtois. Guillaume qui était un peu devant moi aura la même réaction en se faisant klaxonner à son tour.
J’ai repris un peu de champ sur le relief qui se fait plus accidenté. J’ai rejoint un cyclo du coin avec qui je discute. Le niveau des bidons commence à être bas, il est temps de trouver une fontaine. Le cyclo ne sait pas où il y aurait de quoi refaire les niveaux. Finalement, je serai sauvé par des toilettes publiques à Cosmes. Guillaume arrive à son tour, puis c’est Pierre qui nous rejoint. Après avoir rempli nos bidons, nous repartons tous les trois.
L’objectif et de manger à Fougères ce soir, pour moi, ce sera aussi l’endroit où je ferai étape, j’ai trouvé un hôtel et réservé une chambre. Pierre et Guillaume, eux vont continuer plus loin, comme chaque soir.
Le relief se fait plus accidenté, nous sommes en Bretagne. En discutant, on pense moins au vent qui a épuisé nos forces tout au long de la journée. Malgré la fatigue et l’accumulation d’efforts, c’est déjà le 7ème jour sur le vélo, nous passons les bosses décemment. Mais on se demande quand même à quel moment nous allons finir par voir Fougères. Enfin nous basculons sur la ville. Je vais perdre les roues de Pierre et Guillaume dès l’entrée de la ville sans avoir le temps de les saluer et leur souhaiter bonne route.
Je vais ensuite m’offrir une petite séance de jardinage pour rejoindre mon hôte, l’application de guidage ayant décidé de me faire passer un chemin, je vais passer en mettant pied à terre pour éviter une chute bête ou une crevaison.
Arrivée à l’hôtel, je ne dois pas être le premier à passer car la réceptionniste me parle de cyclisme ultra-distance et de Race Across America comme si c’était mon prochain objectif. Pour l’instant, mes prochains objectifs sont, dans l’ordre : prendre une douche, manger et dormir.
Pendant le repas, j’aurai un appel de Phil, un copain de Cyclosportissimo qui revient de la 3 Peaks. C’est bien sympa d’avoir pu discuter avec lui. Quand il me raconte la météo qu’il a eu, je me dis que nous sommes vraiment vernis…
Fougères – Bolbec
Toujours pas de grasse matinée, mais dans 2 jours ce sera autorisé vu la distance qu’il me reste à parcourir. Premier objectif du jour, rejoindre le Mont Saint-Michel, ensuite, ce sera la côte Normande pour atteindre Bolbec où j’ai prévu de passer ma dernière nuit.
Je rejoins la trace sans problème et me voilà parti plein Nord. Le profil est plutôt légèrement descendant, il n’y a pas de vent, j’avance bien, même un peu trop vite pour voir le Mont Saint-Michel. Il fait encore nuit noire quand j’arrive à proximité. Je distingue vaguement une masse, mais je n’en verrai rien, petite déception mais qui ne dure pas. Je me reconcentre sur ma route, il y a des lapins sur la piste cyclable, ce serait dommage de tomber si près du but.
J’ai droit à quelques gouttes de pluie alors que j’approche d’Avranches. Une boulangerie sur la droite de la route me tend les bras, je ressors avec un copieux petit-déjeuner que je commence à avaler sur place. La pluie arrive, je décide de chercher un abri pour finir de manger tranquillement. En passant, j’aperçois Thierry dans un sas de banque, il est en train de remballer ses affaires, on se fait signe et repars en direction du centre-ville. Il y a des abribus, c’est parfait pour finir mon petit-déjeuner. Il y a même des toilettes publiques, ça tombe bien, j’avais besoin d’y faire un passage.
J’ai vu passer Thierry pendant que je mangeais mes viennoiseries, mais lui ne m’a pas vu quand je lui ai fait signe. Je repars, la pluie ne dure pas et le jour finit de se lever. Je coupe la presqu’ile du Cotentin pour me diriger vers Isigny où je vais arriver sous le soleil et avec un petit vent dans le dos pas désagréable.
La mer est vraiment proche mais il faut vraiment attendre de descendre vers les plages du débarquement, Omaha Beach, pour la découvrir. Je discute avec un cyclo du coin pendant quelques instants. Il n’est pas encore très tard, mais l’envie de manger est là, une cabane à proximité d’un restaurant propose des saucisses frites qui me font bien envie. Ce sera mon déjeuner du jour. Pendant que j’attends ma commande, je vais voir arriver Pierre, puis Guillaume qui vont me rejoindre pour le repas.
Comme à chaque retrouvailles, on se raconte nos aventures de la fin de journée de la veille et de la matinée du jour. Après une glace, nous repartons de concert avec, comme à chaque fois, des objectifs différents. Pour Guillaume et Pierre rouler autant qu’ils peuvent jusqu’à trouver un endroit où dormir et pour moi Bolbec ou la ville suivante où j’ai repéré un hôtel. Les kilomètres faits aujourd’hui ne seront plus à faire demain pour le final. Comme la progression a été bonne jusque-là, j’envisage de prolonger un peu mon étape au-delà de Bolbec, j’ai repéré un hôtel à Fauville-en-Caux.
Il y a quelques petites bosses que chacun va passer à sa main, enfin, il y a aussi un ou deux bons raidards sur les pistes cyclables, du 15% ou plus pour rejoindre des points de vue. Ça fait mal aux jambes, mais ça passe. Le groupe de messagerie nous informe qu’il y a des bénévoles qui offrent le café vers Pegasus Bridge. Un copain a essayé de me trouver un hébergement chez un pote à lui sur Bolbec, mais le pote en question a déménagé, pas grave, il y a plusieurs hôtels sur Bolbec. Il essaye de me distraire en m’envoyant la chanson « Courseulle-sur-mer » d’Oldelaf.
Le début d’après-midi est un peu dur, je dois attendre le café avec impatience. Nous nous sommes regroupés sur la piste cyclable qui nous conduit à Pegasus Bridge, le ciel est à nouveau couvert, mais il ne pleut pas. Nous arrivons à Pegasus Bridge où un couple de cyclo du coin nous attend et nous offre le café. Évidemment, on discute vélo, matériel et équipement pour l’épreuve, en buvant le café. Leur enthousiasme fait plaisir à voir.
Au moment de repartir, je m’aperçois que mon pneu arrière est à plat. Guillaume et Pierre repartent pendant que je répare avec l’aide du couple qui nous a offert le café. Pegasus Bridge s’est levé, j’ai donc le temps de réparer tranquillement le temps que je puisse traverser. Par contre, il y a quelque chose qui m’inquiète, je n’ai plus qu’une chambre à air dans ma sacoche et un des participants a parlé sur le fil de la messagerie d’un grand nombre de crevaisons qu’il a subi dans le final. J’ai peur qu’une chambre à air ne suffise pas, je vais donc guetter les magasins de cycle pour racheter 2 chambres à air.
La circulation se fait plus dense, je dois contourner une rue barrée dans une ville au prix d’un nouveau raidard gratuit, il y a une nouvelle rampe pour sortir de la ville. Il faut être vigilant avec la circulation, mais sinon, les routes sont plutôt agréables. J’arrive à Deauville, une boutique de cycle sur ma droite, je m’arrête. Je demande des chambres à air pour des roues de 700, pneumatique de section 25 et valves presta. Le vendeur me regarde un peu étonné comme s’il n’avait pas compris toutes les informations puis va chercher dans ses étagères. Il revient avec 2 boites de chambre à air en me demandant si celles-ci conviennent. C’est le bon modèle, la seule chose qui ne convient pas c’est le prix, 12€05 pièce, mais je prends quand même.
Je continue sur la côte et arrive à Honfleur. J’aperçois Guillaume qui s’apprête à aller faire ses courses pour le ravitaillement de ce soir, je le rejoins et nous discutons quelques instants : les raidards, ma crevaison, le tarif prohibitif des chambres à air. Comme chaque soir ou presque, bivouac pour lui, hôtel pour moi. Je voulais tirer jusqu’à Fauville-en-Caux, mais l’hôtel était complet, je m’arrêterai donc à Bolbec où j’ai trouvé de la place. Fauville-en-Caux m’aurait permis de passer sous le seuil psychologique des 200km pour la dernière étape.
Au loin, j’aperçois le pont de Normandie dont je me rapproche. J’appréhende un peu son franchissement, le vent, la circulation, la pente. Il y a un passage sur le côté pour les vélos et les piétons, au moins, on n’a pas de péage pour le franchir. Les piétons sont séparés de la chaussée par une barrière, les vélos sont sur une piste cyclable que l’on peut qualifier de minimaliste : une bande de 50cm de large. Heureusement, un samedi en fin d’après-midi, il n’y a pas trop de circulations, et surtout pas de camions. La montée se passe bien, malgré la pente et le différentiel de vitesse (75 ou 80km/h) avec les voitures. La descente avec le vent est plus stressante, avec le vent de terre et les appels d’air des voitures qui nous doublent, il faut rester ferme sur son guidon et ne pas prendre trop de vitesse. Le pont de Normandie est désormais derrière moi, une bonne chose de faite. Après l’avoir franchi, on quitte la nationale pour une route qui longe l’estuaire de la Seine, le contraste est saisissant puisqu’il n’y a personne sur cette longue ligne droite.
Plus que quelques bosses à franchir mais Bolbec n’est plus très loin. Comme la veille à Fougères, je fais confiance à Google Maps pour me guider dans la ville, mais à nouveau il se montrera peu pertinent dans son choix d’itinéraire avec un nouveau raidard évitable pour m’y emmener.
Dernière soirée autour du vélo avec toujours le même rituel : douche, repas, repos. Demain, il ne me restera qu’un peu plus de 200km à parcourir pour rejoindre Le Touquet.
Bolbec – Le Touquet
Un dernier réveil matinal et me voilà prêt pour la dernière étape, une douche pour finir de me réveiller, une dernière ration de HolyFat en guise de petit-déjeuner (il est 2h30 du matin, il va falloir être patient pour la première boulangerie) et je récupère mon vélo auprès du veilleur de nuit de l’hôtel. Je pense à graisser ma chaine avant de repartir, il y a eu un peu de pluie hier dans la matinée, et me voilà reparti.
Le parcours est légèrement vallonné, la température est fraiche. Quand le jour va commencer à poindre, je constaterai que le temps est brumeux. Depuis quelques instants, j’aperçois une lumière devant moi dans les longues lignes droites. Je me demande qui cela peut-être, l’application de suivi pourrait me le dire, mais je laisse mon téléphone dans ma poche. Les bosses se succèdent, le jour se lève, les villages se suivent et toujours pas de boulangerie ouverte…
Je finis par rejoindre Guillaume, et nous roulons ensemble jusqu’à la première boulangerie. Le ravitaillement fait du bien, nous continuons notre route, nous savons que nous irons au bout. Guillaume me raconte sa nuit improbable, il s’est aperçu au réveil qu’il avait dormi devant une entreprise de pompes funèbres entre deux corbillards. Nous sommes maintenant dans la baie de Somme, après avoir franchi les bosses qui doivent être les points culminants de la Somme.
Une portion avec de longues lignes droites se présente devant nous, je pédale un peu machinalement. Guillaume essaye de se mettre sur les prolongateurs mais ne tient pas la position, il est pris de sommeil dès qu’il se met dans cette position.
Mon GPS me refait la blague de l’avant-veille et me donne une information erronée sur le kilométrage restant. Cette fois-ci, la surprise ne me mine pas le moral, même s’il y a un peu de vent, ça n’a rien à voir avec celui qui soufflait en Mayenne. On se rapproche doucement de l’arrivée, la certitude d’arriver au bout a fait diminuer notre motivation. Et puis le dernier pain au chocolat est loin, j’ai toujours un peu de ravitaillement pour tenir jusqu’à l’arrivée, mais Guillaume cherche où acheter à manger. Il y a toujours aussi peu de boulangerie, mais à l’approche de Saint-Valéry-sur-Somme, nous finissons par trouver une supérette.
Nous voilà reparti pour le final, toujours à allure tranquille. Jusqu’à ce qu’un groupe nous rejoigne, ce sont des cyclos qui sont partis d’Amiens pour voir l’arrivée des concurrents de la Race Across France. La discussion s’engage, il y a dans le groupe des très bons rouleurs (triathlète ou participants à la French Divide par exemple). Nous allons finir le parcours avec eux. A un moment, je me laisse décrocher du groupe pour profiter de l’instant. L’organisme se relâche, les douleurs aux épaules qui avaient disparues depuis la sortie des Alpes font leur retour, mais je ne suis pas le plus à plaindre. Pierre que nous venons de dépasser nous a expliqué qu’il avait mal partout et qu’il n’avançait plus, il n’a d’ailleurs pas réussi à prendre nos roues alors que nos allures étaient très semblables jusque-là.
Nous allons nous offrir un sprint pour passer la ligne d’arrivée, on se congratule et on se remercie, mine de rien, on s’est souvent retrouvé sur la route et toujours dans la bonne humeur. Pierre arrive à son tour, il a droit à une haie d’honneur avec toute sa famille qui est là. Arnaud est là pour nous accueillir et nous féliciter. L’objectif est rempli, malgré un début d’épreuve compliqué. Maintenant, place au repos et à la récupération…
Bilan
Le bilan positif, j’ai bouclé l’épreuve dans le temps que je m’étais fixé. Globalement, j’ai respecté le plan de route que je m’étais fixé. Les seuls écarts ont été le premier jour (j’avais prévu de m’arrêter plutôt vers Mirabel-aux-Barronies), et l’arrêt à Fougères plutôt que le secteur Mont-Saint-Michel / Avranches à cause du vent. La seule grosse erreur dans mon découpage a été le troisième jour avec une énorme trilogie : Alpe d’Huez et Sarenne puis Galibier et enfin Iseran.
Sans mes soucis d’alimentation les 24 premières heures, j’aurais peut-être pu passer l’Alpe d’Huez et réduire cette troisième journée. Cela aurait ensuite tout décalé et m’aurais fait gagner une bonne demi-journée. De même, l’arrêt très long à Doussard me coute du temps. Mais c’est sans compter sur la météo, ce jour-là Guillaume et Anthony sont partis à 5h comme j’avais prévu et ont du s’arrêter frigorifiés. Je les ai rejoints dans la journée qui a suivi. Mais sur le papier, après analyse, les 8j me paraissaient accessibles, quitte à creuser un peu le déficit de sommeil.
Je termine fatigué, mais sans blessure, juste un échauffement, limite ampoule, au niveau de la pomme de la main, une de mes petite blessure classique sur ce type d’épreuve. J’ai commencé à ressentir des débuts d’irritation au postérieur les 2 derniers jours. C’est vraisemblablement lié à la perte de poids pendant l’épreuve qui fait que le cuissard finissait par bouger légèrement. Autre source de satisfaction, ma bonne gestion des sacs de délestage que je retrouvais sur les bases de vie, j’ai pu me charger au minimum sur les 1000 premiers kilomètres.
Voici un lien vers le résumé de Guillaume avec qui j’ai partagé l’arrivée, et son bilan de l’épreuve.