Cols de l’Iseran et du Mont-Cenis
Après deux journées très mitigées, ce matin, c’est le grand retour du soleil. Pour la chaleur, il nous faudra encore attendre un peu. Nous réglons les derniers détails relatifs au pique-nique décidé la veille avec des gens avec qui nous avons sympathisés à l’auberge de jeunesse. Les marcheurs doivent monter au Mont Cenis depuis Lans le Bourg et je les rejoins après avoir gravi l’Iseran et le Mont Cenis.
Je pars donc seul dans la froidure, je n’ai pas réussi à convaincre Marie-Laure ou Benoît – deux des marcheurs amateurs de vélo à leurs heures – de m’accompagner. J’espère voir les températures grimper au fil de la matinée car je dois admettre que je grelotte un peu en partant. Dès la sortie de Lans le Villard, j’ai l’occasion de me réchauffer sur les pentes du col de la Madeleine. Je précise que ce col n’a rien à voir avec celui que le Tour de France emprunte régulièrement, il n’empêche que les 3km ne sont pas tendres.
Ces pentes confirment les impressions que j’avais ce matin au réveil. Je ne suis pas vraiment en forme après la mauvaise que je viens de passer grâce à un voisin ronfleur et très bruyant. Je viens quand même à bout de cette difficulté sans trop forcer, je sais qu’il me reste encore de nombreux kilomètres à parcourir.
Après ce col, je suis la vallée de l’Arc jusqu’à Bonneval. La vallée se rétrécie et se refroidit car le soleil est maintenant discret. Les nuages sont hauts et je peux admirer les glaciers des sommets qui encadrent la vallée. J’agite mes doigts pour lutter contre le froid et je dois m’arrêter pour mettre mon coupe-vent et me protéger. Au passage à Bonneval, je peux voir que la température affichée à l’office du tourisme : 4°C ! Cette température ne donne pas envie de s’arrêter alors qu’il s’agit pourtant d’un magnifique village.
La véritable ascension a maintenant commencée. La pente est raide et je m’élève tranquillement. J’ai déjà gravi ce col deux fois et sais où sont situés les replats dont il faut profiter. J’arrive à la première épingle ce qui signifie que j’ai gravi la moitié de la pente qui me sépare du premier répit. La route continue à grimper à flan de montagne et offre un joli panorama sur la vallée de l’Arc et ses sommets. Après avoir rejoint un cyclo, j’atteint cette zone de répit qui correspond au moment où la route rejoint un vallon, celui du ruisseau de la Lenta.
Ce replat dure jusqu’au franchissement du pont qui enjambe le ruisseau et contourne la chapelle Saint Barthélémy. J’observe une énorme marmotte en contrebas avant que la route ne se remette à grimper pour surplomber ce vallon. Il est magnifique, dommage que je n’ai toujours pas pu le traverser sous le soleil.
Je grimpe en observant les moutons et les chèvres disséminés dans les alpages. Mon coupe-vent est grand ouvert et je ne sens plus le froid qui me mord les doigts, j’ai même droits à quelques furtifs rayons de soleil.
Le ruisseau cascade alors que je m’approche de la maison cantonnière abandonnée du Pied-Montet. Il y a là un très léger répit également. La route continue à s’élever pour à nouveau surplomber le vallon. A l’intérieur d’une grande épingle à gauche, je peux voir deux ânes dans un enclot.
J’attends le prochain replat avec autant d’impatience que de crainte. L’impatience s’explique aisément par la rude montée et la crainte par le fait qu’il annoncera les dernières pentes du col que je trouve toujours terrible mais magnifiques. Je viens de passer le pont de l’Oulietta et la pente s’adoucit, j’en profite pour m’hydrater mais la température glaciale de mon bidon me rend la boisson difficile à avaler.
Le pont de la neige a rarement aussi bien porté son nom qu’aujourd’hui. A partir du moment où je l’ai franchi, je me suis retrouvé au milieu des paysages enneigés. C’est féérique. Dommage que la route raide et louvoyante devant moi avec un fort vent qui s’oppose à ma progression ne transforme cela en calvaire.
J’attends la dernière épingle et la route se dresse devant moi, heureusement, le vent m’est maintenant favorable, et puis le sommet n’est plus très loin, comme me l’indiquent les drapeaux. Dans les derniers hectomètres, je peux même toucher la neige sur le talus. Par prudence, je me mets à rouler à gauche de la route sur les 100 derniers mètres – la visibilité me le permet – pour éviter quelques morceaux de neige sur la route.
Après 2h15 et 31,2km d’efforts, j’arrive enfin au sommet alors qu’on me regarde comme une bête curieuse. Il faut dire que mon équipement n’est pas des plus adapté pour affronter de telles températures. Après m’être rapidement ravitaillé, je m’attends à une descente difficile dans le froid. Je garde cependant espoir qu’à Bessans le température devienne plus clémente.
Mes espoirs seront vains, je fais la descente transi par le froid. Dès les premiers mètres, j’ai les doigts engourdis. J’adapte donc ma vitesse à mes capacités. Mon compteur ne flirte donc qu’exceptionnellement avec les 45km/h. Je croise des courageux qui se sont lancés à l’assaut du col après moi, l’un deux me demande même s’il y a de la neige au sommet.
J’arrive à Bonneval frigorifié, il me faudra attendre quelques kilomètres avant de retrouver l’usage normal de mes doigts. Par contre, je sens que j’ai les jambes dures ce qui m’inquiète un peu avant de gravir le Mont-Cenis. Et je ne vois toujours aucun rayon de soleil susceptible de me réchauffer.
Je sens d’autant plus mes jambes que je dois faire face au vent dans la vallée de l’Arc. Malgré la fatigue et le froid, je repasse le col de la Madeleine et descend sur Val Cenis. J’observe les parapentes qui survolent la vallée et ne doivent pas avoir très chaud non plus, malgré le soleil qui est présent. A Lans le Bourg, je m’alimente avant de me lancer dans l’ascension du Mont Cenis.
Mon pique-nique m’attend là-haut, il faut donc que j’y arrive. La montée se fait sur un rythme bien moins soutenu que deux jours plus tôt. Là aussi, je dois composer avec le vent, mais au gré des épingles, il m’est parfois favorable. Par contre, dans la courbe à gauche au niveau de la table d’orientation, je me fais cueillir par la Lombarde qui souffle vraiment fort aujourd’hui.
La montée me parait difficile, mais j’ai retrouvé le soleil et je peux faire la montée sans mon coupe-vent. Ce soleil me fait du bien aux jambes et au moral, dommage qu’il y ait ce vent. J’arrive enfin au sommet et continue pour retrouver les marcheurs. Je les rejoints quelques kilomètres plus loin. Certains ont déjà pique-niqué et décident de redescendre, l’un d’eux bosse à l’Auberge de Jeunesse à 17h. Je prends mon pique-nique avec eux, mais en 4ème vitesse. Le vent souffle très fort au sommet et notre table n’est pas franchement abritée.
Les marcheurs décident de braver le vent et le froid pour longer le lac du Mont Cenis. De mon côté, je n’ai qu’une envie, prendre une douche brûlante. Je les quitte donc pour redescendre rapidement me réchauffer à l’Auberge de Jeunesse.