Paris – Brest – Paris 2019

Préparatifs

A 48h du départ, mon vélo est prêt, j’espère que le cycliste aussi. Pour vérifier que tout est bien en place, je fais une dernière sortie. Je retrouve Cora qui inaugure son nouveau vélo, et Mathieu du VC Toucy qui court en DN2.

La sortie est tranquille, pas de soucis sur le vélo. Je suis moins rassuré par l’état de mes jambes. J’ai l’impression que ça ne tourne pas aussi bien que je le voudrais. J’essaye de ne pas focaliser là-dessus, on verra bien le jour J.

C’est la première fois que j’arrive avec aussi peu de kilomètres au départ. C’est dû à un changement dans mon approche, discuté avec mon frangin qui me fait des plans d’entrainement depuis 5 ans maintenant. Le choix a été fait de privilégier le qualitatif par rapport au nombre de kilomètres. Les brevets ont été dans des conditions plutôt difficiles, à l’exception du 200, avec le froid (300, 400 et 600), le vent (300 et 400) et la pluie (400 et 600). L’enchainement du 400 et du 600 deux week-ends de suite aura été un bon test.

J’ai fini de peaufiner ma feuille de route en me basant sur mes temps de passage d’il y a 4 ans. J’ai partagé cela avec mon père afin qu’il ait des repères dans le suivi qu’il fait depuis ma première participation en 2007. Je pars avec l’objectif de faire moins de 70h, ma feuille de route prévois 69h15. J’espère être en-dessous de ce temps de référence, j’ai même l’idée d’être proche des 65h dans un coin de ma tête, et sur un plan de route, qualifié d’optimiste, que je n’ai pas communiqué.

Le reste du groupe (Cathy & Patrick, Alain S, Bruno et Pierre) arrive chez mes parents en fin d’après-midi pour le repas et la nuit. Des instants de convivialité agréables et qui permettent d’évacuer la tension avant l’épreuve, ou du moins de ne pas y penser.

Samedi matin, après un passage rapide dans un magasin de sport pour quelques achats de dernière minute, nous montons à Rambouillet. Les indications ne sont pas très claires pour trouver la Bergerie Nationale, mais on y arrive. A peine arrivés, on nous annonce 2h d’attente pour le contrôle des vélos. Attendre 2h sous la pluie ne nous enchante guère. Entretemps, on a appris l’arrivée prochain d’Alain G à la gare. On décide d’aller le récupérer et de repasser plus tard au contrôle des vélos.

Alain G récupéré, nous mangeons dans une crêperie avant de repartir à la Bergerie Nationale. Il pleut toujours mais la file d’attente a fondu. Nos vélos sont déclarés conforme. J’en profite pour observer ceux équipés de prolongateurs car j’avais un doute sur les miens et avais apporté une modification de dernière minute. Je constate que certains dépassent légèrement les cocottes de frein, je décide donc de revenir à ma configuration initiale où l’embout qui supporte mes éclairages dépasse très légèrement.

Nous laissons nos vélos à la consigne et en profitons pour passer voir Marguerite dont le vélo des cycles Cattin est engagé au concours de machine. Des belles montures réalisées par des artisans du cycle.
Ensuite, nous allons récupérer nos dossiers avec plaque de cadre, maillot, chasuble. Le site est agréable, mais tout est beaucoup plus dispersé qu’à Saint-Quentin-en-Yvelines. J’ai l’impression de passer mon temps à marcher.

Pendant ces déambulations, j’ai l’occasion de croiser quelques copains et connaissances : Ivan, adepte des longues distances depuis un moment, Fabrizio qui s’y est mis il y un peu plus d’un an, Brigitte, une habituée des brevets de Grenoble, Jean-Philippe, qui organise les brevets de Grenoble, Laurent de Cyclosportissimo, Raoul avec qui nous avions bouclé le 400km l’an passé, Serge de l’ACBB, Nicole et Robert qui étaient en stage avec Serge et moi en début de saison.

Tout cela bouclé, nous retournons aux voitures et allons faire les courses pour le repas de ce soir puis rejoindre le gite. Je m’accorde 20 minutes de retour au calme pendant que le reste du groupe prend l’apéritif. Ensuite, ce sera pasta et dodo.

Après le petit-déjeuner, petit instant de panique pour Patrick qui a perdu sa sacoche. Après recherche et appel aux organisateurs, elle est aux objets trouvés. On finit les derniers ajustements, notamment sur les prolongateurs en ce qui me concerne. Je peux m’offrir un nouveau retour au calme de 30 minutes. Ensuite, c’est le départ pour Rambouillet.

La pluie a laissé place au vent, mais nous aurons droit à une violent averse sur la route. Tous les cyclos se sont donné rendez-vous au Flunch du coin. C’est là que nous croisons Luc, toujours avec sa randonneuse en acier et ses sacoches. Je n’ose pas lui demander s’il est venu de Dijon à vélo, il en est capable… On échange les derniers conseils entre nous et nous rejoignons la Bergerie Nationale pour le grand départ.
Pendant qu’Alain peaufine les derniers détails de son équipement, je m’offre un dernier retour au calme. Ensuite, direction de départ. Les sas ne sont pas très bien indiqués, mais nous les trouvons en suivant le flux de cyclo. L’occasion de saluer Jean-Louis de l’ASPTT qui va rejoindre Jean-Pierre dont nous apercevons le maillot de Craponne quelques rangs devant nous.

J’espérais saluer Pascal, de Cyclosportissimo et Ted, un contact Facebook qui sont dans le même sas qu’Alain et moi, mais pas moyen de nous retrouver, tant pis. Yann S vient nous saluer quand nous sommes dans la file, lui ne part que demain matin. J’aperçois Damien, un autre Cyclosportissimo qui part aussi plus tard. On avance jusqu’à la ligne de départ et plus qu’à attendre 16h15…

Rambouillet – Mortagne-au-Perche

A peine parti, ça démarre fort. C’était prévisible, malgré le vent, il faut faire attention à bien rester à l’abri. Assez rapidement, nous rejoignons un premier cyclo, il me semble reconnaitre le vélo de Fanny, un contact Facebook adepte de longues distances. Je suis surpris que nous l’ayons rejoint aussi rapidement.
J’aperçois aussi Agnès du Club des Cent Cols qui avait annoncé qu’elle viendrait nous encourager, mais trop tard pour la saluer. Ça roule à 40km/h et je suis au cœur du groupe, donc sans grande visibilité.

A un moment, je sens la cassure se faire quelques rangs devant moi. Il faut se décider rapidement, si je reste-là, le groupe va se relever et nous allons perdre du temps et prendre du vent. Je décide de faire le saut pour rejoindre le groupe devant nous avant qu’il ne prenne trop de champ. A la faveur de la descente, je mets tout à droite et appuie sur les pédales. Alain a eu la même intuition que moi et a suivi.
Il y a parfois des petites périodes de flottement, quand ceux qui sont devant en ont marre de prendre du vent et attendent qu’on les relaye. Comme ça ne doit pas se bousculer, l’allure tombe un peu. Ce sont un groupe de suédois et un groupe d’espagnols qui donnent le tempo.

Malgré l’allure, on a le temps de faire connaissance avec nos voisins, notamment cette famille, le père et ses 3 fils qui sont au départ. C’est le premier PBP pour le plus jeune. Ça a commencé par une frayeur, le père est tombé heureusement sans gravité. On a rejoint et dépassé Jean-Marie, un copain alsacien, lui aussi est tombé.

Les premiers du sas suivant nous rejoignent. Ça désorganise un peu le groupe, d’autant que nous sommes en train de dépasser certains cyclos du premier sas. L’allure s’accélère un peu et le groupe se morcèle à nouveau.

Je reconnais quelques lieux. La forêt fait son apparition, signe que nous approchons du Perche. Les premières bosses vont arriver, Longny-au-Perche, la grande courbe à gauche, puis le virage à droite et nous voilà dans du 10%. Je passe pour la première fois le petit plateau.

Encore quelques bosses et voilà Mortagne-au-Perche, un rapide coup d’œil au compteur, nous sommes aux alentours de 31km/h de moyenne. Moi qui m’étais promis d’être raisonnable au départ, ça semble mal parti. Pourtant, cette fois-ci, je n’ai pas l’impression de rouler trop fort, contrairement à il y 4 ans.
Avec Alain, nous décidons de faire une courte pause, environ 15 minutes, juste de quoi faire un passage aux toilettes, refaire les bidons et manger un morceau (taboulé pour lui et pain d’épice pour moi). Le hasard fait que Christian D, autre membre de Cyclosportissimo et parti dans le sas derrière nous, s’est arrêté à côté de nous.

Mortagne-au-Perche – Villaines-la-Juhel

La pause a eu pour effet de faire exploser les groupes. Dommage, nous étions dans un bon groupe et on ne nous demandait pas de relayer contre le vent. Toujours avec Alain, on décide de faire l’effort pour rejoindre les quelques cyclos que l’on aperçoit devant nous. Nous allons faire ça une paire de fois.
Coup de chance, nous retrouvons nos généreux rouleurs suédois et espagnols qui ont assuré le gros des relais jusqu’à Mortagne-au-Perche. Nous allons continuer avec eux. Au fil des kilomètres, peut-être aussi sous l’effet de la nuit, le groupe va se morceler.

Il y a suffisamment de monde pour que nous ne nous trouvions jamais seuls. Avec le vent qui est tombé, fini de se cacher dans les roues. On assure nos parts de relais quand nous sommes groupés.
Je ne reconnais pas le tronçon, en discutant, j’apprends qu’il a été modifié. J’avoue avoir assez peu étudié le parcours, j’ai le kilométrage des points de contrôle sur mon plan de route. Le dénivelé global ayant assez peu varié, j’ai jugé que les modifications ne changeraient pas mes estimations.

Villaines-la-Juhel n’est plus très loin. J’ai un grand cyclo en point de mire, en me rapprochant de lui, je reconnais le tatouage « Race across France » sur le mollet. J’ai retrouvé Pascal de Cyclosportissimo. Nous finissons le tronçon ensemble, en ne nous demandant si l’allure n’a pas été trop rapide au départ. Il me confirme aussi que le Genesis vert doublé peu de temps après le départ était bien celui de Fanny.

Arrivé à Villaines-la-Juhel, nous allons manger ensemble. C’est toujours le même accueil exceptionnel, avec les enfants qui portent les plateaux des cyclos jusqu’aux tables. Je prends ce qui va devenir mon menu quasi exclusif pour les 2 prochains jours : potage, riz, viande, et un dessert, souvent du riz au lait.
Au moment de repartir, Pascal est prêt un peu avant nous, et comme il est sur une base horaire plus rapide (60h), je lui dis de ne pas nous attendre.

Villaines-la-Juhel – Fougères

C’est le même scénario que lorsque nous sommes repartis de Mortagne-au-Perche, on se regroupe pour être plus efficace dans notre progression. D’abord 3, puis 4, 5, 6 jusqu’à être 8. Il y a dans le lot un lyonnais du CT Lyon. Nous avions roulé avec lui au début du brevet de 300 autour du Vercors. Il a déjà cassé sa chaine deux fois.

Nous passons des relais assez appuyés, chacun à la mesure de ses jambes du moment. Sauf l’un d’entre nous. Ça énerve toujours un peu. A un moment, un des cyclos, celui qui a organisé les passages de relais, s’agace et me demande d’accélérer. On appuie sur les pédales dans l’espoir de faire sauter le raton. Rien à faire, on est à nouveau 5 et on a perdu 3 cyclos qui passaient des relais, mais le planqué est toujours là.

Malgré la nuit, les kilomètres sont passés assez vite. On a été rejoint par un autre groupe composé principalement d’allemands. Les relais passent naturellement et nous rejoignons rapidement Fougères. Il n’y aura qu’une petite frayeur à cause d’un aménagement urbain au milieu de la chaussée que celui qui emmenait le groupe aura vu et signalé au dernier moment.

Fougères – Tinténiac

On fait la pause en mangeant avec un des cyclos du groupe, je reconnais aussi un cyclo qui était aussi sur les brevets des Grenoble. Je repars en même temps qu’Alain, mais il m’a dit de ne pas m’occuper de lui.
La sortie de Fougères se fait par une bosse. Il n’y a pas grand-chose à dire sur ce tronçon, peut-être parce que c’est le plus court du parcours. Le jour se lève, moi qui craignais d’être en manque de sommeil au départ me voilà soulagé. A aucun moment je n’ai eu sommeil. Au contrôle, je mange avec Alain, mais il me dit qu’il va faire une petite sieste. Je repars donc seul.

Tinténiac – Loudéac

Le vent a commencé à se lever, toujours d’Ouest. C’est vallonné, même si ce n’est pas le tronçon qui m’inquiète le plus.

Il va falloir former un groupe, mais ce n’est pas évident, les allures sont assez différentes. Je rejoins du monde, mais personne pour prendre ma roue et relayer. Je redoute de laisser des forces contre le vent.
A un moment, un anglais que j’avais rejoint plus tôt et que j’étais persuadé d’avoir distancé passe devant moi puis s’écarte en me demandant de passer. Je lui dis que je vais faire ce que je peux. C’est ainsi que nous allons commencer par former un petit groupe.

Je reconnais quelques lieux le long du tracé. Nous nous approchons doucement de Loudéac et le groupe est devenu plus important, une bonne dizaine d’éléments. Je reconnais la longue montée qui nous conduit jusqu’à la ville.

Je mange avec Russell, l’anglais qui m’a rejoint, et nous décidons de repartir ensemble. Il m’a peut-être pris pour un débile car j’avais du mal à comprendre son accent et je me contentais parfois de sourire quand il me disait quelque chose.

Loudéac – Carhaix

Au moment de repartir, je croise Serge, un copain de l’ACBB, lui va s’accorder une petite pause ava nt de repartir. Russell repart avec un de ses collègues. Je me retrouve seul pour aborder le tronçon que je crains le plus, les kilomètres entre Loudéac et Corlay.

Depuis le départ, je fais attention à bien gérer mon alimentation. Boire régulièrement, toujours un bidon de boisson énergétique et un bidon d’eau. Je bois toujours de l’eau après avoir bu à l’autre bidon, cela afin d’éviter la saturation du sucré. J’ai aussi opté pour des barres Mulebar dont les goûts sortent des parfums habituels et qui surtout ne sont pas trop sucrés mais aussi des barres salées.

Je suis rejoint par un des vélos du concours de machine, une belle monture des cycles Victoire. Je suis très surpris car il me dépose sur les portions plates et je le rejoins sur les parties montantes. Et c’est aussi dans les portions montantes que je rejoins des groupes alors que je n’arrive pas à les reprendre sur le plat.
J’ai rejoint le groupe dans lequel est Russell. Comme il n’est pas très grimpeur, je lui indique qu’il faut rejoindre Corlay pour sortir de la portion difficile. Corlay est maintenant derrière nous, il y a le raidard dans Saint-Nicolas-du-Pelem pour rejoindre le ravitaillement et contrôle secret. La suite sera plus facile jusqu’à Carhaix.

Russell décide de rester avec son collègue de club, nous nous souhaitons bonne route. Rapidement, je suis à nouveau dans un groupe. L’allure est bonne et nous arrivons rapidement à Carhaix. Finalement, Russell a laissé son collègue et figure dans le même groupe que moi. Je m’arrête juste avant le ravitaillement car Rozenn et David sont là à m’attendre au bord de la route. Je les salue et file au pointage et ravitaillement.

Je m’attends à les voir me rejoindre au self, mais ne les vois pas. Je leur envoie un message pour leur dire qu’ils peuvent me rejoindre, il n’y a pas tant de monde que ça. C’est un grand plaisir de les voir, le plaisir sera double car ils m’annoncent que le parcours passe dans le village des parents de Rozenn et qu’ils m’attendront demain matin. Je les préviens que je risque de passer très tôt, mais ils me disent que ce n’est pas un problème.

Carhaix – Brest

Au moment de repartir, un grain passe sur la ville. Une pluie assez forte qui ne durera pas, par précaution, j’ai quand même enfilé mon Gore-Tex. Au moment de repartir, je croise Alain qui arrive sur le contrôle. On échange quelques nouvelles et c’est reparti.

Avec la pluie, j’ai dû enfiler mon Gore-Tex mais je fais une pause dès la sortie de la ville pour le retirer car le soleil est déjà revenu. Un petit groupe s’est formé et nous progressons en direction du Roc Trévezel. Il y a dans ce groupe le cyclo qui nous accompagnait entre Villaines-la-Juhel et Fougères.

J’aime bien cette approche du Roc Trévezel, même si elle est usante. Enfin, nous bifurquons à droite et nous voilà pour de bon dans la montée, même si nous sommes sur des faux-plats depuis un moment.
La montée n’est pas dure, juste un peu longue. Nous croisons les premiers participants qui sont déjà sur le retour. Chacun est à sa main dans cette montée, le vent semble être un peu tombé, on ne va pas s’en plaindre.

Je bascule au sommet et un groupe se reforme au fil de la descente. On passe Sizun, puis on bifurque à gauche. Brest approche, enfin c’est ce que l’on croit. En 2015, de nuit avec la fatigue, j’avais trouvé cette arrivée interminable. J’avais mis ça sur le compte de l’envie de dormir qui arrivait et du manque nocturne de repère. En réalité, même de jour, ça n’en finit pas. J’en discute avec un cyclo du groupe, il a la même impression que moi.

Enfin, nous apercevons le pont Albert Louppe et nous plongeons en sa direction. Il y a toujours un peu d’émotion à passer là, on sait que la moitié du chemin est faite.

Je réfléchis sur la suite du parcours. Je suis largement en avance sur mon plan de route. J’avais prévu de dormir à Brest. Vu l’heure, il est peut-être jouable de tenter de rallier Carhaix au retour. Je réfléchis et décide finalement de dormir là. Vu l’heure, je suis assuré d’avoir une place pour dormir, alors qu’à Carhaix, je crains de me retrouver dans le flot de ceux qui arrivent et si j’ai un coup de barre, je ne sais pas où je pourrais m’arrêter avant Carhaix. Je joue donc la sécurité.

On remonte dans Brest pour rejoindre le lycée qi sert de point de contrôle. Je range mon vélo contre les barrières en prenant un point de repère pour le retrouver facilement. Direction le pointage et le ravitaillement, je guette si je vois mes amis Céline et Roland.

Ils me rejoignent alors que je suis en train de manger, ils étaient sortis s’acheter un kebab. Quand je vois ce qu’il y a dans mon plateau, je me dis que j’aurais dû leur demander de m’en ramener un. On discute, mais c’est trop bref. On ne se voit que tous les 4 ans.

Je les laisse et vais prendre ma douche et dormir. J’en profite pour demander à un bénévole s’il y a un endroit où je pourrais acheter un bidon pour remplacer celui qui s’est fendu après que je l’ai laissé tomber en arrivant, mais il semble qu’il n’y ait rien. Tant pis, je peux tenir avec un bidon jusqu’à Carhaix ou Loudéac.

Après la douche, j’enfile mon collant de compression pour favoriser la récupération, technique testée l’an passé sur le 1000 du Sud. Direction le dortoir il est 21h00, je demande à être réveillé à minuit.

23h00, je me réveille pour aller aux toilettes. Les urines sont plutôt claires, j’ai donc du bien gérer mon hydratation. En revanche, pas moyen de me rendormir. J’ai la première chambre dans le couloir et avec le passage, la porte coupe-feu n’arrête pas de claquer. A un moment, je vois le faisceau d’une lampe de poche, je m’attends à ce qu’un cycliste prenne le deuxième lit de la chambre ou qu’on vienne me réveiller, mais non. Pris d’un doute, je jette un œil à mon téléphone : 00h10.

Brest – Carhaix

Je mange une barre en m’habillant, passe aux toilettes pour remplir mon bidon et retourne à mon vélo. Mais je ne le retrouve pas. Il me semble que la configuration des barrières a été modifiée… Je reprends mon point de repère cherche un peu et fini par le retrouver.

Me voilà reparti, il n’y a pas grand-monde sur la route. Je double quelques cyclos, mais personne pour rouler avec moi. Dommage car la remise en route est laborieuse et discuter aurait permis de faire passer le temps.

Du côté de Landerneau, je trouve enfin un compagnon de route, mais il va falloir oublier l’idée de discuter, c’est un russe qui ne parle pas un mot d’anglais. Nous allons passer la bosse de Landerneau ensemble. On traverse Sizun, j’hésite à m’arrêter pour un café mais décide de continuer.

Je me retrouve seul après un arrêt pour satisfaire un besoin naturel. Nous allons jouer au chat et à la souris avec un vélo couché, lui me doublant dans les descentes et moi le dépassant dans les montées.
Je sais qu’une fois passé le Roc Trévezel, le gros du tronçon est fait, mais la montée est beaucoup plus longue que dans ma mémoire. Enfin, je finis par apercevoir le relais, maintenant, ça va majoritairement descendre.

J’arrive à Carhaix, je pointe. Je jette un œil rapide voir s’il y a un stand où je pourrais acheter un bidon, mais rien. Pas de soucis, je sais que je trouverai à Loudéac.

Je perds un peu de temps en me trompant de file, il y a une salle pour le self et les repas complets, et une autre salle pour les petits-déjeuners. Un thé, des crêpes et me voilà requinqué. En repartant, je salue Nicole et Robert qui vont sur Brest, ils ont l’air bien, je sais que sauf incident ils iront au bout.

Carhaix – Loudéac

Avant de repartir, comme convenu, j’envoie un message à mes amis David et Rozenn. Je sais que le tronçon a été revu, mais je ne m’en inquiète pas. Le début est le même, on passe par Maël-Carhaix, c’est ensuite que ça change.

Mauvaise surprise, c’est beaucoup moins roulant qu’auparavant. Il y a beaucoup de faux-plats et la météo n’est pas des plus agréable, il fait frais et il y a de la brume. J’ai l’impression de ne pas avancer. Mais dans le même temps, il n’y a pas de groupe qui me rejoigne, et peu de cyclos me dépassent.

Je guette avec impatience le panneau annonçant Plouguernevel. Enfin, j’entre sur la commune, puis dans le village. Une intersection et trois silhouettes au bord. Que je suis content de voir Rozenn, son père et David. Ils m’attendent avec des viennoiseries, merci les amis !

Je discute un peu avec eux, je resterai bien plus longtemps, mais je dois repartir. Dans les kilomètres qui suivent, le brouillard va enfin se lever contribuant à me redonner un meilleur coup de pédale, c’est peut-être aussi un effet de la viennoiserie.

J’arrive à Saint-Nicolas-du-Pélem. J’aperçois Alain et on décide de repartir ensemble. Russell est là aussi. Avec la fatigue, j’avais mal compris le message nocturne d’Alain et l’imaginais derrière moi. En discutant, il devait être quelques minutes devant moi seulement puisqu’il a vu mes amis au bord de la route. Comme convenu, nous décidons de ne pas nous attendre si nos allures n’étaient pas les mêmes.

La seconde partie, de Saint-Nicolas-du-Pélem à Loudéac, a elle-aussi été revue et s’avère plus difficile qu’avant. Nous sommes maintenant dans un groupe, avec 3 bretons qui font leur premier Paris-Brest-Paris. Ils sont sur leurs terres et nous renseignent au fur et à mesure sur les difficultés. Ils prennent peur en voyant la direction Mur-de-Bretagne, heureusement, cette bosse ne figure pas au menu.

J’arrive à Loudéac un peu avant Alain qui a fait une pause pour retire quelques épaisseurs. Je rejoins Russell à table et nous décidons de repartir ensemble.

Je profite de mon passage au contrôle pour racheter un bidon et des recharges de boisson énergétique. Je suis prêt pour les 450 kilomètres restants.

Loudéac – Tinténiac

Alain n’est pas prêt au moment où nous repartons et nous dit de ne pas l’attendre. Russell me dit que nous passons trop de temps sur les contrôles, mais là, c’est moi qui l’attends.

On repart, d’abord tranquillement, je dois même l’attendre car il a fait une pause. Ça commence par une descente et nous prenons un bon rythme. On rejoint des groupes que l’on dépose jusqu’à ce que nous rejoignions un trio qui va passer des relais très appuyés.

Je retrouve le russe avec qui j’ai roulé ce matin, enfin, c’est lui qui me reconnait. Observateur, il s’étonne de me voir avec 2 bidons alors que je n’en avais qu’un ce matin. Les relais passent bien, c’est même n’importe quoi, le compteur indique toujours entre 30 et 35km/h. Les relais passent bien, personne ne se pose de question et donne tout ce qu’il a, comme si l’arrivée était à Tinténiac.

Depuis un moment, nous croisons des cyclos qui sont hors-délais. On les salue et on les encourage, on sait que pour eux, ça ressemble davantage à une galère qu’autre chose.

On arrive rapidement à Tinténiac où j’ai prévu une pause relativement courte. Russell me rend le sachet de boisson énergétique que j’avais fait tomber de ma poche en repartant de Loudéac, c’était la raison de sa pause.

Je retrouve Cathy et Patrick, j’ai confirmation de leur abandon dont je me doutais un peu. Pierre m’avait dit que Cathy avait des problèmes de sommeil à Villaines-la-Juhel et je n’avais pas eu de nouvelles depuis. Bruno est là aussi, tout comme Pierre et Alain G. Je suis content de les voir et en même temps déçu des 3 abandons, mais c’est ainsi.

Je rencontre Ted, un contact Facebook qui était dans le même sas que moi au départ. Après hésitation, Russell a décidé de repartir avec moi, il va faire la sieste sur un banc pendant que je mange, discute et refais mes bidons.

Tinténiac – Fougères

Je salue les copains avant de repartir et réveille Russell. Alain arrive au moment où je repars. Je prends de ses nouvelles, il souffre d’une cheville, ça ressemble au soucis qu’il a eu il y a 4 ans.

On repart à deux et on continue à passer des bons relais. On a retrouvé, Oleg, le cyclo russe assez rapidement. Les relais passent toujours bien entre nous, c’est un régal.

On se fait reprendre par un groupe de 5 ou 6 cyclos les mains sur les prolongateurs. Je suis en dernière position du groupe, c’est Russell qui mène. Quand je vois le groupe à ma hauteur, je sais déjà que Russell va sauter dans leurs roues. Ça ne manque pas de se produire.

Un des cyclos vient à notre hauteur et nous dit que si on veut rouler avec eux, il faut relayer, pas de soucis pour nous. Nous allons faire une heure de contre-la-montre par équipe. Un vrai, en faisant attention au vent et en se plaçant à droite ou à gauche de notre voie en fonction de celui-ci.

Devant la violence des relais, le groupe va finir par éclater et nous allons finir plus tranquille pour notre arrivée sur Fougères.

Fougères – Villaines-la-Juhel

Je retrouve Dominique, un copain de Cyclosportissimo, sur le contrôle. On discute et il décide de repartir avec nous. Russell de son côté est occupé à constituer un groupe pour rejoindre le prochain contrôle.
On mange, on discute et on repart. On a décidé de rouler fort sur le plat et de lever le pied dans les bosses. Le groupe est cosmopolite : néo-zélandais, canadien, russe, allemand, anglais, français. L’entente est bonne, et les kilomètres défilent. Dominique préfère rouler à son allure et nous laisse filer.

Dans la seconde moitié du tronçon, je vais essuyer un coup de barre et laisser filer le groupe. Oleg est avec moi, pourtant il a l’air facile. Ça n’arrête pas de monter et descendre et je suis paumé dans mes calculs kilométriques. Enfin, j’aperçois une indication kilométrique : Villaines-la-Juhel 15km, mais nous ne prenons pas cette route-là. En réalité, il en reste encore 25.

Je prends mon mal en patience, j’ai en mémoire quelques noms de village de l’aller qui m’aident à me situer et à mesurer la distance jusqu’au contrôle.

Je rejoins le reste du groupe au contrôles, mais eux pour grignoter, moi j’ai besoin d’un vrai repas. J’hésite à dormir ici, comme j’avais prévu sur mon plan, mais comme je me sens bien, je décide de continuer, quitte à dormir en cours de route.

Villaines-la-Juhel – Mortagne-au-Perche

Je vais retrouver Dominique sur le contrôle et nous allons manger ensemble. Il me dit que Pascal est là aussi. On décide de repartir ensemble. J’ai perdu Russell et le reste du groupe, pas moyen de voir ni où ils sont, ni où ils ont mis leurs vélos.

Je change la batterie de mon phare avant, mais mon phare ne s’allume pas. Pourtant, la batterie a été rechargée juste avant mon départ. Je remets mon ancienne batterie, mais il va falloir que je l’économise si je veux la faire tenir une 3ème nuit.

On repart à 4, Pascal, Dominique, Oleg et moi. Nous allons passer les kilomètres suivant à discuter pour nous aider à lutter contre le sommeil.

La première partie du parcours se passe bien, mais l’envie de dormir va venir nous taquiner à tour de rôle. On sait qu’il va falloir tenir au moins jusqu’à Mamers où un ravitaillement est organisé par le club cyclo local.

Il va nous faire beaucoup de bien ce ravitaillement. Il y a même quelques places d’hébergement, mais nous décidons de continuer. Mortagne-au-Perche n’est qu’à 20km. Il reste quelques bosses à passer, mais elles ont le mérite de nous réveiller.

J’ai quelques inquiétudes avec mon éclairage car l’éclairage à pile qui me sert en permanence donne quelques signes de faiblesse. En dernier recours, j’ai une lampe frontale dans ma sacoche de selle, mais je n’avais pas prévu de rouler avec.

Enfin, nous arrivons à Mortagne-au-Perche, avant dernier contrôle.

Mortagne-au-Perche – Dreux

On choisit un ravitaillement assez léger, on plaisante avec les bénévoles et on profite du chaud car avec l’humidité, la nui est fraiche.

C’est d’ailleurs cette fraicheur qui nous décidera à nous arrêter dans un sas de distributeur automatique de billet à Longny-au-Perche. Nous ne sommes pas les premiers à avoir cette idée car il y a déjà une couverture de survie abandonnée là. Combien de temps allons nous nous arrêter, je ne sais pas. Je sais qu’à un moment trois autres cyclos vont nous rejoindre et nous sortir de notre somnolence.
On discute entre nous de ce que l’on va faire, repartir ou pas. Ça agace un des cyclos qui nous dit en anglais qu’il aimerait bien dormir. Il n’a pas pensé que nous aussi quand il est rentré dans le sas avec ses acolytes et a déplié sa couverture de survie.

Nous reprenons la route. Je redoute toujours cette partie-là, les routes y sont assez droites et plates. Et surtout, on commence à avoir notre dose de kilomètres, d’autant que nous avons largement le temps de finir, la motivation est donc moindre.

J’avoue que par moment, je suis en pilote automatique. Je pédale mécaniquement, suis le groupe mais n’imprime pas vraiment ce qui se passe. Il me semble que l’on fait une petite pause sur un ravitaillement improvisé, mais je n’en suis pas sûr.

C’est Dominique qui va me sortir de ma léthargie à l’approche de Dreux. Il réalise qu’il a une chance de passer sous les 65h et se fixe donc cet objectif. Je me propose de l’accompagner, ce sera plus facile si on se relaie. Pascal qui a un petit point de tendinite nous dit de filer sans lui.

On passe les relais jusqu’à Dreux où nous décidons de simplement pointer, et de sauter le ravitaillement. Dommage car l’accueil su celui-ci me met toujours les larmes aux yeux : dès que l’on rentre dans l’espace restauration, le public applaudi. Je ne pleurerai pas à Dreux cette année.

Dreux – Rambouillet

Pointage, pipi et c’est reparti. J’ai de bonnes jambes et essaye d’assurer des bons relais pour Dominique, mais je le sens un peu émoussé.

Mais je vais rapidement me retrouver émoussé moi aussi. Fatigue des 1150 premiers kilomètres ? Je penche plutôt pour un ravitaillement insuffisant à Mortagne-au-Perche. Je pioche dans mes poches à la recherche d’un gel. J’ai aussi regardé mon téléphone pour avoir des nouvelles de Jean-Yves et Serge, des copains de Chartres rencontrés lors du stage dans les Dolomites début juillet.

Dominique est maintenant 150m devant moi. Je vais mettre un temps fou à reboucher ces mètres. J’ai beau essayer d’appuyer aussi fort que je peux, je suis incapable d’accélérer. Enfin ça va revenir et je vais le rejoindre.

Nous croisons des clubs de la région parisienne qui nous saluent et nous encouragent. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir croisé en arrivant vers Saint-Quentin-en-Yvelines, ça contribue à rendre l’arrivée agréable, tout comme le fait de traverser la forêt de Rambouillet plutôt que Trappes.

Je reconnais les maillots jaune et bleu de Chartres, ils font demi-tour et m’accompagnent sur les derniers kilomètres. C’est un plaisir de finir avec eux. Ils me laissent passer dans la cour de la Bergerie nationale où je retrouve Bruno et avant de les rejoindre pour discuter un peu.

Final et bilan

Les copains de Chartres reprennent leur ballade et moi je vais pointer à l’arrivée. Outre la médaille, je récupère aussi un panneau directionnel Brest en souvenir, l’occasion de faire une photo avec Dominique. Nous allons nous perdre lors du repas. Je vais retrouver Oleg et Russell et partager le repas avec eux.

Après le repas, ce sera la douche, puis la sieste. Je vais aussi répondre aux messages des copains reçus pendant l’épreuve. J’espère avoir répondu à tous. Léger désagrément avec la douche qui n’est pas sur site, il faut prendre une navette. Pour l’instant, ça va, il n’y a pas encore grand-monde, mais quand le gros de participants sera là, la navette 6 places risque d’être très insuffisante.

La sieste va me faire du bien, car 3 heures de sommeil sur les 66h de l’épreuve, ça ne fait pas beaucoup. La sieste finie, je retourne partager une bière avec Russell et ses amis. A force, mon oreille a fini par s’habituer à son accent et je le comprends bien.

Françoise C est passée s’imprégner de l’ambiance de l’évènement et y repassera le lendemain, quand le gros des participants arrivera. On passe le temps en discutant avec les copains qui ont fini à leur tour.

Sur un plan personnel, je suis content de la performance que j’ai réalisée, bien en deçà des 70h que je m’étais fixé. Tout s’est vraiment bien goupillé pour réaliser un tel temps. Je mesure aussi les progrès réalisés depuis 4 ans, malgré un départ plus rapide qu’il y a 4 ans, je n’ai pas flanché ni souffert de blessure (juste un léger tiraillement des tendons d’Achille pendant quelques jours).

Je suis parfaitement conscient que l’optique dans laquelle j’ai pris le départ n’était pas très cyclotouriste. C’est d’ailleurs une des raisons qui font que je ne suis pas sûr de repartir avec un tel objectif de temps dans 4 ans. En passant trop tôt, on rate une partie de la fête. Il y a bien des enfants dans les villages qui tendent les mains à notre passage, mais la foule est moindre. Je n’ai pas vu ni entendu un seul bagad lors de ma traversée de la Bretagne. On verra dans 4 ans…