Les 3 cols (Allos, Champs, Cayolle)
Là encore, il s’agit d’une sortie qui se prépare la veille, il s’agit d’être opérationnel dès le réveil pour partir le plus tôt possible. Nous nous sommes attelés à la préparation des maillots dès la sortie de la douche qui a suivi notre retour du Parpaillon. Les poches s’avèrent aussi chargées que lors de notre sortie de l’Agnel, et nous savons que cela sera nécessaire, cette fois-ci pas question de flancher à mi-parcours. Il faut passer.
Nous nous levons 40 minutes plus tôt que d’habitude pour pouvoir prendre le petit déjeuner dès 7h00, et enfourcher nos montures dès 8h00. Au petit déjeuner, nous croisons nos amis marcheurs qui nous souhaitent bon courage. Comme nous sommes légèrement en retard, nous décidons de ne pas partir de Barcelonnette, mais de nous garer vers Uvernet pour gagner quelques minutes.
Finalement, nous sommes à pied d’œuvre sur nos bicyclettes vers 8h10. Notre tableau de marche prévoir 2h00 pour être en haut du col d’Allos. Il s’agit de faire cette montée à l’économie, deux autres obstacles majeurs étant encore à franchir ensuite. La montée s’effectue paisiblement, et nous la savourons. Nous jetons un œil sur la route de la Cayolle que nous voyons en contrebas. Nous savons que dans quelques heures, notre passage sur cette route marquera la fin d’une superbe randonnée.
Les jambes de Rodolphe et les miennes ont parfaitement récupéré des efforts de la veille. C’est une bonne nouvelle car ce que j’avais proposé comme « journée de repos » aura finalement été une des plus grosses sorties du séjour. Nous avions donc quelques craintes, levées dès les premières pentes du col d’Allos.
Plus encore qu’avant-hier nous avançons prudemment sur le replat qui nous permet de rejoindre les Agnelliers. Sur une telle journée, chaque effort compte, et il est donc important de s’économiser dès le départ. L’objectif est d’arriver au bout du parcours, le temps que nous mettrons n’a aucune importance, surtout qu’après les orages de la veille, le ciel est bleu et aucun nuage ne semble pointer à l’horizon. Vu les routes à emprunter, le moindre doute sur la météo peut compromettre la sortie. La descente de la Cayolle et la traversée des gorges du Bachelard étant particulièrement dangereuse sous la pluie.
A la montée, nous rattrapons trois cyclos, deux d’entre eux marquent une pause juste à ce moment là et nous saluent pendant que nous les dépassons. Nous continuons notre petit bonhomme de chemin et le sommet se rapproche, un coup d’œil au chrono nous indique que le timing sera respecté. Nos 10 minutes de retard sont rattrapées en haut du col, et nous avons fait la montée très tranquillement, sans puiser dans nos réserves.
Arrivés au sommet nous nous ravitaillons légèrement. Le couple de cyclos qui s’est arrêté plus bas arrive à son tour et nous entamons la discussion. Ce sont des montagnards avertis car ils habitent au pied du col du Télégraphe et sont venus chasser les cols dans la région de Barcelonnette. Ils projettent d’ailleurs de faire la Cayolle cet après-midi, et nous nous quittons en nous disant que nous nous reverrons peut-être dans quelques heures.
Commence ensuite la descente sur Colmars les Alpes. La route au sommet du col s’est dégradée depuis mon dernier passage, en 2002, et saute un peu. Comme elle n’est pas très large, il faut donc être très prudent. Après un superbe enchainement d’épingle sous les mélèzes, nous entrons dans la Foux d’Allos et marquons une courte pause. Je dois appeler une connaissance à Colmars pour savoir si nous aurons l’occasion de nous voir. Nous traversons ensuite la station et continuons notre descente jusqu’à Colmars.
La pente est moins forte et certaines portions ont été refaites nous permettant de descendre sans être trop crispés sur les freins. Il convient toutefois de rester vigilant, notamment à l’entrée d’Allos où se trouve un virage à gauche assez sévère. Connaissant cette descente relativement bien, j’avertis Rodolphe des passages délicats. Ils sont pour moi au nombre de deux, il faut également se méfier des deux virages (droite puis gauche) au niveau de Pont de Clignon, entre Allos et Colmars. J’en profite également pour lui indiquer les sommets et curiosités que nous voyons de part et d’autre de la vallée du Verdon : Roche-Cline, le Laupon, la cascade de Chaumie…
A l’entrée de Colmars, nous filons sans nous occuper de la route du col des champs qui part à notre gauche. Nous allons retrouver ma connaissance et profitons de l’occasion pour refaire nos bidons. Les bidons refaits, nous voilà attablé à un bar à l’entrée de la ville. Après presque 1h de pause et de discussion nous repartons. Cette longue pause ne prête pas à conséquence car la montée du col des champs est très ombragée.
Ce col est assez méconnu, mais il n’en n’est pas moins difficile. Il s’élève à 2097m (la pancarte du col n’est pas située au point le plus haut), et présente une dénivelée de 850 mètres en un peu plus de 11km. Ce qui représente une pente moyenne de 7,6%. C’est assez proche de la pente moyenne de l’Alpe d’Huez.
En repartant nous contournons Colmars et j’en profite pour signaler à Rodolphe que le profil du Fort de Savoie qui surplombe la ville épouse le profil des sommets qui dominent la vallée. Nous nous lançons donc dans notre deuxième ascension de la journée. Là aussi, l’allure se veut prudente, nous savons qu’au sommet, il nous restera plus de la moitié du parcours et encore une ascension inconnue pour nous.
La montée est très ombragée et nous en profitons bien, car il est midi et le soleil commence à se faire chaud. La route est très étroite et monte en épingle, nous offrant de superbes vues sur la vallée : Colmars, Allos, la Grande Séolane… La pente est forte et il nous faut attendre d’arriver vers la station de ski de fond de Ratery, située à mi-pente, pour avoir un replat. Ce passage est très court aussi il est conseillé de bien en profiter car le kilomètre suivant est particulièrement dur.
La route continue ensuite à grimper au milieu des mélèzes. Il n’y a guère que les 2 derniers kilomètres qui ne soient plus ombragés. La route n’est pas très bonne et sur la deuxième moitié de la montée, il y a même des aménagements d’évacuation d’eau en ciment en travers la route. Si ces passages ne posent pas de problèmes à la montée, ils sont assez traitres à la descente. Vers 3km du haut, nous distinguons le sommet à travers les mélèzes. Nous sommes passés du paysage vert de la vallée du Verdon au paysage beaucoup plus minéral de la tête de l’Encombrette et des Tours du lac qui surplombent le lac d’Allos.
D’après notre plan de route, nous estimions à 4h00 le temps nécessaire pour attendre le sommet, il nous faudra finalement 3h45. Au sommet, nous retrouvons quelques cyclos qui ont déjà terminé leur montée. L’un d’eux profite de ce répit pour fumer sa cigarette. De notre côté, pas de tabac mais des choses plus consistantes. Il nous reste environ 70 km dont 20 km de montée, et la faim commence à se faire sentir. La vue sur les aiguilles de Pelens est très agréable mais ne nourris pas son homme. Nous nous ravitaillons avec le pain d’épice et la crème de marron qui garnissent nos poches.
Après ce repas, certes pas très équilibré mais très reconstituant, nous voilà prêt pour la descente. La route est beaucoup plus large de ce côté, et offre un meilleur revêtement. Il faut dire que vu le nombre de trous qu’il y a par endroit sur l’autre versant, la route peut parfois ressembler à un gruyère. Nous descendons donc à nouveau très prudemment car la route saute beaucoup. Il faut attendre Val Pelens pour retrouver un meilleur revêtement. La route vient d’être refaite et est donc en excellent état. Il faut cependant rester prudent car cette section, jusqu’à Saint Martin d’Entraunes, est assez sinueuse, avec notamment de nombreuses épingles à cheveux pas toujours très bien signalées. De plus, les travaux ne sont pas complètement finis et il reste par endroit quelques tranchés qui barrent une des voies de circulation. Sur une de ces tranchés, recouvertes d’une plaque métallique pour ne pas gêner la circulation des voitures, nous verrons un des cyclos aperçu au sommet du col la franchir d’un bond, tel un coureur de cyclocross.
Au niveau de la chapelle Saint-Jean, nous filons tout droit. Il est possible de tourner à droite, les deux routes se rejoignent quelques kilomètres plus bas, mais notre route présente l’avantage de ne pas présenter de tunnel.
Les paysages sur ce versant sont très différents de l’autre, et nous sentons tout de suite que la vallée du Var est une vallée chaude. La température monte au fur et à mesure que nous descendons et nous remercions les cumulus qui ornent le ciel et qui vont nous offrir un peu d’ombre pour les derniers kilomètres durs de notre journée. A Saint Martin d’Entraunes, Rodolphe en profite pour remplir un de ses bidons d’eau. Et nous voilà parti à l’assaut du col de la Cayolle par un versant que je n’ai toujours fait que descendre. De mémoire, il descendait bien, ce qui vu notre position actuelle n’est pas forcément une bonne nouvelle. Cela n’entame pas notre courage et nous voilà reparti.
Rapidement, nous apercevons la borne nous indiquant qu’il nous reste 20 km avant le sommet du col. Peu avant, un panneau lumineux nous a donné la température : 33°C. La montée se fait par un long faux plat très usant jusqu’à Entraunes. Les kilomètres me paraissent interminables, et les paysages ne m’aident pas à trouver cela moins dur. Le passage d’un tunnel bien éclairé offre un brin de fraicheur.
Nous sommes au pied des sommets cités plus haut : Tête de l’Encombrette, Tours du Lac, mais je suis absolument incapable de les reconnaitre sur ce versant. Ce qui est sur, c’est que même si la vallée est chaude, elle est humide. L’eau semble ruisseler de toutes parts, et nous admirons quelques cascades. Après Entraunes, la pente se raidit un peu, et je coupe mon cardio-fréquencemètre pour éviter de trop le regarder. Avec la fatigue, nous sommes facilement 10 pulsations plus haut que dans les 2 cols précédents.
La route qui était entourée de végétation traverse maintenant une zone de robines. J’avoue ne plus trop me préoccuper du paysage pour me concentrer sur la montée. Cette ascension ne se fait pas avec les jambes, mais bien avec la tête. Les jambes ne sont pas douloureuses, mais il faut rester tendu vers l’objectif d’arriver en haut. Nous continuons à remonter la vallée du Var et à compter les kilomètres qui nous séparent du sommet.
Les kilomètres passant, je me sens un peu mieux. Nous traversons 2 courts tunnels avant de franchir le Var pour nous retrouver sur sa rive droite. Les sources ne sont maintenant plus très loin. La borne des 10 km a été franchie et Estenc est proche. Les pentes sont toujours les mêmes depuis Entraunes, à quelques exceptions prêt. Les cumulus sont toujours là nous évitant le soleil de plomb que nous redoutions, mais l’atmosphère est chaude quand même.
Les maillots sont grand ouverts quand nous franchissons Estenc et les sources du Var. Il s’agit d’un sympathique étang d’un bleu vert magnifique. A la montée, comme nous le contournons, nous avons tout le loisir de l’admirer. A partir d’ici, nous sommes dans un paysage mêlant mélèzes, alpages et rocher, et ce jusqu’en haut. Le col est beaucoup plus sauvage de ce côté-là, mais également beaucoup plus dur. Il offre 100 m de dénivelée en plus – soit 1290m – pour 10 km de moins, et nous le sentons bien.
Les kilomètres passent, et le sommet approche maintenant. Finalement, le bas et le faux-plat jusqu’à Entraunes aura été le passage le plus pénible. Non que la suite ait été aisée, mais les jambes sont revenues au fur et à mesure de la montée. Nous avons même la ressource, emporté par l’euphorie des cimes, d’accélérer pour le dernier kilomètre. Nous franchissons le sommet main dans la main.
A peine arrivé au sommet, nous sommes accueilles par une « On se retrouve ! ». Il s’agit de notre couple du col d’Allos ce matin que nous retrouvons au sommet. Nous discutons également avec des motards arrêtés au sommet. Ils semblent bien connaitre la région et nous confirment ce que je pensais, le parcours est beaucoup plus dur dans ce sens là que dans l’autre. Les motards après s’être assurés qu’ils n’étaient pas trop éprouvés par leur montée redescendent sur Saint Martin, notre couple de cyclos redescend sur Barcelonnette, et nous les imitons quelques instants après.
Là aussi, la descente se fait prudemment, la route est étroite et saute pas mal. De plus, la fatigue aidant, nous avons certainement des réflexes un peu émoussés. Je dois même m’arrêter à deux reprises dans la descente pour me détendre un peu les épaules. Enfin, après 6h55 d’efforts, 119,6km et 3250m de dénivelée, nous retrouvons la voiture. Fatigué, mais heureux et même fier de notre périple du jour.