Paris-Brest-Paris 2007
La préparation
Les jours précédents le départ, j’avais pris quelques jours de congés. Cela m’a permis de bien me reposer et d’accumuler le sommeil en prévision des 4 courtes qui nuit se profilaient à l’horizon. Je craignais d’avoir du mal à dormir ou à m’alimenter avec le stress, comme cela fut le cas avant certains brevets, mais il n’en fut rien. A trois jours du départ, j’ai été roulé avec mon père histoire de tourner un peu les jambes. Juste une cinquantaine de kilomètre pour me rassurer.
A part le repos ma principale préoccupation fut de préparer mes affaires. Maillots, cuissards, manchettes, jambières, mais aussi éclairage et les indispensables piles neuves. Il fallut aussi prévoir le ravitaillement afin de ne manquer de rien tout au long des 4 jours, aussi bien en boisson énergétique qu’en barres et gâteaux divers.
La seule chose inquiétante dans cette phase est la météo, pas franchement au soleil sur la Bretagne, et très variable. Yann nous a envoyé un lien vers un site d’un météorologue amateur qui participe. Il nous prédit un départ sous la pluie, éventuellement violente. Le soleil devrait faire son apparition ensuite et nous devrions rentrer à Saint-Quentin en sa compagnie. Il met cependant en garde devant le phénomène météorologique (une « goutte froide ») qui s’est installé et rend les prévisions hasardeuses. De la pluie, nous savons que nous en aurons, aussi la prévision lue me convient bien.
Le contrôle des vélos
Le dimanche, c’est le contrôle des vélos. Mon père m’accompagne à Saint-Quentin pour cette opération. Nous faisons la route depuis Auxerre sous une pluie intermittente. A Saint-Quentin, je vais retirer mon dossier, mon dossard, mon maillot. Je rentre dans le gymnase. J’ai l’impression d’être un étranger. Toutes les nationalités sont là : japonais, polonais, danois, suédois, australiens, américains, anglais… La moyenne d’âge des cyclos que je vois me semble plutôt supérieure à la cinquantaine, j’ai l’impression d’être un gamin au milieu de tout ce monde. Il faut trouver la table en fonction de ma nationalité, puis de mon numéro de dossier.
Une fois la table trouvée, la personne de l’organisation m’explique tout sur le déroulement du départ, les différents papiers, les contrôles. Voilà, maintenant, je suis au départ de Paris-Brest-Paris…
Pas de contrôle des vélos, le terrain est inondé, le contrôle se fera donc juste avant le départ le lundi soir. Au retour sur Auxerre, nous prenons une violente pluie d’orage. Philosophe, je me dis que ce qui tombe aujourd’hui ne tombera pas demain tout en me demandant comment on peut rouler sous un déluge pareil.
Au retour j’appelle Yann, Chrystel, Jean-Jacques et Rodolphe. Eux vont arriver alors que moi je repars. Je les informe que le contrôle des vélos est repoussé au lendemain. Ils ont l’air en forme. Nous fixons l’heure de rendez-vous pour le lendemain. Christophe est passé au contrôle avant moi, et nous rejoindra demain également.
La préparation du départ
Nous nous retrouvons donc le lendemain en milieu d’après-midi à proximité du gymnase. Nous chargeons la voiture d’assistance conduite par Jean-Jacques et Rodolphe. La voiture est chargée à ras-bord avec nos réserves de nourriture, de boisson, nos trousses à pharmacie en cas de petit bobos et nos vêtements de rechange. En expérimenté de Paris-Brest-Paris, Jean-Jacques a préparé des sacs avec nos prénoms dessus pour que nous mettions ce dont nous avons besoin au contrôle suivant.
Pendant que nous nous préparons, Jean-Philippe et Isabelle Battu s’arrêtent pour nous saluer. Nous avons roulé avec eux sur quelques brevets et les avons croisés à différentes occasions (BRA entre autre). Ils partent plus tôt que nous car ils sont en tandem.
Chacun se prépare à sa manière. Christophe est impressionnant de calme, il s’est isolé le long du mur et son esprit semble déjà sur la route entre Paris et Brest. Chrystel est à la limite de l’hyperactivité. Contraste flagrant.
La météo est au beau fixe, et nous espérons que cela va durer le plus longtemps possible. La température n’est pas exceptionnelle, mais suffisante pour que nous n’ayons pas froid en faisant la queue pour aller manger. Dans cette file d’attente, nous retrouvons des gens de l’ASPTT, notamment l’un des vétérans aperçu sur le brevet de 600km. A 73 ans, il part pour son 8ème Paris-Brest-Paris avec pour seule ambition de finir.
Alors que nous sommes dans le self, nous retrouvons les Battu, nous apercevons également Jean-Louis Borrac de l’ASPTT. Lui non plus n’en est pas à sa première participation. Le repas fini, après un passage aux toilettes, nous récupérons les vélos et nous mettons en route pour le contrôle technique.
Sur le stade attenant au gymnase, c’est l’affluence. Les participants se répartissent sur toute la piste pour rejoindre l’autre extrémité, là où se tient la tente de contrôle qui nous donnera notre heure de départ. Afin de gagner du temps, des organisateurs passent parmi nous afin de vérifier que nos vélos sont bien équipés de l’éclairage obligatoire.
Le stress aidant, le temps que nous parcourions toute la piste au rythme des discussions avec nos voisins dans la file d’attente, il nous faut repasser par les toilettes. Finalement, nous voilà prêt à rejoindre la ligne de départ pour notre départ à 22h10. Pas question de partir au sprint comme les véloces qui doivent parcourir la distance en moins de 80h et dont les plus rapides seront même sous les 50h.
Nous nous sommes équipés de nos vestes de pluie en prévision de la nuit et des nuages gris qui se sont rapprochés de l’agglomération. On essaye de se détendre comme on peut, mais le départ par peloton de 600 nous stresse.
Saint-Quentin en Yvelines – Mortagne-au-Perche
Le coup de feu donnant le signal de l’aventure a retenti, nous voilà parti. Il faut croire que les nuages ont entendu le signal car la pluie se manifeste elle aussi. Quelques gouttes au départ puis plus franche. On prend soin d’éviter les lignes blanches et de prendre nos virages très large. Cela est facilité par le fait que toute la traversée de l’agglomération soit sécurisée.
Nos craintes sur le peloton de 600 se révèlent injustifiées. Il y a certes beaucoup de cyclos, mais relativement espacés, il faut toutefois rester prudent, surtout sur route la humide. Notre principale préoccupation dans la nuit est de ne pas nous perdre les uns les autres. Aussi, des cris « ATSCAF ? » retentissent régulièrement auxquels chacun répond.
Seul incident à déplorer, Christophe qui a fait tomber son bidon. Nous nous arrêtons pour l’attendre, sans incidence sur le plan de route.
Nous remémorant les conseils de Jean-Jacques, nous essayons de rouler à l’économie en nous abritant dans les roues. Pas évident de trouver un groupe qui roule à la même allure que nous, bien que le parcours ne soit pas encore trop accidenté. Nous en trouvons finalement un, 7 cyclos du même club qui roulent ensemble, 4 d’entre eux sont des récidivistes et encadrent donc les « débutants ».
Les kilomètres passent, les heures s’écoulent, alors que je m’attendais à être pris d’une envie de dormir cela ne semble pas être le cas. Peut-être s’agit-il des effets du café après plusieurs mois de sevrage de tout excitant (thé, café,…). Tout se passe bien pour l’instant, si ce n’est une douleur au niveau des cervicales suite à un brusque mouvement de la tête quand quelqu’un nous a signalé un danger sur la route.
La pluie s’est maintenant arrêtée et nous sommes dans un groupe qui s’est formé progressivement. Autour du 80ème kilomètre de nombreux cyclos se sont arrêtés auprès d’une boulangerie ouverte de nuit à l’occasion du départ. De nombreuses personnes sont présentes sur le bord de la route pendant les premiers kilomètres avant de se raréfier. Par contre, les motos des contrôleurs vont faire leur apparition, n’hésitant pas à arrêter les cyclos en défaut d’éclairage, mais aussi sécurisant les intersections à notre arrivée.
Le Perche et les premières bosses vont bientôt se présenter à nous. Comme si cela ne suffisait pas, la pluie semble vouloir faire son retour sous forme d’une petite bruine. Les signaleurs sont encore là pour nous guider dans la traversée du village. J’ai bien pris note de ce que Chrystel nous a rapporté de sa discussion avec l’une des responsables de l’organisation. A Longny-au-Perche, on tourne à droite, et ça grimpe fort. Nous avertissons donc nos compagnons de route pendant que nous passons le triple plateau. C’est la première fois que nous le passons, et nous savons qu’il vaut mieux être prudent, même si la côte se révèle moins difficile que ce que j’imaginais.
Le Perche marque le début des montagnes russes du parcours. On joue du dérailleur sous la pluie qui devient de plus en plus franche. Les côtes succèdent aux descentes et nous rapprochent du premier ravitaillement, à Mortagne-au-Perche. Nous apercevons les premiers véhicules d’assistance des participants avant même l’entrée dans la ville. Jean-Jacques et Rodolphe nous hèlent à l’arrivée de notre groupe. Heureusement, car je ne les avais pas vu, aussi, pour éviter de nous manquer à un contrôle, nous décidons de crier « ATSCAF ! » à notre arrivée à proximité des contrôles.
La pluie est maintenant franche, nous nous abritons sous un porche afin de nous ravitailler au sec. Le ravitaillement est en deux parties, une sur la place du village où nous nous sommes arrêtés et l’autre dans la salle communale un peu à l’écart. Les cyclos voyant une petite tente sur la place s’arrêtent quasiment tous provoquant un engorgement au niveau du ravitaillement. De notre côté, nous n’en souffrons pas car Jean-Jacques et Rodolphe sont garés juste à côté et nous avons pu accéder à notre ravitaillement.
Yann a filé au ravitaillement principal pour satisfaire un besoin naturel et quand il revient nous avons fini de nous ravitailler et sommes prêts à repartir. J’abandonne ma lampe frontale pour soulager mes cervicales car je peux à peine tourner la tête suite à mon faux-mouvement.
Mortagne-au-Perche – Villaines-la-Juhel
Il fait toujours nuit et il pleut franchement quand nous repartons. Je ne sais pas quelle heure il est précisément, vraisemblablement autour de 5h du matin, mais Christophe nous dit que nous ne sommes pas en retard sur notre feuille de route, donc, tout va bien. La route continue d’onduler allègrement, mais la pause nous a fait du bien.
Christophe connait relativement bien la région puisqu’il a vécu à proximité quelques temps, il nous fourni donc quelques renseignements utiles sur la topographie. Après le ravitaillement, les cyclos sont plus éparts et il n’y a plus franchement de groupe qui se soient constitués, nous n’en trouverons d’ailleurs plus jusqu’à l’arrivée ou presque. Cela nous permet de rouler sans trop de crainte de nous perdre.
La route enchaine montée descente et si le jour commence à poindre alors que nous sommes du côté de Mamers, le soleil ne semble pas très décidé à faire son apparition. La pluie est toujours présente, mais je me console en me disant que d’ici le prochain contrôle, nous aurons retrouvé le soleil. C’est mathématique, en 4h, nous aurons parcouru 80, en considérant que le vent (défavorable, sinon ce n’est pas drôle) pousse les nuages à 20km/h également, il faudrait que le front nuageux soit large de 160km, ce qui me parait improbable.
Alors que je me livre à ces calculs, je sens d’un coup que Christophe devient inquiet. Le visage fermé, il parle beaucoup moins. Bizarre, je discute avec Chrystel et lui fait part de mes observations. Elle va donc discuter avec lui et il a noté que nous avions désormais 45minutes de retard sur la feuille de route. Effectivement, il y a de quoi s’inquiéter car cela veut dire que nous avons perdu énormément de temps en très peu de kilomètres.
Finalement, après vérification, il s’agit d’une simple erreur de lecture de la feuille de route. Notre retard n’est que de quelques minutes, rien de très inquiétant. D’autant que la météo n’est pas franchement favorable (vent de ¾ face et pluie) et que de nuit, on a toujours tendance à rouler moins vite.
Finalement, mes calculs ne se révèlent pas trop absurdes puisque la pluie s’arrête, cela va nous permettre de sécher un peu. La route continue à alterner montées et descentes. Nous savions qu’il n’y avait pas de plat sur Paris-Brest-Paris, cela se confirme. Sur le bord de la route, un panneau nous indique la distance nous séparant de Brest, c’est encore loin…
Nous grimpons les côtes chacun à notre rythme, mais Yann semble avoir un peu de mal. Je me porte à sa hauteur pour prendre de ses nouvelles. Il se plaint de n’avoir pas pu s’alimenter comme il le souhaitait à Mortagne et le paye maintenant. Je lui dis qu’il aurait du nous le dire plus tôt, nos poches de maillots étant abondamment garnis de barres, gels et gâteaux énergétiques. En plus de ça, à un moment, suite à une pause destinée à satisfaire un besoin naturel, il ne nous a pas vu repartir et était persuadé que nous étions derrière lui, et nous a donc attendu pour rien.
Maintenant nous ne sommes plus très loin de Villaines-la-Juhel où nous pourrons prendre un bon petit déjeuner. Avant cela, il y a une belle côte qui nous attend. Ca grimpe en palier et c’est interminable, à chaque fois que nous pensons avoir atteint le sommet, un virage nous fait découvrir la suite de la montée. Enfin, c’est la dernière côte, elle est certainement destinée à nous ouvrir l’appétit.
Enfin, nous descendons sur Villaines-la-Juhel où Jean-Jacques et Rodolphe nous attendent. Pendant que nous garons nos vélos, nous apercevons Jean-Philippe et Isabelle Battu qui eux repartent, nous croisons aussi une des participantes avec qui Chrystel a discuté hier soir, elle aussi s’apprête à repartir.
Cela fait du bien d’être au chaud et de prendre un bon petit-déjeuner. Avant cela, nous sommes allés pointer. Pendant que je faisais la queue avec ma feuille de route une dame dit à son enfant de 5 ans en me désignant : « Tu as vu le monsieur comme il a l’air fatigué », puis réalisant que j’ai entendu, elle s’excuse. Je rigole et lui confirme qu’effectivement je suis fatigué.
Jean-Jacques et Rodolphe sont là depuis un petit moment et nous signalent que certains cyclos sont déjà passablement émoussés tels ceux qui dorment sur la table à côté de la notre. Ils sont là depuis plus d’une heure, et Jean-Jacques doute de leur capacité d’aller au bout vu leur état actuel. Pendant ce temps nous savourons boisson chaude et viennoiserie. D’autant que la météo semble vouloir se remettre à la pluie comme en témoignait la bruine qui commençait à tomber à notre arrivée.
Villaines-la-Juhel – Fougères
Pluie ou pas, de toutes manières, il nous faut repartir. Nous sommes certes marqués par les 200 km parcouru pendant la nuit, mais la forme du groupe est toujours bonne. Nous voilà parti pour presque 90km de pluie jusqu’au déjeuner.
C’est sur ce tronçon que nous allons rencontre Jean-Michel Maréchal, un ami de Marie Magnat. Chrystel croyant reconnaitre quelqu’un de Dreux avec qui elle a discuté engage la conversation. Et c’est donc par hasard que nous l’avons rencontré. Ce tronçon sera l’occasion de nombreuses rencontres.
Nous roulons ainsi pendant plusieurs kilomètres avec un groupe de cyclos de Loudéac. Ils connaissent bien ces routes car ils les ont parcourues lors des brevets qualificatifs. Ils nous confirment que le vent, sans être très violent ne nous est pas favorable du tout. Etant plus rapide que nous, ils fileront devant et nous les reverrons plus avant le contrôle de Loudéac ou nous nous saluerons.
Je dois dire qu’en dehors de ces rencontres et de la pluie, je ne garde pas beaucoup de souvenirs de ce tronçon. Avec le jour, et malgré la pluie, les gens refont leur apparition sur les bords de la route et nous encouragent à notre passage. Je leur demande si je peux leur emprunter leur parapluie en promettant de le rendre au retour, mais sans succès. Il y a également les photographes officiels de l’épreuve qui sont là, je demande une retouche de manière à avoir du soleil sur mes photos. Pendant quelques instants, je roule avec un cyclo qui se retrouve seul avec un moral vacillant après avoir perdu son compagnon de route qui n’arrivait pas à suivre le rythme.
Et c’est toujours sous la pluie que nous arrivons à Fougères où nous allons prendre notre déjeuner. Je n’ai pas suivi exactement le plan de route, mais il me semble bien que nous sommes en retard. Nous sommes contents de pouvoir nous restaurer enfin. Notre dernier vrai repas remonte à plus de 15 heures en arrière. Les assiettes son abondantes et chacun trouve un plat lui faisant envie. Nous redoutions les files d’attente pour les repas, mais finalement ce n’est pas le cas, et nous pouvons manger relativement rapidement.
Au moment de repartir je croise un des CTA et je discute avec lui quelques instants. Au moment de repartir, il y a un petit échange en peu vif entre Yann et Chrystel à propos de l’arrêt de Mortagne cette nuit. Et Jean-Jacques nous a passé une gentille ronflante concernant les temps de nos pauses. C’est donc dans une ambiance un peu tendue que nous repartons, sous la pluie me semble-t-il…
Fougères – Tinténiac
Heureusement, il ne s’agira que d’une bonne averse, rapidement nous pourrons sécher. Nous réussissons à retrouver un petit groupe avec notamment Jean-Michel Maréchal. Nous discutons de la manière dont nous allons poursuivre notre Paris-Brest-Paris. Nous sommes sur deux approches totalement différentes. Lui a décidé de faire comme il y a quatre ans, c’est-à-dire dormir peu et par tranches d’une demi-heure. De notre côté, le plan de route prévoit des nuits « longues » de 3h.
Nous nous apercevons que nous avons reprit un cyclo ne participant pas à Paris-Brest-Paris et que nous roulons avec lui. En théorie, c’est strictement interdit par le règlement, mais bon, là, c’est lui qui est dans nos roues, et non nous qui profitons de sa présence. Nous sommes rejoints pas un groupe d’américains (et d’américaines, à l’origine des plaisanteries à mon égard qui ont suivi Paris-Brest-Paris) avec qui nous discutons un peu. Eux ont prévus de dormir à Carhaix et nous à Loudéac, cela ne les intéresse donc pas de rouler avec nous, et nous les voyons filer après avoir profité de nos roues quelques instants.
Cette étape est la plus courte de tout Paris-Brest-Paris avec seulement 55km. Sur une route toujours ondulée, nous rejoignons donc rapidement Tinténiac, et au sec cette fois-ci, même si ce n’était pas sous un grand soleil. Le ravitaillement est plus léger, le repas précédent étant relativement proche.
Tinténiac – Loudéac
Après avoir refait nos bidons et remplies nos poches, nous voilà repartie sous une météo mitigée. Il s’agira de notre dernière étape du jour avant de pouvoir dormir, plus de 24h après notre départ.
Alors que nous traversons Saint-Méen-le-Grand, ville natale de deux illustres cyclistes bretons des années 50, nous discutons avec un canadien. Craignant un engorgement au niveau du dortoir de Loudéac, il a choisi de s’arrêter avant pour dormir. Quitte à repartir plus tôt le lendemain.
Le relief est un peu plus favorable et nous ne nous en plaignons pas car la fatigue commence à se manifester et les premiers bobos font leur apparition. Chrystel se plaint du genou et Yann disparait de nos roues. Nous décidons donc de lever un peu le pied pour éviter de nous perdre. Christophe file devant de manière à avoir le temps d’avertir Jean-Jacques de notre avancée. En effet, il faut s’arrêter pour téléphoner, tout participant surpris à téléphoner sur son vélo est pénalisé d’une heure sur son temps final. Je me laisse rejoindre par Yann puis par Chrystel. Alors que Yann lève le pied pour rester avec nous, je lui conseille plutôt de rester dans les roues pour se protéger du vent. Ce n’est pas qu’il soit violent, mais il nous est toujours défavorable et il n’est pas question de gaspiller des forces maintenant qui pourraient nous servir plus tard.
Le genou de Chrystel la fait souffrir, pour l’aider, je la pousse un peu et discute avec elle, mais je sens son moral qui décline. Chrystel me conseille de garder mes forces plutôt que de la pousser. Je lui réponds que aujourd’hui, c’est moi qui la pousse, mais que je serai peut-être bien content qu’elle me pousse si je me trouve mal également. Avant de retrouver Christophe, nous nous retournons, intrigués par une grande banderole disposée de l’autre côté de la route. Nous lisons dessus « Contrôle officiel », découvrant ainsi le lieu d’un des contrôles secrets du parcours.
Nous retrouvons Christophe qui a donné une estimation de notre heure d’arrivée à Jean-Jacques et Rodolphe. Le moral de Chrystel suit la trajectoire du soleil et décline doucement. Pour l’encourager, je me livre à une estimation du nombre de personnes ayant réalisés ce que nous sommes en train d’accomplir, qu’elle réalise le caractère exceptionnel de notre entreprise.
La nuit est maintenant tombée et la pluie refait son apparition. Seule bonne nouvelle, nous apercevons les lumières de Loudéac au loin. Au loin, c’est le terme approprié, le temps que nous mettons pour les rejoindre me semble infini sur une route au profil toujours aussi scabreux. Enfin, nous arrivons, trempés mais heureux de pouvoir nous restaurer, prendre une douche et dormir.
Jean-Jacques et Rodolphe, l’œil aux aguets nous ont repéré dès notre arrivée. Nous allons manger avec eux. Ils nous informent qu’ils n’ont pu nous réserver de place au dortoir et qu’il nous faudra donc faire la queue pour dormir. Et nous avons pu constater que la queue au dortoir était vraiment longue. On verra cela plus tard, pour l’instant, on mange.
Chrystel part au médical pendant que nous allons prendre notre douche. De retour au dortoir, nous retrouvons Chrystel dans la file d’attente, file qui a fondue comme neige au soleil (si seulement soleil il y avait). Et nous pouvons donc aller nous coucher quasiment aussitôt, après avoir indiqué notre heure de réveil : 3h30, soit 3h de sommeil.
Loudéac – Carhaix
Inutile de préciser que le sommeil ne fut pas long à trouver. 3h30, on vient nous réveiller, il me faut quelques instants pour me souvenir que nous avions bien dit 3h30 et non pas 4h00 comme nous l’avions évoqué un moment.
Dès mon réveil, j’entends le bruit qui nous a bercés au moment de nous coucher : celui de la pluie sur le toit du gymnase. Le coup au moral est rude, je me demande si j’aurais le courage de repartir sous la pluie. Finalement, fausse alerte, en sortant dehors, il ne pleut pas, le bruit n’était pas celui de la pluie. Le moral, qui était très bas à l’audition de ce bruit, remonte en flèche.
Nous allons réveiller Jean-Jacques et Rodolphe qui n’ont pu bénéficier d’un couchage décent et ont donc du dormir dans la voiture au milieu de nos affaires détrempées…
Je ne suis pas bien depuis mon réveil, j’ai comme des brûlures d’estomac et des remontées acides. A un moment, alors que je suis en train de préparer mes bidons, je m’écarte de la voiture pour aller rendre dans le caniveau le plus proche. La journée commence bien, je me résigne à faire une croix sur le petit déjeuner et à passer au médical, d’où revient Chrystel, le premier passage d’une longue série.
Nous voilà donc parti alors que nous croisons quelques cyclos déjà sur le retour. Le parcours ressemble à de véritables montagnes russes. Chrystel ayant toujours mal au genou souffre sur ce tronçon. Christophe se laisse descendre à sa hauteur. Je me doute qu’elle va nous demander de continuer à notre rythme sans s’occuper d’elle. Effectivement, c’est ce que nous annonce Christophe quand il nous rejoint. Elle n’a pas voulu nous l’annoncer craignant de nous saper le moral .
Ce tronçon est un véritable calvaire, je me sens sans force sur cette alternance de montées sèches et de petites descentes. Le fait d’avoir le ventre vide ne fait qu’accentuer cette sensation. Christophe me prodigue force encouragements, mais cela ne suffit pas, je vais même jusqu’à lui dire de continuer sans moi.
J’ai faim, il faut que je mange, en espérant que l’emplâtre stomacal que m’a donné le médical fera effet. Je veux manger un croissant et c’est avec cette idée fixe que j’avance jusqu’à trouver enfin un village avec une tente proposant un ravitaillement. Je pose mon vélo et rejoint la queue des autres cyclos. Je suis pris d’un énorme sanglot qui fait se retourner le cyclo qui me précède qui s’enquiert de mon état. Je lui réponds tant bien que mal que ça va, mais qu’il fallait juste que ça sorte. J’achète ce croissant, le dernier qui restait, tant désiré. Il n’a rien d’exceptionnel au goût, mais c’est un précieux réconfort.
Christophe et Yann m’ont attendu et nous repartons. Nous sommes rapidement ensuite au contrôle secret où nous apprenons que la suite du parcours jusqu’à Carhaix, lieu du prochain contrôle, sera plus plate. Au moment de repartir, nous sommes interpellés par Jean-Philippe et Isabelle Battu. Ils sont surpris de ne pas voir Chrystel avec nous et nous leur expliquons sa tendinite qui la ralentit.
Nous voilà repartit sur des routes effectivement plus plates et plus passantes, même si à cette heure-ci, c’est encore très calme. Les abords sont parsemés de cyclos dormant comme ils peuvent : adossés à des bornes signalétiques, allongés sur des murets de propriétés attenantes à la route. Même en étant prévenu, il faut le voir pour le croire…
Nous discutons avec les cyclos qui roulent avec nous, notamment avec un belge particulièrement remonté contre l’organisation devant la difficulté de l’épreuve. Au moment où nous le laissons et lui souhaitons bonne chance, il nous annonce qu’il s’arrêtera probablement à Brest pour rentrer en train.
Nous arrivons ensuite aux alentours de Carhaix où nous sommes témoins d’une chute. Deux cyclos sont mis au sol par des chiens qui déboulent d’un chemin. Les cyclos se relèvent et les chiens heurtés par les vélos se sont rapidement enfuis en gémissant. Si le contact avec le goudron n’est pas agréable aux cyclos, les roues qui ont heurtés les chiens ne les ont pas ménagées non plus. Enfin plus de peur que de mal, nous voyons les cyclos remonter sur leur vélo.
Nous rejoignons les hauteurs de Carhaix pour retrouver Jean-Jacques et Rodolphe. Nous prenons un solide petit-déjeuner dans un réfectoire qui a des allures de dortoir. Des cyclos sont allongés dans tous les couloirs, ou accoudés aux tables, enveloppés dans des couvertures de survie. Nous indiquons à Jean-Jacques et Rodolphe que Chrystel continue à son rythme.
Je suis content d’avoir pu m’alimenter normalement. Ca devrait aller mieux pour la suite, malgré le Roc Trévezel et les Monts d’Arrée qui se profilent. Je choisis quand même de me pommader les jambes car mes cuisses me font légèrement mal et je crains que ma tendinite quadricipitale ne revienne. Et nous voilà reparti sous une météo qui semble enfin plus clémente.
Carhaix – Brest
En partant de Carhaix, nous trouvons un couple ayant déjà fait Paris-Brest-Paris qui nous informe que la météo nous est quand même particulièrement défavorable cette année. Nous roulons avec eux et c’est un petit groupe qui va se former progressivement. Des nordistes, un italien vont ainsi nous rejoindre. Et nous espérons ainsi rejoindre Brest avec eux, et sous le soleil.
Malheureusement, cela ne durera pas, chacun s’arrêtant relativement rapidement ensuite. Dommage, nous aurions tous pu profiter du groupe, mais cela ne se fera pas. Nous sommes donc maintenant 4 à rouler ensemble : trois Atscafiens et un italien.
J’essaye de discuter avec lui, mais il ne parle pas anglais et pas très bien le français. Nous réussissons néanmoins à nous comprendre sans trop de difficultés. Il est venu faire Paris-Brest-Paris avec un copain, mais ils ne roulent pas au même rythme et a laissé son collègue derrière. Il nous dit aussi que sa première participation sera aussi la dernière tant il trouve l’épreuve difficile.
Alors que nous approchons du Roc Trévezel, nous dépassons un cyclo à l’allure exténuée. Il pédale mollement le dos voutés. Je discute un peu avec lui et essaye de lui remonter le moral en lui assurant qu’il peut toujours rentrer dans les 90 heures imparties. Au moment de le laisser, je lui donne une petite tape d’encouragement sur les dos et lui souhaite bon courage pour la suite.
Nous sommes maintenant dans la montée du Roc Trévezel. La montée n’a rien de terrible en elle-même mais de nombreux facteurs viennent la compliquer. Nous avons déjà 500km dans les jambes, il s’agit d’une succession de lignes droites et nous avons le vent de face…
Yann est un peu derrière Christophe et moi. Et nous gravissons cette difficulté chacun à notre rythme. Nous discutons aussi avec les cyclos qui nous entourent. C’est ainsi que je complimente un australien pour leurs maillots « Kangaroos next 1200km » que trouve très jolis. Je dépasse également un membre de la confrérie des 650. Et nous plaisantons quelques instants avec un américains sur un tricycle en lui demandant si nous pouvons nous accrocher à son vélo.
Nous nous regroupons au sommet du Roc Trévezel et amorçons la descente. Le vent est encore plus violent que dans la montée et il nous faut pédaler pour pouvoir avancer. Cette descente n’aura pas été de tout repos. Dommage car derrière, nous devons encore franchir les Monts d’Arrée vent de face.
Les douleurs dans les cuisses m’empêchent de relancer comme il le faudrait et je souffre donc sur ces petites routes toutes en virages et montées sèchent qui exigent des relances permanentes. Christophe m’est une nouvelle fois d’une aide précieuse dans ces moments difficiles. Si ce matin, le coup fut porté au moral, maintenant, le moral est là, c’est le physique qui me pose problème.
Pour traverser ces passages un peu difficiles, je retrouve un compagnon de route de la veille. Le fameux cyclo qui parlait d’abandonner est toujours là, et le soleil lui a redonné le moral. Nous devisons donc à l’approche de Brest. Yann m’attend alors que Christophe a préféré me laisser continuer à mon rythme.
Nous sommes maintenant sur le pont Albert Louppe, à Brest et je ne peux réprimer un sanglot en pensant que la moitié du chemin est parcourue. Il nous reste encore à rejoindre les hauteurs de Brest pour le contrôle et le ravitaillement. Je dis à Yann de continuer devant car je veux prendre en photo la pancarte d’entrée dans la ville. Une fois cette photo prise, je rédige un court et vengeur message pour l’accompagner et envoie prestement à mes parents et à quelques amis : « On mange et on rentre ». Effectivement, schématiquement, c’est ce qu’il nous reste à faire.
La montée sur les hauteurs de Brest me fait mal aux jambes, mais je sais que je tiens le bon bout. Arrivée au contrôle, Rodolphe m’a repéré et me guide au contrôle puis je rejoins les autres à table. Rodolphe et Jean-Jacques nous donnent des nouvelles de Chrystel. Elle peine un peu, mais si elle passe à Brest dans les délais, Jean-Jacques a bon espoir de lui faire rallier Saint-Quentin dans les temps. Nos deux précieux accompagnateurs ont aussi pu s’offrir un vrai repas dans un restaurant alentour.
Le repas avalé, Christophe part se faire masser. Et je vais à mon tour au médical. Je commence à avoir quelques irritations au niveau des mains. J’avais déjà eu des ampoules sur le 600km et j’aimerai éviter que cela se reproduise. Je vais également en profiter pour me faire masser les jambes. Des bobos bien anodins à côté de la personne qui est au médical en même temps que moi et qui souffre de terribles irritations à la selle. Irritations rendues plus fréquentes et plus sévères qu’à l’accoutumée par la conjugaison pluie / cuissard.
Brest – Carhaix
A peine sorti des soins, je rejoins mes compagnons de route et nous repartons illico direction Carhaix. Nous savons qu’il nous faudra repasser le Roc Trévezel et Jean-Jacques nous a avertis de la difficulté de cette montée. Nous roulons nous approchant de cette montée. L’occasion de discuter avec un picard qui met sont expérience à profit pour conseiller le benjamin, 18 ans et quelques jours, de ce Paris-Brest-Paris qui l’accompagne.
Nous profitons du soleil pour exhiber nos maillots de l’ATSCAF qui ont été fréquemment recouverts de nos vestes depuis le départ. La météo est tellement clémente que nous pouvons même nous permettre de rouler sans nos manchettes pendant quelques kilomètres.
Nous retrouvons le couple Battu, bien content de profiter du soleil également. Nos allures ne nous permettent plus de rouler de concert alors que nous approchons du Roc Trévezel. Les tandems ne sont pas avantagés dans les côtes. Nous prenons chacun notre rythme. Christophe est devant, mes jambes me font moins mal mais je préfère monter prudemment. D’autant que nous comptions sur un vent favorable, mais ce dernier qui soufflait si fort pendant que nous descendions est maintenant retombé.
Nous aurons aussi l’occasion de rouler avec un cyclo canadien dont le vélo ne dispose que d’un seul développement, un seul plateau et un seul pignon. Nous apercevons aussi le vélo avec le changement de vitesse par rétropédalage. Il faut être rudement costaud pour se lancer dans Paris-Brest-Paris sur de telles montures.
Je fais une partie de la montée avec un picard, du même club que ceux avec qui j’ai discuté plus tôt. Il fait partie de la confrérie des 650 et a participé à tous les Paris-Brest-Paris depuis 1987. Selon ses dires, celui de 1987 avait été très arrosé également, même plus que celui-là.
Depuis quelques kilomètres déjà, nous croisons des cyclos qui sont encore en route pour Brest. Etant donné les délais et la distance qui les sépare de la mi-parcours, il leur faudra être très fort pour rentrer dans les délais, et vu l’allure de bon nombre d’entre eux, cela ne semble pas possible.
Je retrouve Christophe en pleine discussion avec des autochtones au sommet du Roc Trévezel. Il y a effectivement de nombreuses personnes sur le bord de la route pour encourager les participants à cette aventure qu’est Paris-Brest-Paris. Au bout d’un moment, nous appelons Yann qui nous indique être près du sommet.
La discussion continue et nous ne voyons toujours pas Yann. Nous le rappelons, il est déjà dans la descente. Il ne nous a pas vus au sommet et a donc filé dans la descente. Christophe et moi sommes surpris et énervé par cela et, après avoir salué les bretons avec qui nous discutions et leur avoir donné rendez-vous dans 4 ans, nous partons pour la descente.
Au cours de celle-ci nous apercevons un vélo portant un fanion de club de foot accroché sous sa selle. Christophe, en tant que supporter de l’OL note ce détail qui lui rappelle le cyclo avec qui nous avions roulé pendant quelques kilomètres sur le 600km de l’ASPTT. Effectivement, c’est lui, nous échangeons quelques mots avant de nous séparer, chacun continuant à son rythme. Il faut dire que notre homme n’est pas un grand bavard.
A l’approche de Carhaix, je veux m’alimenter. Je pioche au hasard de mes poches abondamment garnies et en ressort un morceau de gâteau énergétique. J’en prends quelques bouchées, mais rien à faire, même en buvant, ça ne veut pas passer, au final, je le recrache avant que mon goût, saturé de ce parfum, ne me fasse rendre.
Le soleil est toujours là et nous approchons de Carhaix. Yann est arrivé quelques minutes avant nous, à la surprise de Jean-Jacques et Rodolphe qui s’attendaient à nous voir arriver ensemble. Pendant que nous nous dirigeons vers le pointage Yann nous présente ses excuses, mais Christophe et moi sommes un peu énervé. Christophe dit à Yann que dorénavant nous roulerons chacun à notre rythme si les différences d’allure s’avèrent trop importantes, même si nous espérons pouvoir continuer à rouler tous les 3.
Pendant le repas, la météo se couvre et une averse vient même humidifier la route. Cela faisait bien 15 heures que nous n’avions pas eu de pluie, et nous nous en étions très bien accommodés. Avant de repartir, nous nous enduisons les jambes d’huile camphrée pour nous protéger de la pluie. Une recette sans âge mais toujours efficace. Je me passe également un peu de pommade au niveau des tendons d’Achille, mes douleurs aux cuisses se sont déplacées vers le bas.
Carhaix – Loudéac
Et nous voilà reparti à la nuit tombante pour 4 nouvelles heures estimées de vélo. Le moral est toujours bon, d’autant que Jean-Jacques et Rodolphe nous donnent des nouvelles rassurantes de Chrystel. Son genou tient le coup, sa tendinite ne s’aggrave pas, elle a pu passer à Brest dans les délais. Pour nous, connaissant la détermination et la volonté qui la caractérisent, elle ira au bout dans les délais.
Jean-Jacques nous transmet également les encouragements des personnes qui l’ont appelé : Alain et Bernard principalement. Cela en plus des SMS que ces mêmes personnes ont pu nous envoyer, ou ceux de nos amis et parents. Ces encouragements nous font chaud au cœur, et nous ne sommes pas prêts de les oublier.
Cette chaleur nous fait du bien au milieu de cette longue nuit qui nous attend à nouveau. Au bout de 10km, Yann qui était à côté de moi à ce moment-là a un problème et déraille. J’avertis Christophe qui était quelques rangs devant nous dans le groupe au sein duquel nous roulions. Conformément à notre décision, nous continuons, en souhaitant que Yann puisse nous rejoindre rapidement.
Quelques instants plus tard, alors que nous approchions d’un obstacle quelconque, une voie retentie de l’arrière du groupe : « Attention au trou les gars ». L’expression étant couramment employée par Yann, nous sommes contents de le retrouver parmi nous. Quelques instants plus tard, je le hèle, mais seul un plaisantin essayant de se faire passer pour lui me répond. Yann n’est plus avec nous, nous espérons que son problème mécanique n’est pas trop grave.
La route continue, nous passons avec prudence à l’endroit où nous avions observé la chute de ce matin, mais les chiens ne sont pas là pour provoquer d’autres accidents. Nous sommes maintenant au sein d’un autre groupe que nous avons rejoint sur les petites routes que nous parcourons. Ceux-ci sont bien abrités dans nos roues sans que nous ne comprenions bien pourquoi, car ils semblent pouvoir rouler plus vite que nous.
Mis à part un ou deux français qui ont fait quelques apparitions sur le forum, les autres sont tous étrangers : danois et anglais pour la plupart. Alors que nous rejoignons une route de plus grand importance, nous comprenons alors pourquoi ils restaient dans nos roues. Leur éclairage était bien mois performant que le notre et leur visibilité était réduite sur ces petites routes. Après avoir profité de nos lumières, les voilà qui nous laissent sur le bord de la route, reprenant une allure bien supérieure à la notre.
Alors que nous devons être à mi-chemin de notre étape environ, le sommeil commence à m’assaillir. J’ai beau essayer de discuter avec Christophe, au bout de plus de 48h ensemble, nous avons épuisé beaucoup de sujets de discussion et je commence à sentir mes yeux qui veulent se fermer tous seuls.
C’est à ce moment-là que nous rejoignons un cyclo qui a l’air bien content de retrouver des compagnons de route. Il me propose de discuter pour lutter contre le sommeil. C’est avec grand plaisir que j’accepte, et nous voilà parti à discuter de nos expériences cyclotouristes respectives. Du haut de sa soixantaine, il a fait toute une série de brevets et randonnées. C’est un fervent adepte des Audax, formule qui l’a déjà vu parcourir plusieurs fois Paris-Brest-Paris. C’est la première fois qu’il se lance sur cette distance en randonneur.
Sous une pluie qui fait son retour nous discutons Alpes, Pyrénées, Vercors, brevets, Audax. C’est un excellent ami des deux responsables du club de Seynod, avec qui Yann, Chrystel, Gilles et moi avions parcouru notre premier 300km (dans des conditions qui étaient prémonitoires) et qui est un excellent souvenir. Bref, cette discussion a permis de faire passer mon envie de dormir. Finalement, là où je m’étais arrêté pour manger un croissant le matin, lui s’arrête pour boire un café, nous laissant continuer jusqu’à Loudéac sans lui.
La pluie se fait maintenant battante et par moment nous nous dirigeons plus au jugé qu’autre chose, grâce aux lumières des vélos qui nous précédent. En plus de ça, il nous faut être prudent car nos freins se sont faits beaucoup moins performants qu’au départ, usés par les poussières et gravillons qui se collent sous l’effet de la pluie.
Comme à l’aller, l’arrivée sur Loudéac est interminable. On voit les lumières, mais on a l’impression de tourner autour en permanence sans jamais réellement nous rapprocher. Finalement, si, nous y voilà. Nous arrivons au contrôle, et toujours le même rituel : pointage, repas, médical (pas pour Christophe qui semble inusable). Ensuite, direction la douche où le responsable est content de nous accueillir et nous promet une bonne douche bien chaude. En sortant, alors qu’il nous demande si la température de l’eau nous convenait, je lui réponds qu’elle était trop chaude car après avoir reçu tant d’eau de pluie, nous avons perdu l’habitude de l’eau chaude. Cela le fait beaucoup rire et il nous souhaite bon courage pour la suite de notre périple.
Ensuite direction le dortoir, où la foule de la veille n’est plus qu’un lointain souvenir. Certes, il est bien rempli, mais plus de file d’attente et nous pouvons aller dormir immédiatement, non sans avoir convenu de notre heure de réveil auparavant.
Loudéac – Tinténiac
Trois heures après, il nous faut nous réveiller, et secouer Christophe qui est particulièrement difficile à réveiller, comme il me l’avait dit la veille. La pluie tombe à verse, mais c’est dans la plus totale indifférence à son égard que je sors du dortoir, contrairement à la veille.
Afin d’éviter la mésaventure de la veille, je me dirige directement au médical réclamer de quoi éviter de voir une deuxième fois mon petit-déjeuner et j’en profite pour me faire pommader les tendons d’Achille. En nous dirigeant vers le petit-déjeuner nous croisons Yann. Il a déraillé à plusieurs reprises et a perdu pas mal de temps de ce fait-là. A son arrivée, il a déposé son vélo chez le mécanicien pour réparation afin de pouvoir continuer sereinement le périple. Par contre, il n’a pas dormi, afin de ne pas nous manquer et pouvoir repartir en notre compagnie.
Nous passons à la voiture où Jean-Jacques et Rodolphe n’ont quasiment pas dormi, une nouvelle fois. Les nouvelles de Chrystel qu’ils nous donnent sont à nouveau bonnes, malgré un gros besoin de sommeil qui l’a fait s’arrêter dormir chez l’habitant.
Et nous voilà reparti pour une nouvelle journée sous la pluie. Yann, certainement épuisé par sa nouvelle nuit blanche, la deuxième en trois nuits, ne parvient pas à nous suivre plus de 10 km et nous voilà à nouveau Christophe et moi.
Nous trouvons un groupe qui roule à une allure comparable à la notre et profitons de leurs roues. Certains d’entre eux sont sans assistance, et sont contraint de composer avec des affaires humides. L’un d’eux fait donc sécher un maillot, malgré une pluie toujours vivace, en l’étendant sur son tube horizontal de cadre. Selon ses dires, c’est assez efficace, mais je dois admettre que je ne suis pas convaincu.
Le groupe va se séparer sous l’effet du second contrôle surprise (qui n’en était plus vraiment un puisque nous l’avions repéré dès l’aller), chacun prenant une pause plus ou moins longue à cette occasion. Avec Christophe nous ne trainons pas, nous nous fixons des délais pour chaque étape afin de ne pas gâcher les quelques heures de marge dont nous disposons.
Mes tendons me font souffrir, me voilà contraint de pédaler avec la cheville tendue pour ne pas trop les sentir. Je redoute le prochain contrôle et un éventuel passage au médical où l’on m’empêcherait de continuer. C’est la crainte qui me hante. Heureusement, une discussion avec un cyclo ayant souffert des mêmes maux que moi lors de l’édition précédente me rassure quant à leur gravité. Me voilà désormais convaincu qu’un passage au médical me sera profitable.
Avec Christophe, nous reparlons des longs kilomètres qui ont séparés Carhaix de Loudéac. J’évoque le cyclo pyrénéen grâce à qui j’ai pu éviter de sombrer dans le sommeil. Je me dis que je lui dois une fière chandelle, sans même avoir pu voir son visage ni même le remercier.
Le hasard faisant bien les choses, nous allons le retrouver quelques kilomètres plus loin au sein d’un groupe que nous rejoignons. J’aurais donc l’occasion de le remercier pour son aide précieuse.
Et nous arrivons, toujours sous la pluie, à Tinténiac.
Tinténiac – Fougères
Là encore, c’est le même balai : pointage, médical puis repas. Le bilan du médical est plutôt encourageant, ce n’est pas (encore) une tendinite dont je souffre. En rejoignant Christophe au repas, je croise l’italien avec qui nous avons roulé après Carhaix. Nous nous saluons d’un grand sourire, malgré la fatigue qui se lit sur nos visages.
Nous repartons ensuite pour la plus courte des étapes de notre retour vers Paris. Jean-Jacques et Rodolphe restent à Tinténiac pour assister Yann et Chrystel, ils ne seront donc pas à Fougères, l’étape étant trop courtes pour leur permettre de relier les deux villes avant nous.
Au cours de cette étape, nous serons quasiment constamment en groupe. Avec l’un d’eux, nous discutons des différents sports que nous avons pratiqués, et des projets pour la suite. Ces discussions font que l’étape passe vite.
Nous discutons également de Chrystel et Yann qui ont quelques difficultés. Nous sommes relativement sereins pour Chrystel, d’autant que Jean-Jacques lui fait pleinement profiter de son expérience sur ce type d’épreuve. Yann suscite plus d’inquiétude, nous craignons qu’il accuse un coup au moral et que physiquement il ne paye très cher ses deux nuits blanches.
L’arrivée sur Fougères se fait par une route empruntant un « mur » pour nous permettre de visiter la ville. Depuis la première nuit, lassé des changements de plateau incessant provoqués par le relief du parcours, j’ai opté pour une attitude qui me vaudrait une interdiction de séjour chez le vélociste familial. En effet, je reste fréquemment sur le triple plateau, quitte à utiliser des petits pignons, malgré un alignement de chaine néfaste à la longévité de celle-ci. Je joue fréquemment du dérailleur entre le 13 et le 25 dents, quelques scrupules me faisant renoncer à utiliser le 12 dents.
Peu avant l’arrivée à Fougères, nous sommes dépassé par une américaine avec qui j’ai du discuter avant car elle semble me reconnaitre et me salue en me dépassant. Elle informe également Christophe que je suis quelques longueurs derrière lui.
Fougères – Villaines-la-Juhel
Nous décidons, dès notre arrivée de l’heure de notre départ, afin de ne pas perdre de temps. Pendant que Christophe commence à manger, je me dirige vers le médical. Au final, ces passages s’avèrent de véritables bols d’airs. L’ambiance au sein des équipes y est généralement très bonne. Ici, certains se vantent d’être d’anciens apprentis vétérinaires. En plus de se faire soigner, on rigole bien, et dans les moments difficiles, c’est primordial. Selon eux, ma tendinite est encore très légère et musculairement, je suis en « bon état ». La suite ne sera, selon la personne qui m’a examiné qu’une formalité.
Je rejoins Christophe à table. Au fil des arrêts, nous avons trouvé des petites astuces pour ne pas perdre trop de temps. Par exemple, en allant manger en prenant nos bidons avec nous, nous évitons un aller-retour inutile.
Christophe a eu Jean-Jacques au téléphone, et nos craintes semblent hélas se confirmer pour Yann. Mais il est encore dans les délais pour rentrer puisque Chrystel et lui sont dans les mêmes temps.
La pluie s’est maintenant arrêtée et nous repartons donc au sec, mais sur un parcours toujours aussi vallonné. Je crains de ne payer mes efforts à emmener du braquet. En effet, ma tendinite ne me fait plus souffrir quand je mouline que quand je tire gros. Finalement, ça ne sera pas le cas.
Nous sommes très prudents concernant ce tronçon car dans nos esprits, les alentours de Villaines-la-Juhel étaient très vallonnés. Finalement, à l’approche de Villaines, nous aurons la seule occasion de passer le gros plateau. Au sommet d’une descente, un tandem que nous venions de dépasser nous double et nous demande : « On vous emmène ? ». Profitant de l’aubaine, nous prenons leurs roues pour cette descente.
Pour une fois, la météo nous aura épargné et c’est au sec que nous parcourons ce tronçon. D’un commun accord avec Christophe, nous avons choisi de scinder les étapes en deux, en marquant une courte pause à mi-parcours. Auparavant, nous aurons discuté avec une cyclo dont le mari fait l’assistance. Elle aurait bien voulu le faire en tandem, mais n’a pas réussi à le convaincre.
Nous nous arrêtons dans un café le temps de boire un verre et de nous ravitailler. Pour changer des barres énergétiques et du goût sucré, j’ai pris du rab au ravitaillement précédent et me suis confectionné un petit sandwich au fromage. Un suédois nous imite et nous rejoint au café. Pour lui, c’est aussi l’occasion de mesurer son taux de glycémie car il est diabétique.
Le délai imparti à notre arrêt étant révolu, nous repartons pour la quarantaine de kilomètres nous séparant du contrôle. Christophe retrouve un cyclo avec qui il a roulé la veille dans l’ascension du Roc Trévezel, en discutant les kilomètres passent plus vite. Et j’ai beau souffrir de ma tendinite, je sais que nous touchons au but. Nous avons la surprise de reconnaitre au bord de la route des personnes qui nous ont glissées des encouragements à l’aller et nous leur donnons rendez-vous dans 4 ans.
Nous arrivons à Villaines-la-Juhel où Rodolphe nous a repérés. Je lui confie ma sacoche pendant que je file au médical, et que eux vont manger. Au médical, le cyclo avec qui Christophe a discuté est en train de se faire masser sur la table d’à côté.
La personne qui s’occupe de moi prend bien soin de me mettre un peu de froid pour soulager la douleur et profite de cela pour me masser. Ensuite, il m’applique une compresse au niveau de tendon en me disant que je peux la garder jusqu’au bout.
Entretemps le médecin fait le tour de tout les « patients » et nous entamons la discussion. Il m’examine et me dit que ma tendinite est bénigne et que vu mon état général, il ne faut surtout pas que j’oublie de m’arrêter à Saint-Quentin, qui est la fin du parcours. Il me conseille aussi de prendre un anti-inflammatoire léger. Comme je lui dis que j’ai des anti-inflammatoires dans ma pharmacopée, il m’explique fermement qu’il ne faut surtout pas le prendre car c’est trop acide, pareil pour l’aspirine. Finalement, il me donne 4 comprimés de Doliprane, dont deux à prendre de suite, les autres demain matin.
Avant de me laisser filer, nous discutons de la météo, il m’indique que selon lui, les temps mis par les participants sont 10 à 15 heures supérieurs à ce qu’ils auraient mis dans des conditions normales. Je trouve cette estimation un peu trop importante, mais il doit savoir ce qu’il dit, il a trois Paris-Brest-Paris à son actif avant d’être bénévole pour l’organisation.
Le repas est un des mieux organisé, à défaut d’être le meilleur. Les cyclos ont un accès prioritaire au restaurant. La dame qui me sert le repas est celle qui m’a servi le petit-déjeuner à l’aller, me reconnaissant (alors que pas moi, c’est à ce genre de détail que l’on voit que la fatigue est présente), elle me demande gentiment de mes nouvelles. Je lui promets que dans 4 ans, je me souviendrai d’elle. Pour rejoindre la table, on me propose de porter mon plateau, je décline poliment cette sympathique proposition.
La nourriture n’est pas exceptionnelle, mais on s’en contente. Jean-Jacques nous donne des bonnes nouvelles de Chrystel et des moins bonnes de Yann qui a, à nouveau, eu des problèmes avec son dérailleur, pendant que Rodolphe se bat avec la viande qui est dans son assiette. Les coups de fils se multiplient pendant que nous mangeons, notamment mes parents chez qui Jean-Jacques demande le gite et le couvert vendredi soir pour ne pas avoir à reprendre la route pour Lyon. Voyant l’état de fatigue de nos accompagnateurs, j’avais proposé à Christophe cette solution, que Jean-Jacques n’a pas déclinée.
Villaines-la-Juhel – Mortagne-au-Perche
Avant de partir, nous faisons une photo devant la borne qui annonce fièrement qu’il y a désormais 200km pour rallier l’arrivée. Là encore, nous sommes prudents pour ce tronçon, nous gardons en mémoire la côte interminable de l’aller et la traversée du Perche.
Notre allure n’est pas trop mauvaise puisque nous doublons de nombreux cyclos, malgré le relief. Comme sur le tronçon précédent, nous décidons de marquer une pause à mi-parcours, c’est-à-dire à Mamers. Ce sera l’occasion pour Christophe de marquer une pause dans une ville où il a passé quelques années.
A l’entrée de la ville, des gens proposent des boissons chaudes et des gâteaux. Nous en profitons donc pour notre pause. Christophe discute avec les personnes présentes, certaines connaissent ses anciens voisins, les voilà donc chargé de passer le bonjour.
Et nous repartons à travers la nuit et les vallons du Perche. La fatigue se fait sentir et Christophe est fortement intrigué par des lumières au loin, de l’autre côté de la route, qu’il n’arrive pas à identifier. Ce sont simplement les feux arrière d’une voiture.
Entendant mon téléphone sonner, je marque une pause pour écouter le message. C’est Jean-Jacques qui nous informe qu’il arrivera à Mortagne-au-Perche après nous. J’ai aussi un message de Yann, je le rappelle et tombe sur sa messagerie où je lui laisse un message d’encouragement.
Profitant de cette pause imprévue, nous sommes dépassés par un groupe qui va s’égrainer dans les montée successives et que nous allons rejoindre petit à petit jusqu’à notre arrivée au contrôle. Un ami de Christophe est là pour nous saluer. Nous sommes en phase avec notre plan de route improvisé, nous pouvons donc passer une bonne nuit, d’un peu plus de 3h…
Pendant que Christophe discute, je vais me faire soigner. Ma tendinite, je n’y touche plus, conformément aux conseils du médecin, mais les irritations aux mains refont leur apparition, et mes épaules et ma nuque commencent à être douloureuses.
Je recroise dans la file d’attente la cyclo avec qui nous avions discuté au départ, celle qui avait vu sa tentative de 2003 contrarié parce qu’elle avait été renversée par une voiture. Je discute avec la personne du médical qui dit ne pas comprendre comment certaines peuvent réussir à continuer de rouler alors qu’ils souffrent parfois de brulures jusqu’au 3ème degré au niveau des fessiers.
Je retrouve Christophe qui envisage d’aller prendre une douche. Elles sont gratuites car il y a un problème et nous ne sommes pas sûrs d’avoir de l’eau chaude. Légèrement lassé de l’eau froide, nous décidons donc d’aller dormir.
Mortagne-au-Perche – Dreux
Le réveil est trop vite là, mais nous nous levons avec la certitude que physiquement nous pourrons aller au bout. Alors que nous sommes encore tout endormi, nous croisons Chrystel, qui ne voyant pas de grosse manifestation d’enthousiasme croit que nous boudons. En réalité, nous sommes juste mal réveillés. Il faut dire qu’elle peut compter ses heures de sommeil depuis le départ peuvent se compter sur les doigts de la main, sa méprise est donc aisément compréhensible.
Chrystel est dans un état d’énervement assez extraordinaire et refuse de répondre à Jean-Jacques qui l’appelle pour lui prodiguer ses conseils. J’essaye de la calmer un peu, mais rien n’y fait, et puis je ne dois plus être très lucide non plus.
Nous rejoignons Jean-Jacques et Rodolphe à la voiture. Yann n’est pas là, et Jean-Jacques n’a pas eu de ses nouvelles, malgré ses nombreux coups de fils. Comme notre départ précède de peu la fermeture du contrôle, nous nourrissons de grandes inquiétudes son égard. En repartant, nous apercevons un cyclo installé dans un guichet de banque pour dormir au chaud.
En progressant vers Dreux, nous nous racontons nos parcours respectifs et ce qui nous a marqué pendant le parcours. Les kilomètres défilent pendant nos récits mais l’allure est très irrégulière. Chrystel dont le genou est toujours douloureux a du mal à conserver un rythme régulier et nous alternons entre les passages à 25km/h et ceux à 16km/h.
Après un dernier mur à gravir à l’entrée de Dreux, l’occasion d’un des derniers passages du triple plateau, nous sommes au ravitaillement.
Jean-Jacques et Rodolphe nous apprennent que Yann est passé en dehors du délai à Mortagne, comme nous le redoutions. Nous avions tant espéré réussir tous les quatre ensembles, le sort en aura décidé autrement.
Nous allons nous ravitailler généreusement et nous savourons les instants que nous vivons. Mais pas question pour autant de prendre notre temps, il nous faut conserver une certaine marge pour pouvoir faire face à un éventuel coup dur. Nous repartons donc au bout de l’heure que nous nous étions donné.
Dreux – Saint-Quentin en Yvelines
La suite n’est qu’une anecdote et nous rallions Saint-Quentin sans encombres mais à une allure toujours aussi irrégulière. Nous partageons nos expériences de cette aventure avec les cyclos qui sont avec nous, notamment Tandem Breton, un couple de Bretons habitués du forum du Paris-Brest-Paris.
Nous reconnaissons certains des villages que nous avons traversés à l’aller. Les routes sont vallonnées pour ne pas nous faire perdre nos bonnes habitudes. Je me livre à une réflexion incongrue concernant une absence de marque à l’approche de l’arrivée. Sur le ton de l’humour, je fais remarquer que la pluie, qui nous a pourtant été fidèle depuis le départ, n’est pas là. Hélas, ce qui se voulait une remarque ironique sera en réalité une prophétie, la pluie tenant à nous saluer une dernière fois avant notre arrivée.
A l’approche de Saint-Quentin, Christophe prend quelques longueurs d’avance sur nous pour pouvoir rouler plus régulièrement. Nous entrons dans Saint-Quentin avec un groupe que nous ne quitterons plus jusqu’à l’arrivée. C’est une arrivée assez pénible, on est en ville, il y a même des travaux, de la circulation. Le parcours est globalement magnifique, exception faite des 10 derniers kilomètres.
Nous apercevons au loin le rond-point des Saules qui marque l’arrivée, nous l’avons fait !
L’arrivée
J’arrive sur le rond-point, Jean-Jacques me hèle et je m’écroule dans ses bras en pleurs en lui bredouillant un merci. Même manège avec Rodolphe et mes parents qui sont là également. Il n’y a pas de mots pour décrire ce que l’on peut ressentir à ce moment-là . Un mélange de joie, de fierté, de gratitude envers tous ceux qui nous ont encouragés et supportés pendant notre préparation et pendant l’épreuve. Une seule chose est sûre, c’est que quand on y a goûté, on veut le revivre. Les inscriptions pour 2011, ça ouvre quand ?
Après ces émotions, il nous faut aller pointer à notre arrivée. On rend à contrecœur notre carnet de route, témoin fidèle de tout ce que nous avons traversé. Au moment de le rendre, je demande si il me sera restitué, la réponse est positive, je retrouverai donc cet objet qui a acquis une grande valeur symbolique.
En sortant de la file, un Australien m’attend, me proposant d’échanger nos maillots. Est-ce celui à qui j’ai dit que je trouvais leurs maillots très beau ? Peut-être, peut-être pas, je suis absolument incapable de me souvenir quelle tête il avait, et puis sans casque, les cyclos sont parfois difficilement reconnaissables. Bref, lui repart vers l’Australie avec un maillot de l’ATSCAF Rhône et moi avec un beau maillot australien.
Nous buvons ensuite le champagne en dégustant un Paris-Brest. Des amis me rappellent suite à mon SMS envoyés quelques instants auparavant dont le texte était un sobre « Just done it ». Les SMS de l’ATSCAF se multiplient, Alain nous appelle également, j’aurais même l’occasion de lui faire signe par le biais de la webcam qu’il a scruté assidument dans l’espoir de nous voir passer.
Il est ensuite temps de rentrer, après avoir vécu ces instants tellement chargés en émotion. Christophe repart avec sa femme, ses enfants et son beau-père sur Orléans, mes parents emmènent Chrystel et nous restons à attendre Yann, qui après plus de 1 000km a trouvé une voiture pour le ramener de Dreux à Saint-Quentin.
Le trajet en voiture est long pour Jean-Jacques qui conduit, et moi qui suis chargé de le guider jusqu’à Saint-Georges. Finalement, en arrivant, nous retrouvons Chrystel endormie sur le canapé. Mes parents nous racontent qu’elle s’est endormie dès le premier rond-point pour ne se réveiller qu’à Auxerre, malgré son portable qui a sonné à de multiples reprises. Une fois à la maison, elle s’est posé sur le canapé pour dormir jusqu’à notre arrivée.
Le repas du soir est l’occasion à chacun de raconter son Paris-Brest-Paris. Mon père nous raconte comment il suivait notre progression avec un petit cyclo métallique positionné sur les cartes routières. Au moment du dessert, je suis pris d’un énorme coup de barre et me dépêche de l’avaler pour ne pas m’endormir dans mon assiette. Je file ensuite me coucher, imité assez rapidement par mes compagnons de route. Fin de cette magnifique et humide aventure que fut Paris-Brest-Paris 2007. Rendez-vous en 2011 !